Depuis sa publication en 1865, l’histoire d’Alice, Alice’s Adventures in Wonderland de Lewis Caroll, a captivé l’imagination de générations d’artistes, écrivains, cinéastes et créateurs de toutes sortes. Les personnages, les lieux et les événements du récit défient toute logique et mettent en lumière la subversion des règles et des normes sociales. Entre culture psychédélique, quête d’identité ou douce rêverie au pays de l’absurde, tout le monde y trouve son compte. Voici aujourd’hui le jeu Tea for 2 et e manga Bibliomania !
Bibliomania
Je suis toujours intrigué et curieux des diverses adaptations, réinterprétations et œuvres basées sur le roman de Lewis Carroll. Une toute nouvelle itération est sortie cette année et il s’agit de la première œuvre du dessinateur Macchiro et du scénariste Orval : Bibliomania. Une couverture rouge sang saisissante, que l’on voit de loin, annonce clairement l’ambiance car ce manga nous entraîne dans une aventure visuelle hallucinante sur ce thème classique.
Après un prologue apocalyptique, l’intrigue débute avec Alice qui se réveille dans une pièce entièrement blanche. Au loin, une porte qui ressemble étrangement à la couverture de Bibliomania. Apparaît alors Ophis, le maître des lieux, une sorte de serpent marque page qui rassemble les âmes des humains dans son antre et vise à en récolter 666. Il offre à Alice la possibilité de réaliser tous ses souhaits, à condition qu’elle ne quitte pas la pièce 431.
Cependant, si Alice souhaite partir, elle doit retourner à la pièce 0 (la table des matières) pour s’échapper définitivement. Ophis la met en garde : chaque déplacement vers une nouvelle pièce couvrira son corps d’une étrange pourriture mi-végétale, mi-organique.
Têtue, avide d’une folle liberté, n’en faisant qu’à sa tête, elle traverse alors des pièces hallucinées à la rencontre de personnages névrosées dans une atmosphère totalement horrifique…un geek en surpoids se prenant pour un super-héros, un enseignant irresponsable condamné à un interminable repas en famille, une équipe de savants fous clonés qui lui dévoilent que ce manoir est en fait un livre maudit…celui là meme que l’on tient dans les mains! Une copie du livre des vérités créé par Alice elle-même. L’effet d’abyme est saisissant…
Au-delà d’une double lecture qui amène à une réflexion sur l’accumulation du savoir et son utilisation, chaque pièce que traverse Alice dans un sang-froid glaçant, offre à Orval l’opportunité d’exposer les tourments de l’humanité confrontée aux douleurs de la vie quotidienne.
Le thème principal de ce manga, ce sont les peurs humaines. Qu’il s’agisse de violence, de vieillesse, de maladie, de l’abandon de ses rêves, de l’incapacité de communiquer avec autrui ou de l’angoisse de l’oubli… J’ai représenté un large éventail de peurs, dont certaines me sont intimement familières. C’est un peu, en quelque sorte, un patchwork d’images et de craintes diverses qui peuplent mon esprit. (Orval).
Les niveaux de lecture du livre sont multiples, et l’histoire est une revisite baroque et barrée d’ Alice au pays des merveilles. Bref un manga horrifique, proche de la dark Fantasy, où Alice n’est pas vraiment au pays des merveilles, mais plus dans l’univers d’un Lovecraft qui rencontre un Kaijū.
Bibliomania d’Orval (scénario) et Macchiro (dessin), traduit par Anaïs Koechlin, édité chez Mangetsu
Tea for 2
« En r’tard, en r’tard
J’ai rendez-vous que’que part
Je n’ai pas le temps de dire au revoir
Je suis en r’tard, en r’tard »
Beaucoup plus sage mais non moins passionnant, le jeu de Cédrick Chaboussit nous plonge dans une bataille épique entre Alice et la Reine de cœur. Dans Tea for 2, chaque adversaire débute avec le même deck de 9 cartes, chacune avec son propre pouvoir. Les joueurs vont révéler la première carte de leur pioche et la placer devant eux. Le joueur avec la carte de plus haute valeur gagne le duel (le joueur qui possède le flamant rose gagne les égalités).
Il peut alors soit appliquer l’effet de son personnage, soit acheter une carte. Le coût correspond à la différence entre les deux cartes qui viennent d’être jouées. Si les joueurs jouent un 2 et un 4, il y a donc déjà 2 points d’achats. Si le joueur souhaite acheter une carte de force 6, il devra donc dépenser 4 tartes aux fraises pour l’acquérir (non ce ne sont pas des parts de pizzas)
Lorsque la pioche est vide, le joueur reprend toutes les cartes de sa défausse, ajoute une carte Lapin (de valeur 1), mélange le tout et forme ainsi sa nouvelle pioche. La partie se termine si un joueur ne peut pas prendre de carte lapin ou si 4 des 5 piles du plateau de score sont épuisées.
Ce principe de deckbuilding et de bataille fermée fait toujours son petit effet, en amenant un soupçon de contrôle dans un jeu basé sur le hasard de la pioche. C’est simple sans être simpliste et pour tout public…
« En observant deux de mes filles jouer à la bataille, je me suis rappelé combien j’aimais y jouer moi aussi. Cette madeleine méritait une bonne dose de deckbuilding (…) Quoi de mieux que de s’inviter à la table d’Alice pour apprécier cette madeleine. » (Cédrick Chaboussit)
Pari réussi.
Tea for 2, un jeu de Cédrick Chaboussit, illustré par Amandine Dugon, édité par Space Cowboys