Arigatō : plus qu’un jeu, une véritable offrande !

Recrutez les meilleurs artisans et faites en sorte de réunir les conditions optimales à leur production. Mais attention, vous n'êtes pas le seul à espérer satisfaire le Shogun.

Maj le :

Mélanie Fragata

Carnet de board

Arigato jeu

Dans douze jours c’est l’anniversaire du Shogun, oui mais c’est surtout le festival des jeux de Vichy et il y a un jeu que vous ne devez pas louper ! Je l’ai découvert et ne peux que vous encourager à faire de même, croyez-moi, vous me direz merci … ou du moins : Arigatō !

Tout est possible même l’impossible

Je trouve que cet adage colle bien à la personnalité de Mélodye Ladrat ici co-autrice de son tout premier jeu avec le prolifique Florian Sirieix déjà bien connu dans le milieu. Psychologue à l’aide sociale à l’enfance, Mélodye est également appréciée dans la communauté des joueurs pour son compte instagram où elle donne vie et voix aux meeples que nous chérissons (#meeplesbubbles). La culture ludique est présente depuis son enfance et l’accompagne dans ses sorties, ses loisirs et même son travail.

Rien ne semble l’effrayer ni la désarçonner, c’est d’ailleurs elle qui est à l’initiative de cette création. Au cours d’un week-end (dans les vignes !) organisé par et pour les passionnés de jeux, Mélodye a lancé un appel pour trouver des volontaires prêts à s’investir dans un proto. Florian a non seulement répondu présent mais il a surtout souhaité à ce que ce projet aboutisse … et quelle réussite !

Au pays du Soleil levant

Vous l’aurez compris au visuel, leur jeu sera sur le thème du Japon. Et si le titre se traduit par « merci » c’est parce qu’au long de la partie vous allez donner mais aussi recevoir des cartes de vos adversaires (« Le Shogun, lui, ne dit jamais merci » dixit l’équipe japonaise qui a communiqué avec les créateurs à propos d’une future exportation). Mais n’allez pas croire que vous vous ferez des cadeaux, non non ! Arigatō est un subtil mélange de draft, de création de tableau et gestion de ressources mais aussi de course aux objectifs ! Les joueurs font certes des offrandes mais absolument pas entre eux !

Chaque partie se joue en douze tours durant lesquels vous tentez de collecter des ressources afin de les transformer en offrande pour le Shogun en respectant au passage ses exigences pour gagner du prestige ! Classique me direz-vous, et pourtant Arigatō apporte sa touche d’originalité dans la réflexion, l’agencement des cartes et les combos à viser.

Un tour se découpe en trois phases :

  • A l’Aube, vous attribuez des rôles aux 5 artisans de votre main : 2 vous donneront des ressources, 2 autres voyageront chez votre voisin (draft) et 1 rejoindra votre Village
  • La journée, vous activez les capacités spéciales des Résidents de votre Village, troquez vos ressources et, éventuellement, envoyez les porteurs d’offrandes au Palais
  • Au crépuscule, vous réactivez certains bonus puis vérifier si l’objectif du tour est atteint

Pas de temps d’attente interminable : tout se joue en simultané et pourtant, on garde l’oeil sur ses voisins car certaines actions spéciales dépendent de ce qui est donné ou reçu ! Le fait de n’avoir que quatre emplacements dans son village limite aussi la durée de réflexion et permet de savoir en un clin d’oeil qui espère quoi. La lecture est donc facilitée mais les possibilités sont de ce fait restreintes alors c’est tout un dilemme à chaque fois de savoir quoi garder, quoi sacrifier et comment créer un moteur efficace pour générer rapidement ressources et points ! Tentant non ? Filez sur BGA, vous avez la possibilité de le découvrir dès maintenant !

Petite auberge devenue Pagode

Des heures de travail, il y en a eu ! Et des étapes aussi … à commencer par la distance qui sépare les deux auteurs obligeant ceux-ci à travailler principalement par l’intermédiaire de la visio. Chacun son rythme et sa technique mais il a bien fallu faire le point à certains moments. Mélodye raconte : « Flo était silencieux parfois mais j’ai appris que c’était signe d’un process mental en route, ça engendrait derrière un ping-pong d’idées toujours intéressant ! Il m’a beaucoup guidée dans la création mais m’a surtout permis de trouver ma place moi qui souffrais un peu du syndrome de l’imposteur … ».

Créer un jeu c’est faire des choix et donc renoncer à des envies. Au fil du développement, Arigatō est passé par plusieurs mécaniques dont le double-draft que Mélodye ne désespère pas de mettre au point un jour, je vous laisse apprécier l’idée grâce à la vidéo tournée au chalet d’Un Monde de Jeux. Mais il est aussi passé par plusieurs thèmes : au départ il s’agissait de Voyageurs faisant étape dans une Auberge mais ça manquait un peu de punch (et de twist à l’époque) pour un jeu qui se destinait aux initiés. Puis ce fut le tour des Vikings où se côtoyaient Armuriers, Brasseurs et Jarl invités à s’équiper avant de rejoindre leur Drakkar ! Florian était très attaché à ce thème mais reconnait aujourd’hui que « les testeurs avaient tendance à espérer une expédition après toute cette préparation ». Malgré la difficulté pour l’un comme pour l’autre d’abandonner ce sujet, il a fallu se rendre à l’évidence et le modifier pour donner du sens à ces cartes qui réclament et produisent différentes choses.

