La Cordillère des Andes est un lieu qui fait rêver pas mal de monde. Cette chaîne de montagnes qui s’étend sur près de 7 000 km est tout simplement spectaculaire. Cette semaine, je vous parle d’un récit de voyage un peu fou “Caravane des Andes” de Serge Vincenti et du jeu Sierra de Pierre Buty, lui aussi inspiré par ces paysages à couper le souffle.
Caravane des Andes
“Caravane des Andes”, c’est l’histoire de citadins qui rêvaient de rencontrer des peuples au bout du monde : Serge Vincenti et ses coéquipiers, Jean-Yves Guéguéniat, Hervé Lamouche et Francine Bénard. Un récit sur 3 500 kilomètres et 7 mois de marche à travers la Cordillère des Andes sur les traces des Incas.
Avril 1989 : Serge Vincenti rêve lui d’un voyage en chine, un grand voyage à pied, trois mois à travers l’empire du milieu avec un photographe chinois. Le projet ne se fera finalement pas et c’est la rencontre avec Jean-Yves Guéguéniat grâce à une petite annonce parue dans le magazine Grands Reporters.
Un déménageur breton recherche des coéquipiers pour une grande traversée de l’Altiplano andin, en compagnie d’une caravane de Lama.
Entre les 2 hommes c’est l’entente immédiate.
Malgré notre réserve mutuelle , ainsi que nos profondes différences, une chose passe immédiatement entre nous : l’humour.
Pour Jean-Yves c’est un rêve de gosse. Depuis la Bolivie son objectif est d’atteindre l’Aconcagua, point culminant de l’Amérique, à pied, en utilisant le lama comme animal de bât.
A l’époque j’avais pris la décision de partir dans les Andes, une région où souvent mes yeux s’étaient posés …l’idée d’utiliser des animaux de bas m’est venue alors tout naturellement à l’esprit…j’avais lu comme tout le monde Tintin et le temple du soleil et je savais qu’autrefois les incas utilisaient le lama comme bête de bât
Cependant l’argent reste le nerf de la guerre et la recherche de sponsors reste compliquée.
Nous rassemblons beaucoup d’éléments entre notre défaveur : le manque d’expérience et de contacts dans ce domaine, la durée du projet, trop longue et qui effraie un peu.
Et puis la situation se débloque avec l’aide d’air France qui offre 4 billets à cette folle equipée…2 autres aventuriers se greffent alors à l’aventure, Francine Bénard et Hervé Lamouche.
L’arrivée à la Paz, la capitale bolivienne, est un choc pour ces jeunes citadins. Ils apprivoisent leur nouvel environnement et commencent des recherches actives pour trouver des lamas mais aussi des llameros, des paysans indigènes qui savent diriger des caravanes de lamas. La caravane se met finalement en route et on part alors avec eux à la découverte de l’immense Altiplano andin et des paysages époustouflants de gigantisme de la Cordillère.
Je me lève à l’aube le lendemain matin afin d’assister au petit déjeuner des lamas. L’air est si froid que je ne peux respirer que par courtes inspirations , tellement son contact à travers les voies nasales est douloureux. Le soleil se lève sur la Cordillère et colore le paysage d’une douce teinte orangée, faisant scintiller ses premiers rayons sur le sol d’herbe rase encore recouvert de givre.
Récalcitrants à parcourir de si longues distances, les lamas semblent de mieux en mieux accepter leur nouveau mode de vie
Ce matin déjà, certains se sont montrés plus coopératifs au moment d’être attrapés par le cou pour être chargés. Ce moment tant redouté tourne vite au rodéo. Dans la journée, nos chers lamas se sont beaucoup assagis…De là à dire qu’il y a maintenant une complicité entre nos lamas et nous, c’est peut être un peu fort? Il n’empêche que cette caravane se dirige de plus en plus aisément.
Mais la caravane désenchante vite entre les tracas administratifs rencontrés dans les villes étapes ou l’Altiplano au quotidien :
Le vent nous rendra fous. Il est désormais quotidien, souffle du nord-ouest..il hurle dans ma tête, m’empêchant de penser mais aussi de cesser de penser. Éternel maître de la puna, il est si violent et présent qu’il nous rappelle sans cesse notre insignifiance.
