Autour de moi, peu de joueurs réguliers hélas mais au fil du temps, les collègues, la famille et les amis ont appris à mettre leurs réticences de côté pour, parfois, s’autoriser à savourer un instant de pause agréable dans le quotidien. Je vous confie ma recette pour tenter de pousser tout le monde dans la marmite !
Prenez une base connue : Temple Code
Dans Temple Code, ce qui rassure les gens c’est de le voir comparé à un souvenir d’enfance qu’on a tous en commun : le Mastermind ! Ne leur dites pas de gros-mots du style « déduction », « réflexion » ou « logique » ! Expliquez-leur qu’ils doivent retrouver un code à 3 couleurs et qu’ils vont pour ça comparer des cartes et recevoir des indications : « ces 3 couleurs n’apparaissent pas dans votre code », « seulement 2 de ces couleurs sont similaires au vôtre mais pas dans cet ordre » etc.
C’est brillant, le cerveau se met en route pour faire des connexions en s’amusant et c’est ce qui séduit le grand public ! Soyez un brin manipulateur et sachez camoufler votre idée de faire un jeu intelligent en leur expliquant qu’il s’agit d’une course à la victoire ! C’est bien plus flatteur et ça motive les troupes !
Les points forts de Temple Code :
- Très peu de règles vite assimilées
- Un système malin que tout le monde connaît, repris et sublimé par le génie de l’auteur Yoan Levet
- Un matériel simple d’utilisation et ultra ludique
Ajoutez un soupçon de règles : Link City
Augmentez au passage le nombre de joueurs puisque Link City peut se partager jusqu’à 6 ! Ici, l’effet de groupe a son importance. Si une personne s’affole, elle peut faire basculer l’ambiance générale en un clin d’oeil alors ne parlez pas « d’association d’idées » ou de « spatialisation » ! Dites plutôt que nous allons, ensemble, tenter de construire une ville idéale en plaçant des lieux selon ce qui nous paraît cohérent. L’idée étant d’être tous d’accord avec le choix secret du Maire !
C’est amusant de voir que nous ne faisons pas tous les mêmes liens logiques et que nos idées reçues, notre éducation ou nos craintes personnelles influent drôlement sur les choix que l’on exprime. La base du jeu est assez simple : on a 3 bâtiments par tour à replacer et, si on fait les mêmes choix que le Maire, on gagne plus de points. Quelques petites contraintes s’ajoutent au fur et à mesure mais sans grande complexité et on n’est même pas obligé de les utiliser pour la première partie.
Les points forts de Link city :
- Peu de matériel et de manipulation
- La communication est à l’honneur : chacun peut exprimer sa pensée et son ressenti
- L’aspect coopératif est renforcé : c’est bien de dire ce qu’on pense, c’est encore mieux d’essayer de comprendre l’Autre
Enrobez le tout d’un charmant nappage : Once upon a draft
Le thème des contes de fée parle à tout le monde en général puisqu’il vient chatouiller notre enfance, nos rêves ou nos fantasmes ! Dans Once upon a draft, il est délicieusement mis en valeur par les illustrations tendres et drôles de Jan Bintakies. Ce petit coffret biseauté attire irrémédiablement l’oeil, l’affaire est dans le sac ! Pour autant, les participants devront être prévenus : ici il faudra quelques tours pour bien saisir l’enjeu alors pas de précipitation, on teste et on apprend de ses erreurs sur la première partie et ensuite on en refait une pour profiter pleinement !
Pas facile au départ pour les novices de comprendre que les trois étapes du jeu seront à la fois différentes et essentielles. Alors n’allez pas leur parler de « construction de deck », de « draft », de« jeu de pli » ou de « tableau building » ! Expliquez-leur qu’ils vont composer leur « famille » parmi le défilé de cartes puis affrontez les autres en mode « bataille » pour enfin compter les points que rapportent chacun de leurs personnages.
C’est assez déroutant de se dire qu’on choisit une carte pour la jouer au centre en opposition à celles des autres mais qu’on la récupère ensuite pour qu’elle score à nouveau grâce à la collection que l’on s’est fabriqué. Inutile de se perdre en explications, il n’y a qu’en jouant que l’on comprendra car, si Once upon a draft reprend habilement des mécaniques que les passionnés connaissent, il faut un temps d’adaptation pour les petits curieux qui se jettent à l’eau pour la première fois. Passée cette étape, quel plaisir de voir leurs yeux s’illuminer quand ils saisissent l’importance et la portée de leurs choix et ne demandent qu’à réécrire l’histoire encore et encore !
