Dans la vie d’un joueur de jeux de société, il y a des moments déterminants, des jeux-charnière qui définissent notre passion. Aeon’s End est l’un de ces jeux pour moi. J’en ai entendu parler la première fois il y a trèèès longtemps sur un forum de feu Tric-Trac, mais sans m’attarder. J’ai franchi le pas il y a un an et j’ai depuis tout acheté, en français et en anglais. Pourquoi ? Car ce jeu est la synthèse d’un genre, la quintessence, l’exquise liqueur : le deckbuilding à son sommet. Voici pourquoi vous devez jouer à Aeon’s End !
C’est quoi Aeon’s End ?
Avant de commencer, voici une description du jeu Aeon’s End si vous débarquez ! Aeon’s End est un jeu de deckbuilding coopératif, dans lequel vous incarnez des mages. En tant que mages, vous défendez le village de Gravehold, attaqué par des entités venues d’une autre dimension : les Némésis. A chaque partie d’Aeon’s End, vous allez combattre une Némésis, qui a son gameplay propre. Pour cela, vous allez constituer un deck en achetant petit à petit (avec la monnaie du jeu : l’éther) les cartes d’un marché central appelé réserve. Composé de gemmes, de reliques et de sorts, ce marché de cartes est commun à tous les joueurs. Vous devrez construire un deck efficace afin de contrer les serviteurs, les attaques et les pouvoir de la Némésis. La Némésis, elle, va vous attaquer vous, mais aussi Gravehold.
Aeon’s End a deux particularités remarquables :
- on ne mélange pas son deck : par conséquent on a un certain degré de contrôle sur notre sortie de cartes et c’est un sentiment jouissif dans un deckbuilding
- l’ordre du tour est aléatoire : cela amène tension et fins épiques ! Jouer en premier peut complètement changer une partie dans un tour crucial. Mais la Némésis peut parfois jouer quatre fois de suite aussi. Une superbe idée de gameplay.
Aeon’s End est une gamme suivie depuis 2016, avec 17 boîtes disponibles au compteur, entre le jeu de base, les extensions, les deux Legacy…Aeon’s End est traduit et édité en France par Matagot. Une partie d’Aeon’s End dure environ 1h30, et se joue de 1 à 4 joueurs.
Le matériel d’Aeon’s End
Pour vous aider à comprendre ce guide, je vais ici vous présenter le matériel du jeu :
Le plateau joueur
Dans Aeon’s End chaque mage a devant lui un plateau de joueur, avec :
- sa pioche
- sa défausse
- ses emplacements de brèches
- ses points de vie
- son numéro d’ordre du tour
- son pouvoir
- son compteur de charges
La Némésis
La Némésis quand à elle, dispose d’un deck de cartes comprenant :
- attaques
- pouvoirs
- serviteurs
Et au milieu coule une rivière de cartes
Au milieu des joueurs, voici la matériel déployé :
- un marché de 9 piles de cartes comprenant gemmes, reliques et sorts
- la pile des cartes d’ordre du tour
- les compteur de points de vie : celui de Gravehold, celui de la Némésis
- un ensemble de jetons : points de vie, jetons de charge, jetons de pouvoir de Némésis
Les règles d’Aeon’s End
Je vais maintenant vous faire un rapide très long résumé topo sur les règles d’Aeon’s End, et vous donner un petit lexique des termes du jeu, pour que vous ayez tous les éléments en main avant d’attaquer ce guide. Vous jouez un mage dans Aeon’s End, qui lutte contre une Némésis et qui défend Gravehold, dernier bastion de l’humanité. Vous avez un deck de base, qui comprend 10 cartes. Ce deck de départ est composé de Cristaux (qui rapportent 1 éther), d’Étincelles (un sort de base qui fait 1 dégât) et d’une carte spécifique à votre mage. A l’avant de votre plateau, vous avez des brèches, en général au nombre de 4. C’est depuis ces brèches que vous pourrez lancer des sorts. Thématiquement, les brèches sont des déchirures de l’espace-temps que vous ouvrez pour atteindre la Némésis (elle vient d’une autre dimension). Ces brèches sont instables et vous demandent de l’énergie pour les maintenir ouvertes. Concrètement, vous avez donc des brèches ouvertes et fermées quand vous jouez. Une action permet d’ouvrir petit à petit vos brèches fermées : la stabilisation. Stabiliser une brèche c’est faire pivoter d’un quart de tour la tuile d’une brèche fermée, réduisant ainsi son coût d’ouverture.
Vos armes et outils sont : des cartes, qui ont des effets sur vous, les autres mages, les Némésis, ses serviteurs, ou des effets sur d’autres cartes. Trois types de cartes existent :
- les gemmes : ces cartes améliorent votre économie en vous faisant gagner de l’éther quand elles sont jouées (l’éther c’est la monnaie du jeu).
- les reliques : des cartes qui ont des effets sur les mages comme du soin, de la stabilisation de brèche, de la pioche etc.
