Construire un deck Magic the Gathering est un travail qu’équilibriste, d’alchimiste. Se tromper dans les quantités, c’est l’assurance de se retrouver avec un deck qui ronronne, qui peine à sortir. Au cœur de la construction, il y a bien-entendu le plan de jeu, la mécanique qui va conduire à la victoire, mais aussi et surtout la base de mana. Elle est essentielle pour arriver à ses fins et constitue, vous allez le voir, un pourcentage important du deck.
Pour les besoins de cet article, je vais me concentrer sur le format que je connais le mieux : le Commander. Mais je pourrais faire quelques incursions sur la forme traditionnelle du jeu. Je sais qu’il existe des méthodes de répartitions très « scientifiques », mais je n’aime pas fonctionner ainsi. Si vous êtes venu chercher un système mathématique de fabrication, vous ne trouverez rien ici.
J’ai une façon de créer mes decks assez spécifique, puisque je dose « à la truelle » et je teste. Avec le temps, j’ai acquis une certaine capacité à percevoir ce dont j’ai besoin pour mon deck, mais c’est à force de tests, d’échecs et de réussites que j’ai pu y parvenir. Vous trouverez aussi, dans cet article, une bonne dose d’avis personnel sur ce qui fait ou non une bonne carte de mana. Rien ne vous empêche d’avoir vos préférences.
La base du deck
Un deck commander est composé de 99 cartes et d’un commandant. Il s’agit de deck Singleton, ce qui signifie qu’on ne peut avoir qu’un seul exemplaire d’une même carte. La seule exception concerne les terrains de base (Plaine, Iles, Montagne, Marais, Forêt et Landes). Un deck classique est composé de 60 cartes et peut comporter de 1 à 4 exemplaires d’une même carte.
Traditionnellement, on dit qu’un deck de 99 cartes doit comporter entre 36 et 39 cartes de terrain, tandis qu’un deck de 60 cartes comprend 20 terrains environ. Tout cela est un subtil jeu de dosage et cela dépend de dizaines de paramètres et nous allons en détailler certains.
Quel terrain ?
Il existe, comme pour tout ce qui concerne Magic, une infinité de déclinaison de terrains. Pour détailler ces terrains, je me suis basé sur l’excellent site : managathering.com qui permet de trier les différents types de terrains et de générateurs de mana par catégories, couleurs, fonctions etc.
On peut les classer dans 3 catégories :
Les terrains à mana
Générant 1, 2, 3, ou plein de mana, il en existe 2 tonnes mais seul une poignée d’entre eux sont réellement intéressants.
Une règle assez générale énonce qu’un mana qui arrive engagé doit répondre à 2 exigences :
- Il doit posséder une condition qui lui permet d’arriver dégager.
- Il doit posséder une bonne raison pour ne pas répondre à la première exigence.
Cela signifie que vous pouvez immédiatement écarter tous les terrains qui arrivent engagés sans possibilité de remédier à ce problème. Je ne vois qu’une exception : Les temples. Ils produisent du mana de 2 couleurs, arrivent engagés quoiqu’il puisse se passer, mais permettent de faire un Regard 1 (regarder la carte du dessus de la bibliothèque, la reposer sur ou sous la bibliothèque), cela ajoute un contrôle sur sa pioche, c’est toujours intéressant à prendre.
Comme énoncé dans l’article sur la construction de deck commander, voici quelques exemples de terrains pertinents :
La tour de commandement, qui n’est jouable qu’en commander, et qui génèrera le mana dont vous avez besoin, sans contrepartie.
Le painland peut être viable, il génère immédiatement du mana, ne demande rien pour de l’incolore et inflige une petite blessure pour obtenir le choix entre deux couleurs. Une blessure, c’est un faible coût, tant qu’il est ponctuel.
Le slowland permet d’ouvrir les possibilités dès le tour 3 (plus vite encore selon certains decks) car il ne demande que 2 terrains pour arriver dégagé. Il existe des fastlands demandant d’avoir moins de 2 terrains pour arriver dégagé, mais je les trouve plus restrictifs.
Le shockland apporte 2 bénéfices : il ne se repose pas sur d’autres cartes pour arriver dégagé. Il demande 2 points de vie, c’est un coût, mais ça peut faire la différence. Autre bénéfice : c’est un terrain de type double, ce qui veut dire qu’il est affecté par les effets de type : « allez chercher une plaine », « si vous possédez une ile » etc…
Le checkland est un terrain qui, comme les slowlands, vérifie si vous êtes en possession de terrain. Il n’en demande qu’un mais il doit être d’un type parmi 2.
Le tangoland ressemble à un slowland mais il a 2 différences : il a lui aussi un double-type. Il demande à ce que le joueur possède 2 terrains de base, et non juste 2 terrains.
Le véritable biland qui arrive dégagé, sans la moindre condition, et qui possède le double-type. Si vous possédez ces cartes, vous êtes riches. On ne va pas les compter, car elles coutent une fortune.
Les terrains à fonction
Ils permettent d’effectuer une action qui n’a rien à voir avec le mana : piocher, jouer avec le cimetière, enlever la limite de cartes en main, devenir une créature et j’en passe. Je ne vais pas les détailler ici, car ils sont légion, et leur pertinence va dépendre de votre stratégie de jeu.