Les points forts de Once upon a drat :
- Un thème et des illustrations charmantes qui attire l’oeil
- Plein de mécaniques bien imbriquées et adaptées au public visé
- Une envie d’y revenir qui permet de progresser au fil des parties
Introduisez quelques notes acidulées : Château combo
Allez on monte encore d’un cran le niveau de difficulté tout en conservant des règles tout à fait abordables et un look franchement attirant qui camoufle bien son degré d’exigence en matière de réflexion, merci Stéphane Escapa. Là encore, n’allez pas dire à votre groupe qu’il va devoir « construire un tableau de cartes » en faisant « comboter les capacités des unes avec celles des autres » tout en « contrant les choix de l’adversaire ».
Dîtes-leur plutôt que dans Château combo, chacun va tour à tour choisir un personnage pour le placer dans sa zone de jeu et essayer de marquer le plus de points possibles avec. Car c’est bien tout ce qu’il y a à savoir la première fois ! Laissez aux petits nouveaux la possibilité de tenter des choses et de découvrir par eux-mêmes l’intérêt de tel ou tel choix et le plaisir d’optimiser ses placements pour engranger plus de points. De même, le « blocage » viendra après, quand ils auront compris la base du jeu, ils prendront plaisir à prendre ce qui leur convient et/ou ce qui aurait plu à l’Autre !
Château combo est une proposition parfaite pour qui souhaite faire son entrée dans le monde magique du jeu de société car il se renouvelle à chaque partie et s’apprécie aussi bien dans la découverte que dans l’exploration des différentes stratégies possibles.
Les points forts de Château combo :
- Un format et un look accrocheur
- La simplicité des règles pour une bonne croissance d’apprentissage
- La possibilité de partager un instant entre passionnés et novices tout aussi plaisant pour les uns que pour les autres
Et cerise sur le gâteau : Solstis
Il se peut que vous ayez perdu du monde en cours de route … Bon, faut dire que notre passion nous dévore parfois et peut phagocyter tout le reste alors n’oubliez pas de vous intéresser aussi aux loisirs et centres d’intérêt des autres car « le bonheur n’existe que s’il est partagé » (#into the wild).
Mais pour l’heure, c’est trop tard ! Tous les autres sont partis courir un marathon ou chercher les mioches à l’école ou encore s’abrutir devant une « bonne » vieille télé-réalité ! Il ne reste plus que Bernard, le seul résistant qui est encore ok pour tester une de vos petites boîtes merveilleuses alors pourquoi ne pas lui proposer un jeu prévu uniquement pour deux joueurs !
Solstis est un petit duel féroce emmitouflé dans une couverture moelleuse et fleurie qui laisse une impression de ballade gentillette quand on se contente de regarder de loin. En effet, ne dîtes pas à Bernard que vous serez sans pitié et allez lui chourrer les tuiles qu’il convoite alors qu’elles n’existent qu’en un seul exemplaire ! Bercez-le plutôt d’illusions en lui chantant que vous allez faire une petite randonnée et dessiner vous-même le parcours sous vos pas en tentant de créer des chemins ininterrompus depuis la base jusqu’au sommet de la montagne. Si vous êtes chanceux, vous remplirez même des conditions de placement vous permettant ainsi de gagner des tuiles qui rapportent de précieux points.
Laissez tout de même à Bernard la possibilité de prendre sa revanche quand, à la fin de la première partie, il aura saisit toute la profondeur du jeu et l’aspect observation et blocage à ne surtout pas négliger ! Sinon vous risquez de perdre tous vos nouveaux testeurs et n’aurez plus qu’à faire du jeu en solo… Ca tombe bien, Bruno Cathala, l’un des deux auteurs (avec Corentin Lebrat) a créé et rendu disponible un mode solo sur sa chaîne youtube.
Mais ça, c’est une dégustation particulière que tout le monde n’apprécie pas forcément alors savourez la chance d’être bien entouré et partagez un max votre part du gâteau !
Les points forts de Solstis :
- Une toute petite boîte qui s’emmène partout (même en rando)
- Des tours de jeu simples avec une bonne dose de calcul pour des choix judicieux
- Des parties rapides et un juste équilibre entre frustration et satisfaction qui donne envie d’y revenir
Et pour un plaisir décuplé (avec Bernard ou pas d’ailleurs…), jouez sur le tapis assorti !