De plus, les coussinets des animaux de bas se révèlent extrêmement fragiles et demandent des soins quotidiens et le port de chaussons de marche.
Depuis la mise en place du premier chausson sur Curaca, nos llameros observent scrupuleusement tous les jours la démarche et les pieds de nos animaux…
Première manœuvre : attraper l’animal par le cou puis les oreilles. Une corde est ensuite enroulée autour du poitrail …immobilisé au sol il est ensuite retourné sur le côté…dernière étape : nettoyer à l’alcool le coussinet légèrement enflé avant d’y enrouler une bande de tissu
Finalement, les trois mois passés en Bolivie laissent un souvenir mitigé. Comme un goût d’inachevé.
Notre vie de nomade ne nous a guère laissé le temps d’approfondir les choses. Je comprends les réticences de Francine quant à cette manière de voyager. J’aurais moi aussi souhaité m’arrêter plus longtemps dans certains endroits et passer plus rapidement dans d’autres. Parfois j’ai eu l’impression que notre allure escargot, au milieu de nous donner le temps nous l’enlevait.
L’arrivée en Argentine donne au groupe un nouvel élan avant l’ascension finale de leur voyage vers l’Aconcagua, comme une sorte d’apothéose le 26 décembre 1990, 179 jours après avoir quitté La Paz.
Depuis notre arrivée en Argentine, les contacts avec la population sont de plus en plus fréquents, moins superficiels. Nos nouveaux horaires liés à un climat plus clément nous permettent de rencontrer une population moins repliée sur elle-même. ..Il faut savoir profiter de ces quelques mots, au hasard d’un chemin, d’un village. C’est ce qui fait le charme et la particularité de l’accueil, simple et chaleureux ; Ici on ne cultive pas les relations par intérêt, mais pour le plaisir de connaitre des gens nouveaux.
Serge Vincenti de conclure ce récit par cette belle phrase qui résume cette aventure : Le voyage (…) n’apporte jamais plus que ce que l’on est capable de donner, de recevoir et de comprendre…
Caravane des Andes : l’expédition Lama, 3500 km sur la trace des Incas de Serge Vincenti aux éditions Albin Michel.
Sierra
Je pense que cette phrase définit bien le sentiment qui se dégage du jeu Sierra dont la conception même est intimement liée au voyage de Pierre Buty et Audrey Marcaggi en Amérique du Sud.
Début 2022, après les confinements successifs des années covid, Audrey et moi avions besoin de voir le monde. Notre choix s’est porté sur l’Amérique latine, et nous avons passé plusieurs mois à voyager le long de la Cordillère des Andes. (Pierre Buty)
Dans Sierra, les joueurs construisent un paysage montagneux commun en utilisant des cartes colorées. Ces cartes vont scorer grâce à des « Carnets de voyage », qui représentent les objectifs personnels de chaque joueur.
Le jeu se pratique en équipe, de 4 à 8 joueurs, mais il propose également des variantes coopératives ou compétitives pour 2 joueurs, ainsi qu’un mode solo.
La mécanique est simple : à chaque tour, chaque joueur choisit soit deux cartes montagnes à ajouter au paysage collectif, soit une carte à son propre Carnet de voyage. Le joueur ayant accumulé le plus de points remporte la victoire individuelle. Pour avoir été de bons coéquipiers, le reste de l’équipe gagne un bonus permettant peut-être à toute l’équipe de partager la victoire face aux autres équipes.
Carnettiste talentueuse, Audrey Marcaggi a retranscrit dans ses carnets de voyage les paysages éclatants et la riche palette de couleurs de cette région lumineuse. Une campagne scénarisée permet aussi de revivre leur voyage à travers des “missions”, étape par étape. C’est beau et très satisfaisant. Une belle expérience ludique où il va falloir communiquer, faire des compromis pour mieux avancer ensemble.
Sierra de Pierre Buty, illustré par Audrey Marcaggi et édité chez Blam