On peut néanmoins noter des basiques de chez basique :
La tour du reliquaire
Le flambeau du commandement
Le passage des malandrins
On est pas sur des cartes qui transforment le jeu, mais elles peuvent s’avérer utiles.
Les fetchlands
Les fechlands sont des terrains qui permettent d’aller chercher des terrains. Pour un joueur débutant, c’est une catégorie étrange, mais ils sont essentiels dès lors que l’on joue plus d’une couleur.
Ils ont 3 fonctions :
–En début de partie, ils permettent de réparer les errances du mana, puisqu’ils permettent de récupérer les terrains de la couleur qui pourrait nous faire défaut. Combien de fois, vous êtes vous retrouvé avec suffisamment de terrain en jeu mais un déficit de variété dans les couleurs qui vous ralentie dans le meilleur des cas, vous bloque totalement dans le pire ? Les fetch permettent de réparer cela.
–Lorsque la partie est plus avancée, ils assainissent le deck en vous enlevant des terrains, ce qui permet de piocher plus de cartes utiles. En effet, nous sommes sur un ratio de 2 cartes piochées pour une carte en jeu. Il arrive un moment où il ne vous sera plus forcément nécessaire de piocher des terrains.
-Si vous jouer des interactions avec les arrivées en jeu de terrain (genre toucheterre), c’est le meilleur moyen de jouer 2 terrains dans un même tour.
Il existe 3 types de fetchlands : les fetch de pauvres, les fetch classe moyenne et les fetch de bourgeois.
Etendue sauvage en évolution et immensité terramorphe sont les 2 fetch budget qui surnagent. Ils vont chercher 1 terrain de base et le font arriver engagé contre un sacrifice de la carte. C’est un peu lent, mais ça fait le taf sur des petits decks, et si vous tentez l’aventure du 3 ou 4 couleurs sans un budget immense, il vous faudra ces cartes.
Le passage merveilleux est un excellent choix de milieu de gamme puisqu’il propose la même chose que nos 2 cartes précédentes, mais avec un texte bonus qui dégage le terrain si vous en possédez déjà 4. Un must, à mettre dans tous les decks.
Ensuite on a les fechlands de bourrin, à 30 € pièce. Contre un point de vie et un sacrifice de la carte, vous pouvez poser depuis la bibliothèque 1 terrain dégagé au choix entre 2 types (ile ou plaine, marais ou forêt etc), ce qui signifie que vous pouvez aussi récupérer des terrains non-base possédant le type énoncé. Un must ! Il en existe 10 :
Il existe aussi une onzième carte qui permet de récupérer, sous les mêmes conditions, n’importe quel terrain de base, pour le poser, lui aussi, dégagé : la vue prismatique.
Incroyablement utiles pour un jeu rapide, ces cartes peuvent s’avérer indispensable pour équilibrer un jeu 3 ou 4 couleurs, et essentielles sur un 5 couleurs. Par contre, prévoyez de faire péter le PEL…
Un mot sur les terrains de base
Avec toute cette variété de terrains, vous seriez tenté de ne pas mettre de terrains de base. Ne faites pas ça. Pour un deck de 3, 4 ou 5 couleurs, ne descendez jamais en dessous de 3 terrains de base par couleurs joués, 5 dans le meilleur des cas. Restez au-dessus de 10 par couleur sur un deck bicolore. Le terrain de base, c’est écrit dessus : c’est la base !
Les autres types de mana
Il existe d’autres types de générateurs de mana ou d’outils d’équilibrage :
Les cailloux
On appelle affectueusement cailloux, les cartes d’artéfacts qui génèrent du mana.
Toujours pour citer l’article de construction de deck : « Si les terrains sont les fondations du deck, les cailloux sont les piliers, car ils vont venir soutenir la base de mana, (en compagnie de créatures ou autres sorts générant du mana, que vous trouverez de bon ton de mettre dans votre deck). Il existe tout un tas d’artefacts générant du mana, je vais en retenir quelques-uns des principaux, tout en écartant les monstres valant une fortune. » Oui, je n’en parle pas mais, si vous avez la possibilité de mettre la main sur un Grand Cromlech, une crypte de mana ou autre trucs déraisonnables qui gravitent dans la sphère compétitive de Magic, c’est tout bénéf.
L’anneau solaire. Indispensable, ultra rentable, l’anneau solaire est LE caillou du format. Disponible dans l’intégralité des préconstruits, il représente un boost considérable.
Les cachets bicolores. Personnellement, je ne m’en sert pas, je n’ai pas ça, mais en vrai, les cachets sont ultra viables. Ils apportent un peu de flexibilité dans le mana.
Le cachet d’ésotérisme. Second caillou emblématique du commander, le cachet coute peu, il est disponible dans tous les decks préco, il ajoute le mana dont vous avez besoin, n’a pas de contrepartie. Un must-have.
Les talismans. Fonctionnant comme les painlands, ils sont beaucoup moins puissants que le cachet d’ésotérisme, mais peuvent apporter le petit ajustement qu’il manque à votre base de mana.
