Annoncé pour décembre chez Iello, Eila et l’éclat de la montagne est mon chouchou de Vichy. Mais un chouchou annoncé, qui n’a pas trouvé beaucoup de rivaux.
Un jour comme un autre à Essen…
On va au salon du jeu d’Essen pour les nouveautés mises en avant par les éditeurs, souvent accompagnées de goodies et autres petits bonus qui alourdissent la valise. Mais on y va aussi pour les halles secondaires, pour les petits stands d’éditeurs moins connus, venus d’horizons parfois lointains. Et systématiquement, les questions qui reviennent, qui alimentent l’effervescence des rencontres entre particuliers ou avec les éditeurs, sont :
- « C’est quoi, ton coup de coeur? » et
- « Tu as déniché quelque chose? »
A Essen en 2019, je répondais à ces deux questions avec le même titre : Eila and something shiny. Présenté sur leur stand par ICE makes, un éditeur de Hong Kong, aussi connu pour Age of civilization et Age of galaxy, ce jeu attirait par son visuel très doux, surtout en contraste avec la surabondance de stands proposant des orques armés, des space marines armés ou des space marines orques armés en bikinis de cotte de maille.
Une petite lapine, Eila, semblait s’y préparer au plus grand des périples.
Comment ça se joue ?
Le prologue était disponible en test. On découvrait un jeu narratif solo, où l’on tire une succession de cartes événements qui offrent des options. Certaines sont payantes en ressources ou permettent d’en gagner. Certaines cartes seront défaussées dans le passé, d’autres retourneront dans la pile de futures cartes. Au fur et à mesure, vous créerez de nouveaux embranchements de l’histoire et pourrez même obtenir des objets ou des compétences, que vous conserverez d’un chapitre à l’autre.
Quand on vide la pile d’événements, on la remélange pour vivre une nouvelle journée, en revivant certains des dilemmes ou en rencontrant de nouveaux obstacles. L’objectif est de réaliser la bonne collection de ressources ou de faire la bonne rencontre avant d’être épuisé ou d’arriver à la fin de la semaine.
On apprend donc de son expérience en essayant de mieux tirer parti des rencontres. Les joueurs experts y retrouveront les sensations de jeux de survie comme Robinson Crusoé ou This war of mine, avec un moteur plus léger mais efficace en diable.
Une multiplicité de mécaniques
Ce qui surprend dans Eila c’est la multitude de mécaniques de jeu qu’on retrouve dans les différents chapitres : de la gestion de ressources, de la planification, de l’observation, de l’exploration de carte, du deckbuilding, du combat, de la magie, de l’évolution de personnage… On y découvre réellement des tas de formes de jeu de manière très synthétique et bien agencée.
Maîtriser leur imbrication sera la clef de votre réussite. Car les chapitres ne sont pas simples et, à la manière des jeux d’essai et erreur, votre expérience sera la meilleure conseillère. N’espérez pas épuiser le jeu au premier essai. Vos choix se répercuteront sur toute l’histoire. Vous devrez compenser d’un côté ce que vous avez gagné de l’autre.
Comment ça se vit ?
En essayant le prologue, on était appâté par un jeu dont la mécanique offre un potentiel intéressant, quoique de nature classique. Mais il y avait quelque chose dans la mise en scène des choix des cartes, dans les illustrations naïves, dans les situations proposées qui donnait un avant-goût d’une histoire plus riche et touchante. Dont on ne pouvait se rendre compte qu’à la réception du Kickstarter.
Et c’est finalement le plus gros impact du jeu, qu’on ne réalise qu’en vivant l’intégralité de l’histoire. Parce que, parfois, les choix seront plus moraux que stratégiques. Et vous marqueront profondément. L’histoire d’Eila est semée de rebondissements, de choix cornéliens, de hauts et de bas. Le jeu est aussi réussi scénaristiquement : ses mécaniques et son rythme répondent parfaitement aux péripéties de la petite héroïne. Pressants et injustes dans les situations de stress, libérateurs et réconfortants quand tout semble perdu. Il y a une vraie respiration du récit et des instants de poésie, de détresse, de méditation, d’exaltation, de colère.
Eila et l’éclat de la montagne (en français) est un jeu que vous pouvez jouer en tandem, et vous partagerez alors une histoire bouleversante, pleine d’humanité.
Si vous choisissez d’y jouer avec vos enfants, vous les initierez à la fois à des tas de facettes du jeu de société et aux dures réalités de la vie. Sinon, quand vous l’aurez terminé et que vous n’avez pas tout de suite envie d’y rejouer en utilisant les cartes de niveau avancé, filez-le à votre ado réfractaire au jeu. L’immédiateté de la prise en main du jeu est proche du jeu sur smartphone. S’il ou elle n’est pas accroché(e) et ne verse pas une larme en y jouant, cet(te) ingrat(e) mérite de finir larbin à la cour du Roi Cochon.
Vraiment, This War of mine et le Studio Ghibli ont eu un enfant.
Eila était visible chez Iello à Vichy et a tapé dans l’oeil de tous les membres de Campustech.