- les sorts : ces cartes sont votre force de frappe, ce sont les sorts qui infligent des dégâts à la Némésis, à ses serviteurs
Vous allez en début de partie former une réserve de 9 piles de cartes, composé de 3 piles de gemmes, 2 piles de reliques, 4 piles de sort. Dans chaque pile de gemmes il y a 7 cartes, dans les piles reliques 5 cartes, dans les piles sorts 5 cartes aussi.
A votre tour, vous allez commencer par la phase d’incantation : si vous avez des sorts placés sur des brèches ouvertes, vous pouvez choisir de les lancer. Si les brèches sont fermées (mais ont été stabilisées le tour d’avant, vous donnant ainsi le droit de poser un sort dessus) vous devez lancer les sorts placés dessus.
Ensuite en phase principale, vous aller jouer 5 cartes depuis votre main, et en appliquer les effets. Souvent vous aurez de l’éther, qui vous servira à acheter une carte parmi les 9 piles du marché, (ou à acheter des charges, ou à payer le coût d’annulation d’un pouvoir de la Némésis). Cette carte part directement dans votre défausse une fois achetée. Vous pouvez jouer des reliques aussi, dont les effets sont variés. Vous allez aussi pouvoir stabiliser vos brèches, en payant un coût affiché sur la flèche centrale de ces tuiles. Vous avez en général 4 brèches, et le coût de stabilisation est croissant. Car les brèches 3 et 4 vous donnent un bonus de dégâts, elle sont plus chères à stabiliser. Chaque mage a aussi une capacité spéciale, un pouvoir unique qui se déclenche quand votre jauge d’énergie est remplie. Pour remplir cette jauge, vous devez gagnez des charges, soit en les achetant (2 éther = 1 charge) soit en gagnant des charges via des reliques ou d’autres cartes. Ces pouvoirs sont d’ailleurs souvent décisifs dans une partie d’Aeon’s End.
Enfin, vous pouvez placer un sort sur chaque brèche ouverte depuis votre main, ou sur chaque brèche stabilisée ce tour-même. Les sorts dans Aeon’s End ont comme dans Magic une sorte de mal d’invocation : on ne peut pas les préparer et les lancer le même tour.
L’ordre du tour dans Aeon’s End est aléatoire : à quatre joueurs, le paquet d’ordre du tour contient une carte pour chaque joueur, ainsi que deux cartes Némésis. Ce paquet est mélangé à chaque tour de jeu. Ce côté aléatoire rajoute de la difficulté au jeu et une tension extrême car tout se joue à un poil de barbe de mage près.
Quand la Némésis joue, on applique les effets de ses cartes déjà présentes, si il y en a, ensuite on pioche une carte depuis le paquet de cartes Némésis. On en applique les effets aussi. Les cartes de la Némésis sont réparties en trois types :
- les cartes d’attaque, qui font perdre des points de vie aux mages, à Gravehold et qui appliquent l’effet Déchaîné de la Némésis
- les cartes pouvoir, dont l’effet est retardé d’autant de tours de la Némésis que la puissance affichée (exemple : une carte avec une puissance de deux on appliquera ses effets après deux tours de la Némésis). Certains de ces pouvoirs sont contrables : en défaussant ou détruisant des cartes, en payant de l’éther…
- les cartes serviteurs, qui sont des sbires de la Némésis et qui ont chacun un texte décrivant leurs aptitudes et attaques
Ce paquet est constitué de cartes de base, ainsi que de cartes spécifiques à chaque Némésis. Ce paquet a d’ailleurs trois niveaux de cartes : plus on avance dans la partie, et plus la Némésis devient forte. Et il y a dans le niveau 3 des cartes qui peuvent vraiment foutre en l’air une partie tellement elles sont puissantes !
Voilà pour le gameplay ! Gravehold a 30 points de vie, chaque mage en a 10, et la Némésis entre 1 et 100, mais en moyenne 70 en mode difficile ! Les présentations étant faites, je vous explique pourquoi ce jeu est complètement chokbar de bz (comme ne disent pas les vieux de mon village).
Attention : tout ce qui suit est particulièrement valable pour le mode difficile d’Aeon’s End. Passées vos premières parties, je vous recommande très vivement de jouer en mode difficile, pour capter le vrai gameplay du jeu et ses vraies intentions. En mode normal le jeu est cool, mais moins stimulant, moins épique, moins gratifiant.
1. Aeon’s End c’est une gamme incroyable
17 boîtes disponibles sur le marché, des petites extensions, des grosses boîtes canoniques comme Une Nouvelle Ere ou Guerre Eternelle, une énormissime boîte Aeon’s End Legacy, un frigo quatre portes avec Aeon’s End Legacy of Gravehold. La gamme Aeon’s End est riche, fournie, variée, complète. Si vous aimez le jeu, Aeon’s End vous comble, c’est votre tonton riche, celui qui vous offre les playstation à Noël, celui qui vous glisse un billet dans la poche à votre anniversaire. Généreux en contenu, en gameplay, en tout. C’est un super feeling d’avoir son plat préféré en quantité. Vous n’êtes pas au resto gastroludique, vous êtes dans une baraque à frites magique, avec du rab’ et buffet à volonté sur l’éther.