Quelques cailloux incolores. D’une manière générale, j’évite les cailloux coutant 2 mana qui donnent 1 mana incolore, ou ceux au-delà de 2 mana, parce qu’ils commencent à être lourds. Mais dans certaines configurations, certains peuvent se révéler pertinents, surtout la très puissante Lanterne chromatique qui assouplit toute votre base de mana. L’urne de pensée et la pierre de l’esprit sont deux options viables dans le lot de cailloux incolores à éviter, car elles proposent une seconde fonction intéressante.
Notez enfin que, comme pour les terrains, il existe une catégorie spéciale qui regroupe toutes les cartes qui ne vont bien rentrer que dans un seul deck. j’utilise parfois des cailloux exotiques qui ne remplissent pas toutes les conditions citées plus haut, juste parce qu’ils vont bien dans mon deck, comme la sphère luisante dans mon deck poison ou le flambeau des sentinelles dans mon deck planeswalkers. Les règles énoncées sont faites pour être complétées par des exceptions.
Les créatures
Les créatures à mana sont, elles-aussi, nombreuses. A vous de faire votre choix. Il existe un certain nombre de bestioles capables de faire le café, on les trouve surtout en vert, les plus célèbres étant :
L’elfe de Llanowar
L’oiseau de paradis
Le cobra de lotus
La druidesse d’incubation
On peut aussi compter sur le Noble hiérarche et l’ignoble hiérarche.
Ces créatures ont un certain nombre d’atouts et d’handicaps : ils sont pratiques à jouer, coutent généralement peu de mana, peuvent éventuellement servir de défense ou d’attaque, mais souffrent du mal d’invocation et représentent des cibles faciles à abattre.
On peut ajouter à ces créatures qui génèrent du mana, celles qui vont en chercher, comme le Simulacre solennel ou Yasharn, terre implacables, ils permettent de piocher du mana pour respectivement, le poser engagé et le mettre dans votre main. Une manière comme une autre d’alimenter son jeu. Les variations sont immenses et ne dépendent que de ce dont vous avez besoin pour alimenter votre deck en créatures vertes…
Car ne nous voilons pas la face, le vert est roi quand il s’agit de gérer le mana. Il en existe d’autres, dans d’autres couleurs, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dis.
Les rituels et enchantements
Ici on va avoir, comme vu précédemment, plusieurs types de cartes : celle qui font chercher des terrains, comme la portée du Kodama, trois visites, cherchauloin et j’en passe. Les générations spontanées de mana comme la messe noire. Il existe encore bien des types de cartes mais nous sommes ici face aux principales.
Chaque couleur à sa façon plus ou moins directe de générer du mana avec d’autres cartes que les terrains. Le blanc par exemple, fonctionne beaucoup en réponse à des actions qu’effectue un adversaire :
La part du contrebandier va vous faire poser des jetons trésors en réponse à des poses de terrain, alors que la contribution foncière va vous envoyer chercher des plaines si vous avez moins de terrains qu’un autre joueur. Très pratique.
Nous avons passé un grand nombre d’outils en revue, il est maintenant temps de déterminer desquels vous allez vous servir, et en quelle quantité. Pour faire cela, vous devez regarder 2 aspects:
La stratégie de jeu
Votre stratégie de jeu va déterminer vos besoins en mana, ainsi que le type de mana à privilégier. Si vous jouez un deck artéfact, vous n’allez pas hésiter à avoir la main lourde sur les cailloux, si vous jouez beaucoup de créatures, vous allez privilégier les bêtes à mana, si vous jouez spécifiquement d’autres types de sorts, vous allez chercher ailleurs.
Votre base de mana, comme tout le reste, doit être cohérente avec votre plan de jeu. Jouer toucheterre nécessitera forcement plus de terrain qu’une autre stratégie, mais aussi des fetchlands et des sorts permettant de poser plusieurs terrains dans le même tour.
La courbe de mana
Enfin, le dernier élément qui va servir à ajuster votre base de mana sera votre courbe de progression. Jouer beaucoup de petits sorts en mode rush, ne demande pas les même ressources qu’un deck lourd. Je possède des decks qui tournent très bien avec 4 terrains et 1 cailloux. J’en possède aussi qui demandent énormément de ressource, ce n’est pas un soucis, il faut simplement le prévoir à la construction.
Un peu de math :
Faisons le compte : vous jouez un deck qui compte entre 36 et 39 terrains, et qui possède entre 3 et 6 cailloux. Il peut se voir accéléré par quelques créatures à mana, rituels ou autres. On va se retrouver avec quelque chose comme : entre 40 et 50 cartes dédiées à la gestion de mana tous types confondus, sachant que, 40 ce serait pour un deck rapide, tandis que 50 serait pour un gros deck en synergie avec les terrains.
Ca peut sembler énorme (la moitié du deck) mais réfléchissez-y bien, car il s’agit des fondations de votre deck, si elles sont trop fragiles ou trop boursoufflées, vous allez le regretter. Pour vérifier votre dosage, il n’existe qu’une seule méthode : jouez, jouez, jouez et ajustez en fonction du résultat.