Un grand coup de Katana

A l’époque de leur penchant pour la Scandinavie, les auteurs n’avaient encore présenté le projet à aucun éditeur. Heureusement, Florian bénéficie d’un entourage proche habitué à étudier des protos. C’est donc tout naturellement qu’il a demandé à ses amis Cedric (Ludonaute) et Clément (Catch’up Games) de tester celui-ci et les deux ont immédiatement été séduits ! C’est finalement chez Ludonaute que le jeu a été signé mais rassurez-vous les amitiés sont intactes !

Niveau obstacles, les décisions à prendre n’ont pas été les seuls freins dans cette histoire… Peu de temps après le lancement, Mélodye a été victime d’un AVC qui l’a malheureusement privée, entre autres, de ses fonctions cognitives un certain temps : « je n’étais plus en mesure de travailler comme je l’aurais voulu ce qui a été particulièrement frustrant pour moi ». Mais la jeune femme est une battante, elle me confie que ce projet l’a aidée à s’accrocher et se booster durant sa phase de rémission.

Pendant cette douloureuse absence, Florian n’a pas chaumé et a, heureusement, profité du soutien et du talent de Cédric Lefebvre (lui-même auteur en plus d’être éditeur) qui s’est beaucoup investi dans le processus de création en ne manquant jamais d’associer leur collaboratrice tout en veillant à ne pas la submerger d’infos. Elle explique d’ailleurs s’être sentie « vraiment heureuse d’avoir été accompagnée par des personnes aussi bienveillantes ».

Malgré cet épisode, Mélodye a gardé sa motivation et sa détermination intactes. Selon son complice, « elle est revenue avec un regard nouveau sur le jeu, des idées plein la tête, des remarques pertinentes et une capacité impressionnante à anticiper les éventuels problème d’équilibre ».

signature du contrat arigatō
De gauche à droite : Cedric Lefebvre, Florian Sirieix et Mélodye Ladrat

Sublimer le proto

Arigatō va plaire c’est sûr ! Il a un peu de tout ce qu’on aime dedans et le tout est porté par l’élégance des illustrations de Thomas Brotons qui a réussi à ajouter des détails dans le fond de chaque carte sans que cela ne perturbe la lisibilité, c’est juste discret et envoutant. On profite de la beauté des personnages dans un style manga tout en bénéficiant d’une ergonomie efficace avec une lecture immédiate des infos importantes, les pictos sont limpides ! C’est essentiel dans ce type de jeu où les dilemmes sont permanents tout comme la gestion du timing. On salue au passage la majorité féminine (c’est rare !) et les clichés mis de côté (un garçon aux cheveux longs, une femme de couleur musclée etc).

Autre point positif : souvent quand il faut construire un tableau de cartes, on peine à savoir par quoi commencer. Ici, les nombreux objectifs défilent et offrent des points de façon exponentielle ! Il n’y a donc pas de temps à perdre, il faut optimiser à fond, et ce sont eux qui vont guider un peu nos décisions. Le jeu n’est pas compliqué à prendre en main mais il nécessite un calcul rapide des différentes possibilités, un estimation précise de ce qui peut rapporter tout de suite ou être rentable plus tard ainsi qu’une capacité à anticiper le peu d’espace disponible pour installer de nouveaux Résidents.

Les règles sont parfaitement claires et agréables à lire avec un soin tout particulier au niveau des informations importantes faciles à retrouver grâce à des encadrés colorés. Le rythme est intense, palpitant même, on se demande sans cesse si on veut produire, conserver ou offrir, tout est question d’observation et de tactique. C’est purement délicieux ! Et pour les solistes, sachez qu’ils vous ont concocté une version toute aussi fluide et efficace sans aucune lourdeur !

Un dernier mot ?

L’expérience semble avoir été positive pour tout le monde en dehors des épreuves difficiles (non je ne parle pas de l’abandon des Vikings même si on sent que le sujet reste sensible !). Mélodye est debout aujourd’hui et ne parle déjà plus que de demain. Elle est engagée dans la prévention notamment pour sensibiliser aux signes de l’AVC encore trop méconnus et qui doivent nous alerter ! Mais elle ne compte pas lâcher le monde du jeu pour autant et a déjà quelques projets qui avancent et d’autres qui dorment : « amis auteur.ices n’hésitez pas à venir les faire fleurir avec moi ! ».

Florian de son côté a déjà un planning bien chargé pour l’année à venir avec notamment la sortie de Boo party chez Loki (accompagné de Benoît Turpin), d’un 4X chez Ludically (0°), deux jeux développés avec Bruno Cathala mais aussi, et ça je sais que vous allez être nombreux à bondir de joie : un stand alone co-créé avec Benoît Turpin pour l’un des jeux les plus attendus du moment chez Scorpion Masqué, j’ai nommé Tag Team (G.German et C.Lebrat), avec 6 nouveaux personnages !

J’ai adoré découvrir et jouer à ce jeu mais j’ai également pris beaucoup de plaisir à échanger avec deux des acteurs principaux de cette aventure alors vraiment, à eux et à vous qui m’avez lue : Arigatō Gozaimasu !

arigato grande 2
ludum

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Mélanie Fragata


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