L’éditeur Lumberjacks nous propose de vivre de nouvelles sensations autour d’un jeu de cartes coopératif dans lequel les joueurs se racontent une histoire. J’ai testé pour vous le scénario de démo de Fil Rouge et vous livre mes premières impressions sur le sujet.
Pas de repos pour les bûcherons !
Les Lumberjacks n’ont pas chaumé cette année avec la sortie récente de Chat de poche puis Solstis largement appréciés du public. C’est désormais le tour de Fil Rouge de faire son apparition normalement prévue pour juillet.
Il s’agit là d’une toute nouvelle gamme créée par Tom et Julien Prothière dans laquelle les auteurs nous invitent à nous poser, discuter, évoquer nos sentiments, nos impressions, nos ressentis pour, ensemble, reconstituer une histoire de A à Z.
Mais quel intérêt ?
Dans Fil rouge, peu de règles : les cartes « résolution de l’histoire » sont mises de côté, la carte de départ est placée au centre, le reste est réparti entre les joueurs. Sur ces cartes, pas de texte, juste de belles grandes illustrations (de Anne Heldsieck ici) avec plus ou moins de détails, de perso, d’éléments.
L’idée est de nous amener à communiquer. Et « communiquer » ce n’est pas juste « prendre la parole », c’est aussi écouter l’Autre, recevoir l’information telle que LUI la perçoit. Ce point est important car il n’y a qu’en prêtant attention à tout ce qui est évoqué que nous parviendrons à reconstituer l’histoire dans l’ordre. Un peu comme le jeu Perspectives l’impose afin de résoudre l’enquête.
Ici, décrire l’illustration ne suffira pas. Les émotions jouent aussi un rôle majeur ! Il faut donc arriver à doser ce qu’il est essentiel de dire et comment nous l’interprétons personnellement avec le peu de détails dont nous disposons à cet instant tout en laissant la place à une vérité potentiellement différente.
Chacun de nous va donc détailler ce qu’il a en main en précisant les liens qu’il peut faire ou non pour le moment. On va aussi rebondir sur les éléments apportés par les autres : « tu as dit tout à l’heure que l’enfant pleurait ? Etait-il seul à ce moment-là ? Parce que j’ai une carte sur laquelle on le voit courir, on dirait qu’il cherche quelque chose ou quelqu’un » etc. C’est là que le jeu prend toute sa dimension !
Pas de timing pour nous presser, pas de contraintes pour complexifier, pas de lecture qui pourrait démotiver… On observe, on échange, on partage et on se remet en question !
Toute une histoire !
Selon moi, et seulement à partir de ce scénario de démo plutôt accessible et sans sujet sensible, je dirais que le principe peut convenir à tout type de public. J’ai l’habitude de mener des groupes à l’hôpital où je travaille, d’animer dans des centres sociaux et suis sensible à la notion d’inclusion. J’aime qu’un support puisse être utilisé entre adultes ou avec des plus jeunes, des personnes en situation de handicap ou « empêchées » par leur parcours, leurs complexes, leurs difficultés à s’exprimer, se faire entendre, donner un avis.
Fil rouge est, à mon avis, plus à prendre comme « une expérience » qu’un jeu. Ne vous attendez pas à décrypter des messages, emprunter plusieurs chemins possibles, résoudre un truc incroyable (peut-être que les prochains scénarios le prévoient…). Ici, le but est de parvenir à réaliser quelque chose main dans la main. On ne peut y parvenir qu’en s’entraidant et en tenant compte de la parole de chacun. C’est vraiment ce que j’ai apprécié en découvrant « Le vieux Chêne » et le message que j’espère faire passer en le proposant autour de moi.
Si je veux être honnête, je dois dire que le final m’a déçue sur l’instant… Le fait que la résolution soit une simple illustration (aussi jolie soit-elle)m’a surprise. Mais alors quoi ? On ne connaît pas réellement le fond de l’histoire ? Et puis, passé cet instant de sidération, je me suis dis que ma réaction était bête au final… La conclusion reste dans l’esprit du jeu : c’est à vous de vous créer votre propre récit ! ». Attention, il y a bien un, et un seul, ordre à retrouver mais vous seuls saurez quelles hypothèses vous ont conduits à tirer ces conclusions là.
Vous risquez de voir rouge !
Soyons clairs, ce jeu ne plaira pas à tout le monde. Si vous voulez des énigmes, des choses à combiner, des enquêtes à plusieurs embranchements, je vous conseille plutôt Echoes, Back Stories (gagnant des Sabliers d’or sur la chaîne Un monde de jeux), Unlock etc. Mais si vous êtes prêts à vous ouvrir sur quelque chose d’unique et vous offrir un moment de détente où l’on peut prendre tout son temps pour discuter, poser des questions, comparer nos impressions alors oui ! Essayez « Le vieux chêne » et gardez bien en tête qu’il s’agit d’une démo à peu près équivalente à un quart de ce qu’une boîte complète vous proposera.
En effet, le jeu tel qu’il est prévu pour la vente, sera composé d’une grande histoire découpée en chapitres. La démo représente, en durée, un seul chapitre.
Suivez le fil !
Pour ma part, malgré un sentiment mitigé à la fin de ma première partie, j’ai très envie de découvrir la suite et de proposer l’expérience autour de moi dans différentes configurations : en famille, en groupe avec des inconnus, en psychiatrie où la parole mérite d’être rendue au sujet principal et absolument valorisée ; avec ma jeune soeur, trisomique, pour qui trop de lecture constitue encore un frein mais qui aime se plonger dans de mystérieuses histoires…
Fil rouge me fait beaucoup penser à la gamme des Sherlock Q System (Chez Geek Attitude Games), une série de mini-jeux d’enquête de poche où la communication est également l’élément central. J’ai souvent lu des avis négatifs dessus là où moi, au contraire, j’apprécie son originalité et la communion qui s’installe entre les joueurs. Ce type de support devrait être utilisé à l’école pour renforcer la concentration, la coopération et l’imagination !
D’après les premiers retours des festivaliers, il semblerait que les Lumberjacks aient su toucher leur public qui ont ressenti un lien fort les unir alors, si mon article a su piquer votre intérêt, tenez vous prêt : la parution ne tient plus qu’à un fil !