Un vendredi matin normal à Essen, levé aux aurores de 8h30, filer dans un U-bahn et rejoindre le Messe tôt pour essayer de choper un jeu en réassort pour la journée. Pas de bol pour 12 chip trick chez Mandoogames, sold out de chez sold out. La journée peut alors commencer normalement, avec un bretzel et un café pour 35€ environ (non en vrai 8€ mais bon, au secours). Après un petit feuilletage de jeux de rôle chez Free League et une superbe contenance pour ne pas acheter 254 dés chez Chessex (répétez ça dix fois devant un miroir ), je rejoins Girldotgame dans les salon VIP pour une interview…Après la partie 1 hier, voici le bilan du Spiel d’Essen partie 2.
Rencontre avec Matt Leacock
Une interview avec une légende parmi les auteurs : Matt Leacock. Tout sourire et super à l’aise, l’auteur de petits jeux passés sous le radar comme Pandemie ou L’île interdite nous a parlé de sa façon de concevoir un jeu Legacy. Car la grosse actualité pour lui c’est la sortie des Aventuriers du Rail Legacy. Gros carton à Essen et probablement de cette fin d’année, la série historique de Days of Wonder s’est donc déclinée en aventure, découpée en chapitres.
Une vingtaine de minutes passées avec Matt, c’est précieux et rare, merci à Girldotgame pour son côté (in)fluent(e) ! L’interview arrive bientôt sur Campustech !
Heldberg Games, les designers fous
J’avais noté Tokyo Poo Divers dans ma preview d’Essen comme un jeu à surveiller. J’arrive sur le stand je vois le jeu, et soudain l’univers Heldberg me saute à la tronche ! Je sais que cette partie d’article sera clivante, beaucoup de gens étant insensibles à ces graphismes. Moi j’ai trouvé ça fantastique. Un boulot à la limite du graff, des typos fat, des couleurs de sérigraphie, d’un design de skatepark…Je discute avec Volker, le créateur du studio et il est super content de mon enthousiasme.
Hormis la blague Tokyo Poo Diver, qui reste à découvrir, il me pitche alors ses jeux, qui font tous appel à un pan culturel japonais :
- Yubitsume : Un jeu de dés et de rapidité chez les Yakuza dans lequel vous devrez éviter de vous faire couper les petits doigts
- Love Hotel : Un jeu compétitif de nettoyeurs dans un Love Hotel
- Catch the Wave : un jeu de mémoire avec des tanukis qui surfent
- Dan Dan Dan : (le bruit d’un flingue selon les japonais) un petit jeu d’ambiance et de pointage brise-neurones avec des effets de miroir
Tous leurs jeux sont en quantité limitée, sont imprimés à la main, contiennent la signature de l’auteur et de l’imprimeur dans la boîte ! Un vrai délire de designer. Volker est allemand mais il a vécu au Japon, sa femme est japonaise d’ailleurs. A surveiller, et encore une belle rencontre, et probablement un carnet de board à venir !
Rencontre avec Antoine Bauza
Une autre interview était prévue après la pause et quelques pérégrinations chez Stone Maier games, et pas des moindres. Première rencontre pour moi avec Antoine Bauza, toujours avec Girldotgame qui mène l’interview. Je ne veux pas spoiler mais disons qu’on a parlé Japon, jeux-vidéo et édition. Surprenant non ?
En tout Antoine s’est montré très cool et naturel, on a pu avoir une discussion au-delà de questions-réponses. La suite bientôt sur le site !
Ice Makes l’éditeur chokbar de Hong-Kong
Je rejoins mon pote Sylvain pour aller voir le stand du studio qui a créé Eila et l’éclat de la Montagne : Ice Makes. Des petits gars de Hong-Kong qui présentent deux ou trois gros jeux : Epochs et Terrorscape. Mais Sylvain voulait d’abord se prendre un Age of Galaxy, un jeu 4X…de poche. Ca a l’air fou, effectivement. Dans un anglais ein bisschen approximatif l’animatrice appelle alors un collègue pour l’aider à répondre à nos questions.
Bien plus à l’aise avec la langue, celui-ci est super enthousiaste et nous explique le coeur des mécaniques sur leurs petites boîtes. Excellent, enthousiaste, passionnant. Sur son tour de cou, on lit alors son prénom sur son badge. Jeffrey. Tiens, ce prénom est sur toutes les boîtes autour de nous ! On parle donc au CEO/Game Designer/Animator/Head of Communication du studio : Jeffrey CCH.
