Enfant, j’ai été happé, comme beaucoup parmi nous, par l’ouvrage Les Gnomes de Wil Huygen. Quelle fascinante porte d’entrée dans le merveilleux qui vous marque pour toujours. Cette semaine je vous parle de ce célèbre classique des livres illustrés et du jeu Happy Garden de Deedee qui lui aussi s’amuse avec des nains (ou des gnomes) de jardin.
Les Gnomes
Il y a des succès dans le monde des livres illustrés qui traversent les décennies. Lorsque Rien Poortvliet signe les illustrations du livre de Wil Huygen, Les Gnomes, en 1976, il est loin de se douter du succès mondial que va connaître ce livre et les petits personnages qui y sont si minutieusement décrits. Leur livre, Les Gnomes, se présente comme un guide anthropologique où chaque illustration dévoile un pan de cet univers imaginaire.
« Ils sont là, mais nous ne les voyons pas ! Maintenant que, de manière encore hésitante, nous essayons de sauver les trésors naturels qui peuvent l’être encore, il faut espérer que les gnomes jouiront d’une plus grande liberté de mouvement (…) comme les gnomes sont aussi d’un naturel extrêmement réservé et n’aiment pas pas être interrogés, notre étude comporte des lacunes et des imperfections. D’avance, nous remercions les lecteurs qui voudront bien nous aider à la compléter. »
A l’époque le ton était plutôt décalé mais aussi très sérieux …on ne plaisante pas avec la vie de Gnomes…
« D’autre part, beaucoup se souviennent qu’en 1936 le cadavre de Ian Holecek fut repêché dans un lac tchèque. Ce jeune chercheur de grand avenir avait reçu de son gouvernement l’ordre d’étudier la vie des gnomes. Sa veuve nous a confié ses notes, mais elles contiennent tellement d’erreurs que nous avons préféré les lui renvoyer.«
Avec Les Gnomes, la magie opère. On se souvient de sa magnifique couverture qui rappelle celle d’un véritable guide scientifique. Conçu comme une étude approfondie de la vie, des mœurs et de l’habitat des gnomes, il adopte un style proche d’un carnet de bord, avec des extraits manuscrits qui renforcent son authenticité. Le tout est magnifiquement illustré.
« Après le coucher du soleil, la maison des gnomes se réveille (même sans fenêtre, ils savent quand la nuit tombe d’ailleurs les mulots commencent à trottiner). Madame se lève et se dirige, traînant les savates, vers le fourneau dont elle ranime habilement les flammes en jetant quelques brindilles sèches sur les braises qui couvent… »
En prenant soin de présenter le livre comme un objet scientifique, il parvient à rendre l’existence des gnomes crédible. Enfant, je me rappelle très bien des heures passées à dévorer le livre.
« Nous avons consacré vingt années d’études aux gnomes et jugeons le moment venu de publier le récit de nos observations et de nos expériences ; cela, bien entendu, après avoir obtenu l’autorisation d’un conseil plénipotentiaire de gnomes qui, à vrai dire, a mis cinq ans à se décider. Nous estimons que ce livre présente une lacune car le gros traité De Hominibus Parvissimis (Du plus petit des hommes), de Wilhelm J. Wunderlich, qui contient quantité de détails intéressants, date de 1580. Hélas, cet auteur confond si souvent les gnomes avec les lutins et d’autres personnages douteux des contes de fées, qu’on ne peut guère se fier à son ouvrage. »
Les illustrations qui fourmillent de détails, capturent avec précision un univers doux et parfois cruel jusque dans ses moindres recoins. C’est Rien Poortvliet (1932-1995) qui est l’auteur de ces magnifiques dessins. Il a su donner vie au monde des gnomes avec un style réaliste inimitable, mêlé à une touche de magie. C’est le genre d’ouvrage qu’on aime feuilleter régulièrement, ne serait-ce que pour admirer ce superbe travail.. C’est un livre qu’on garde précieusement, qu’on partage au fil des ans.
« Et voici que le jour se lève sur la maison des gnomes. Chacun crie “slitzweitz” (bonne nuit, dans leur langage) aux autres.On entend encore quelques rires étouffés dans l’alcôve des enfants ; dans celle de papa et maman un ronflement à deux voix s’enfle peu à peu ; dans la corbeille des mulots, après force allées et venues, chacun s’installe pour dormir. »
Les petits contes réunis à la fin de l’ouvrage, “Légendes des Gnomes”, sont très intéressants, notamment celui qui relate l’origine légendaire des nains de jardin. L’histoire met en scène une petite fille, amie de la nature, qui, déplorant l’absence de gnomes chez elle, eut une idée originale : modeler un gnome en argile, le peindre, puis le placer dans son jardin, juste devant une petite brouette en bois. Cette statue attira l’attention des véritables gnomes, qui, intrigués, vinrent l’observer de plus près.
« Ils vinrent voir le modelage et furent très touchés. En récompense, dorénavant, une fois par mois, ils apportaient un petit cadeau à la fillette (…) Mais une fois de plus, les autres imbéciles s’y trompèrent et dirent : Pour s’enrichir, il suffit de mettre dans son jardin un gnome de terre cuite!”
« Ce qui est naturellement, une belle imbécillité, mais ces légendes ont la vie dure, et c’est de là qu’est venue la coutume de poser, dans certains jardins, des nains en terre cuite avec ou sans brouette.«
Les Gnomes de Wil Huygen, illustré par Rien Poortvliet.
Happy Garden
En parlant de nains (ou de gnome) de jardin :
Dans Happy Garden, les joueurs se lancent dans un concours pour créer le jardin le plus harmonieux qui soit, rempli d’une multitude de fleurs colorées et de décorations charmantes. Chaque joueur commence avec sa petite maison et une poignée de fleurs pour cultiver son propre chef-d’œuvre botanique.
Et oui nous sommes dans un village de souris. Il va falloir aménager son jardin pour attirer des papillons tout en évitant les taupes.
À chaque tour, chaque joueur sélectionne une tuile de la jardinerie (fleurs, nains de jardin ou moulins à vent) et l’ajoute à son jardin, en la plaçant à côté d’une autre tuile. L’objectif est de valider les tuiles pour accumuler des points. Pour qu’une fleur soit validée, ici on dit contente, elle doit être entourée :
- d’une fleur de la même couleur mais d’une forme différente,
- et d’une fleur de la même forme mais d’une couleur différente.
Les nains de jardin, qui comptent en tant que jokers de couleur pour rendre nos fleurs contentes, sont validés à leur tour lorsqu’ils sont entourés de leur 3 couleurs de vetement (ils ont chacun 3 couleurs). Les moulins à vent, quant à eux, sont validés lorsqu’ils s’alignent dans une rangée ou une colonne comprenant 3 fleurs de même forme.
Il faut aussi composer avec les papillons, les brouettes, les vers de terre et les taupes, qui permettent d’améliorer son score ou de pénaliser ses adversaires ! En somme, notre mission est de récolter des tuiles à la jardinerie et les disposer astucieusement pour maximiser son score. Toute la stratégie repose donc sur le choix des bonnes tuiles aux bons endroits.
Les effets de certaines tuiles, ainsi que ceux des pions « tours de jeu », peuvent parfois provoquer des retournements de situation inattendus et c’est très réjouissant. En effet les parties sont courtes et dynamiques !
Enfin je suis particulièrement sensible aux illustrations un peu naïves et pastels proposées par la talentueuse Marie Cardouat.
Happy Garden, de Deedee, illustré par Marie Cardouat et édité par Funforge .
