C’est le pari réussi à la fois par Philippe Bihouix et Vincent Perriot, dans la bande-dessinée documentaire Ressources et par Matt Leacock et Matteo Menapace dans le jeu Daybreak. Bienvenue dans Des jeux des livres.
Ressources : un défi pour l’humanité
Philippe Bihouix et Vincent Perriot forment un duo fort sympathique et nous proposent un voyage instructif au cœur des enjeux planétaires contemporains.
Philippe Bihouix, reconnu pour ses analyses sur notre monde technologique (L’âge des low tech. Vers une civilisation techniquement soutenable), et Vincent Perriot, célèbre pour ses récits de science-fiction, se mettent en scène dans cet ouvrage. On y suit leurs dialogues animés et très didactique sans se prendre trop au sérieux
D’ailleurs ils traversent le temps et l’espace à bord d’improbables vaisseaux (d’un vaisseau spatial à un dinosaure en passant par la mythique DeLorean de Retour vers le futur), ils remettent en question l’idée du « toujours plus », ce concept qui prône une croissance illimitée dans un monde aux ressources finies. Ensemble, ils dénoncent les illusions entretenues par les grands noms de la tech, comme Jeff Bezos et Elon Musk. Ces derniers défendent une vision où la technologie pourrait résoudre tous les problèmes, en s’appuyant sur la croyance en des ressources infinies et un progrès sans limites.
Les jeunes générations croient vivre dans un monde virtuel… mais on leur ment. Il est probable qu’on vive une sorte de parenthèse « enchantée » d’abondance matérielle, qui sera très ponctuelle à l’échelle de l’histoire de l’humanité…
Le message est clair : notre dépendance aux technologies et gadgets modernes repose sur des ressources naturelles pourtant limitées.
Notre système technique est une gigantesque « machine entropique ». Nous puisons dans des ressources plutôt concentrées (les mines) pour les disperser plus ou moins rapidement, après consommation. Malgré tous les beaux discours, on recycle très mal. Près de la moitié des 60 métaux que l’on utilise ne sont pas du tout recyclés. Enfin, à moins de 1%, en tout cas, estiment les scientifiques.
Les premières planches de Ressources illustrent un futur utopique où, en 3019, l’humanité a pleinement colonisé l’espace, concrétisant ainsi la vision exprimée par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, en 2019.
« Vincent, tu crois vraiment à ce futur ? » interroge Philippe, avant de l’entraîner dans une aventure visant à prouver que cet avenir n’est qu’une chimère.
Le voyage commence dans le monde des cornucopiens, ces optimistes persuadés que les avancées technologiques permettront d’atteindre une abondance infinie. Ce détour est l’occasion de replonger dans le passé, à la rencontre de figures emblématiques de la pensée du progrès sans limites, telles que Roger Bacon et René Descartes, mais également des auteurs du célèbre rapport de 1972, Les limites de la croissance. Ces derniers affirment au contraire qu’une croissance illimitée est intrinsèquement incompatible avec un monde fini.
Une fois ces deux visions radicalement opposées mises en lumière, les chapitres suivants explorent les raisons fondamentales pour lesquelles une croissance économique infinie est physiquement irréalisable. De longues séquences sont consacrées à l’analyse des ressources, en particulier des métaux, et mettent en évidence le cercle vicieux qui lie énergie et métaux : l’extraction des métaux requiert toujours plus d’énergie, tandis que la production d’énergie dépend de manière croissante des métaux.
Nous sommes probablement entrés dans un cercle vicieux…Toujours plus de ressources nécessaires pour capter, convertir, transformer, stocker, utiliser l’énergie…Toujours plus d’énergie pour extraire des ressources de moins en moins concentrées et accessibles.
Les chapitres suivants prennent une tournure plus philosophique et s’attachent à imaginer les contours d’une civilisation techniquement soutenable. Ils plaident pour une sobriété matérielle, une prolongation de la durée de vie des objets et un recours accru aux solutions Low Tech. Enfin, Ressources célèbre la beauté de la planète et invite à rêver un futur différent.
Qu’est ce que la vie? C’est l’éclat d’une luciole dans la nuit, c’est le souffle d’un bison en hiver, c’est la petite ombre qui court dans l’herbe et se perd au coucher du soleil. (dernières paroles d’Issapoomahkska, chef amérindien de la nation Siksika)
Ressources : un défi pour l’humanité de Philippe Bihouix et Vincent Perriot chez Casterman
Daybreak
Dans Daybreak, on rêve ensemble d’un avenir meilleur pour notre planète.
Ce jeu coopératif nous plonge dans la lutte contre le réchauffement climatique, à l’échelle locale et globale. Les joueurs doivent gérer les crises de manière à minimiser leur impact sur les communautés tout en veillant à ce que la consommation énergétique ne fasse pas grimper les températures.
Chaque joueur incarne une puissance mondiale différente – la Chine, l’Europe, les États-Unis ou le Monde Majoritaire – avec un objectif commun : réduire les émissions de carbone. En effet, au début de la partie, chacun produit d’importantes quantités de cubes Carbone. Si certains peuvent être absorbés par des pions Arbre et Océan sur le plateau, d’autres contribuent dangereusement à l’augmentation de la température globale.
La victoire est atteinte en franchissant le Point de Bascule, c’est-à-dire le moment où vous retirez davantage de carbone de l’atmosphère que vous n’en émettez. Pour y parvenir, les joueurs posent simultanément des cartes qui déclenchent diverses actions. Ces dernières s’enchaînent en synergie pour éliminer les énergies polluantes, développer les énergies renouvelables et préserver les espaces naturels, véritables puits de carbone.
Le thème est retranscrit à merveille, pas d’effet leader, c’est fluide et pas trop complexe…le matériel est top : tous les composants de Daybreak sont durables et exempts de plastique.
Daybreak de Matt Leacock et Matteo Menapace, illustré par Mads Berg, CMYK