Un truc s’installe entre nous, le courant passe bien, alors on lui demande de nous pitcher le gros jeu sur la table : Epochs. Kickstarté bientôt, ce jeu est un gros 3h de civilisation asymétrique en plusieurs âges, qui prend en compte la puissance des nations historiquement. En gros, si vous jouez la Grèce, vous serez ultra fort à l’époque Antique, beaucoup moins pour le reste des âges. Pour la France, c’est à l’époque des Temps Modernes que vous prendrez tout votre superbe…etc.
Ensuite on lui demande de nous pitcher Terrorscape, juste à côté : un jeu asymétrique dans un manoir avec un tueur contre des victimes, séparés par un gros mur en carton. Une sorte de La Bête qui rencontre Last Of Us, avec un tueur aveugle. Les victimes se déplacent en faisant du bruit pour trouver 5 clés, et le tueur essaye de les localiser. Un joueur tué et c’est perdu pour les victimes, trouver la sortie et c’est perdu pour le tueur.
Bien sûr plein de petites mécaniques viennent densifier l’ensemble, plein de tueurs différents, de personnages…Et le mur central contient une tour à dés !
Là tout à coup on se rend compte que le Jeffrey est vraiment un créateur à part, car le mec fait un 4X de poche, Eila, un jeu de Civ et un jeu de déduction en même temps. Et des jeux super frais, ambitieux, modernes et uniques. Super rencontre, et on va vraiment surveiller leur production. Hey les gars de Iello : vous avez repéré une pépite, achetez leur le catalogue et vite !
Shadowborne et Awaken Realms, la surenchère ameritrash
Dans un autre coin je me devais de m’arrêter pour jeter un oeil à Oathsworn, le jeu qui se targue de sa note de 9.1 sur BGG. Une boursouflure de matériel, de figurines, de matos vendue près de 900€ pour le all-in. Oui 900€ tous add-ons et collector compris. Je n’ai pas pu voir autre chose qu’un bout de partie, avec une figurine de cabane de 25cm de long, juste là pour décorer apparemment…
Leurs voisins de halle, Awaken Realms, étaient eux venus avec absolument rien à vendre. Mais une version demo de Nemesis Lockdown notamment, et quelques figurines demo en vitrine. Dont celles d’ISS Vanguard, que j’ai pledge et que je ne manquerai pas de vous montrer en décembre 2023 apparemment !
La file d’attente de Lorcana
Autre évènement marquant du salon : la file d’attente pour Lorcana, qui s’étendait sur plusieurs…halles. Du délire total, le jeu de Ravensburger est là pour longtemps je pense. Il y avait une carte spéciale à récupérer, certes, mais l’amour pour Lorcana, s’il en était encore besoin, se confirme sur Essen. Après la Gen Con qui avait failli partir en émeute, la disette organisée pour les shops qui ne peuvent rien vendre (Ravensburger n’ayant pas calibré encore sa distribution), le TCG de Disney veut décoller c’est certain.
Craquage Freelancers
Passant devant le stand de Plaid Hat Games, je vois surgir Freelancers sous mes yeux…Je vous en avais parlé dans la preview Gen Con, et là je le vois déballé. C’est magnifique. L’animatrice de Plaid Hat nous re-pitche le jeu, nous montre l’appli, et ça a l’air si cool que je me dis que je peux caler cette boîte dans ma valise si je prends le PC à la main. Et ça passe, puisque j’écris cette chronique depuis Munich, Freelancers dans la valise et le PC sur les genoux !
Freelancers c’est un RPG hybride en campagne, avec des mécaniques relativement simples et des décisions à prendre dans un temps donné. Narratif et interactif via une appli avec voix et fonctionnalités de jeu, ça a tout simplement l’air d’être génial. Réponse bientôt.
Line-up Blue Orange
Après de moultes aventures je rejoins Girldotgame pour aller voir Cyrielle, PR Manager de chez Blue Orange. Elle nous montre alors le line-up 2024 de sa maison d’édition, résolument orientée famille et jeux d’ambiance. Quelques beaux designs et des jeux bien pitchés suscitent notre curiosité :
- Night Knight : un jeu d’ambiance où on se balance de vrais coussins
- Traitor Word : un jeu avec des mots et des suggestions de mots, que j’appellerai Wordception (je veux un pourcentage Cyrielle si le jeu change de nom)
- Puero Banana : mon coup de coeur, un jeu d’enchères à la QE où on peut miser 32 milliards si on veut, faut juste pouvoir payer à la fin…
- Who For What : un jeu d’association d’idées un peu plus complexe
Gloomhaven et Frosthaven
Au détour d’un stand les gens de Cephalofair avaient emmené des murs de boîtes de Gloomhaven (la V1 je pense en promo à 100€) ainsi que des boîtes de Frosthaven. J’ai déjà les jeux, pour Frosthaven il arrive, et je ferai un truc dessus prochainement !
Rencontre avec Florian Sirieix
En fin de journée, toujours avec Girldotgame, nous partons à la rencontre de Florian Sirieix, officiellement pour parler d’un carnet de board à venir, officieusement pour qu’il s’échangent des foils Lorcana…On parle d’édition et de création de jeux, du Spiel d’Essen et de Planche des Pirates. De projets à venir et donc, d’un carnet de board bientôt !
Mon bilan ludique d’Essen
Je vous fais une petite liste de ce qui m’a marqué à Essen :
- Les jeux en provenance d’Asie sont frais : Japon, Hong-Kong, Corée, Taïwan…Pas cher, novateur, allez dénicher des jeux introuvables
- Ice Makes, un éditeur à suivre
- Free League écrase le jeu de rôle avec des univers et des gameplays différents
- Mandoogames un éditeur à suivre aussi
- Essen est un salon où il est impossible ou presque de jouer : trop de gens, trop de bruit, trop de choses à voir
Mon angle d’approche, en ayant un shop de jeux de société, c’était de voir en priorité les jeux indépendants, introuvables ou pas annoncés chez les éditeurs français. C’est pour ça que je ne parle pas des jeux que tout le monde attend pour Noël, des jeux des éditeurs français : ils arrivent et on va couvrir leur actualité, pas de souci. Essen c’est pour moi la découverte d’autres cultures ludiques, dénicher des jeux et éditeurs dont on connaît peu l’offre.
Mon top 5 d’Essen
Mon top 5 d’Essen des jeux que je n’ai pas joué mais que je sens très bien !
- Evacuation
- Kutna Hora
- 12 Chip Trick
- Freelancers
- Nokosu Dice !
Bien sûr à Essen on rate plein de choses, je suis passé à côté de Apiary, des jeux de Feld, de Robinson Crusoé collector (!) et de dizaines d’autres jeux. On fait des choix à Essen, malheureusement.
Conseils pour un festival d’Essen réussi
Voilà qui conclut mon pèlerinage en terre de Westphalie ! 2 jours très intenses, fourmillants, crevants, dans un brouhaha assourdissant. Voici quelques conseils pour finir, si vous n’y êtes encore jamais allé !
- Réservez un hôtel à l’avance, et proche d’une ligne de métro : aller loin ça veut dire dépenser 20-30€ d’Uber tous les jours
- Ne prenez pas de bagages : pour 55€ vous expédiez tout depuis le festival, carton fourni
- Achetez tout, expédiez tout, puis découvrez le festival le sac à dos léger
- N’achetez rien qui sorte en France quelques semaines ou mois plus tard
- Prévoyez du cash. 60% des stands ne prennent que ça, et les food trucks dans les galeries à l’intérieur aussi
- Prévoyez une gourde, une bouteille d’eau à l’intérieur ça coûte entre 4 et 5€60, un scandale
- Repérez tout à l’avance sur BGG, faîtes-vous une liste et un budget
- Téléchargez l’appli bien foutue du Spiel et faîtes-vous un plan
- Hormis quelques pépites ultra connoisseurs, pas la peine de faire la queue à 9h devant les stands, à 14h il n’y aura plus grand monde
- Venez avec des potes, et jouez le soir
- Les restaus sont blindés le soir et mettent deux heures à vous servir : faîtes des uber eats avec livraison à l’hôtel et profitez-en pour jouer avec deux trois boîtes que vous n’avez pas expédiées
- 2 jours suffisent pour tout voir
Merci à Girldotgame et Alex pour m’avoir traîné à droite et à gauche, ou ouvert des portes vers des auteurs et éditeurs, et merci à Sylvain pour son über-organisation ! Allez, je finis avec un dump de quelques photos en vrac !