2. Aeon’s End c’est un jeu coopératif de génie
La coopération dans Aeon’s End est ce qui se fait de mieux. Les créateurs du jeu ont poussé les mécaniques coop dans leurs retranchements. Non seulement vous devrez communiquer pour construire le marché de cartes AVANT la partie, mais aussi pendant la partie, sur chaque choix individuel. Là où Aeon’s End pousse le bouchon un peu plus loin, c’est que les choix sont tellement cruciaux que vous devez comprendre les decks de vos amis mages pour faire le votre. Un jeu coop normal vous limiterait à votre prisme, dans Aeon’s End vous ne vous en sortirez pas si vous n’avez pas en commun une vision stratégique globale. A l’instar d’un tactical rpg sur console, vous devrez avoir des mages portés vers l’attaque, d’autres vers le soutien, avoir des pouvoirs qui se combinent, ne pas être trop en concurrence sur les cartes du marché (car elles sont en nombre limité)…C’est encore plus vrai dans le mode Legacy qui va vous demander un niveau de coopération extrême. Dans le bon sens du terme !
3. Aeon’s End repousse les limites du deckbuilding
Le gameplay d’Aeon’s End repose sur le deckbuilding. Cette célèbre mécanique de jeu consiste à construire un paquet de cartes, afin de le rendre cohérent, combotant, efficace. Construire un paquet de cartes dans le deckbuilding ne veut pas dire forcément construire un gros paquet de cartes. Au contraire : un petit deck formé de cartes qui vont bien ensemble c’est souvent mieux qu’un énorme deck avec deux cartes très fortes qui sortent seulement trois fois dans la partie.
Dans Aeon’s End, chaque mage a un deck de départ, déjà asymétrique avec un pouvoir qui lui est propre : piocher, stabiliser, gagner plus d’éther…Ensuite, pour un mode de jeu classique, les joueurs forment un tableau de cartes formé de 9 piles. Sans restriction. Dans le sens où vous pouvez utiliser n’importe quelle carte de n’importe quelle boîte du jeu, (à l’exception de vos parties en Legacy) Vous devrez jouer avec 3 paquets de gemmes (l’économie du jeu), 2 paquets de reliques (des effets puissants entre mages) et 4 sorts (des effets d’attaque contre l’adversité). La composition de la réserve prend parfois autant de temps que la partie !
C’est votre connaissance du jeu, des combinaisons de cartes qui va donner lieu à cette mise en place du marché. Et c’est un des grands plaisirs d’Aeon’s End : composer son pool de cartes, en fonction de la Némésis. Perdre, et ajuster. Re-perdre, et re-ajuster. Cette phase demande de la réflexion, de la prévision, de la coopération. Et ça n’a du sens que si la Némésis est difficile, car elle pousse votre compréhension stratégique du jeu. Et remporter le challenge proposé, comprendre ce qu’ont voulu faire les auteurs, c’est extrêmement gratifiant.
Et là vous pensez que quelques cartes sortent du lot et servent contre toutes les Némésis ? Que nenni, mage d’occasion ! C’est un autre point fort du jeu : chaque Némésis a son gameplay, ses exigences, ses patterns, et elles vous forcent à faire des choix variés !
Mais Aeon’s End est loin de se limiter à ça. Tous les bons jeux de deckbuilding ont cette notion d’optimisation de deck. Mais seul Aeon’s End vous permet de ne pas mélanger votre deck ! Vous pouvez donc prédire ce qui va sortir, calculer vos combos, sauf…si vous achetez des cartes. Une carte achetée va dans votre défausse instantanément, vous ne pouvez pas la changer de place. Alors que les cartes jouées depuis votre main, vous les mettez sur le sommet de votre défausse dans l’ordre que vous souhaitez ! Acheter une carte, et briser un combo ? Ou ne pas acheter de cartes pour le garder ? Et gaspiller tout cet éther ?
Certains mages se jouent avec 7 ou 8 cartes dans le deck, d’autres avec 20 sorts. Les mécaniques du jeu vous font piocher, défausser, passer des cartes à un autre mage…tout est fait pour briser votre mécanique bien huilée. Sans parler des Némésis qui peuvent vous donner des cartes avec malus, malédiction, corruption…imaginez les dégâts dans un tout petit deck !
4. Aeon’s End est un modèle d’équilibre
Je ne sais pas par quelle sorcellerie les auteurs d’Aeon’s End sont parvenus à pondre un jeu aussi équilibré. Tellement de parties se sont jouées au tour près ! A chaque découverte de Némésis, chaque combinaison de mages, le jeu vous challenge, vous donne du fil à retordre. Il est quasiment impossible de rouler sur le jeu avec un combo de mages et de cartes qui fonctionne tout le temps. Non, Aeon’s End est un bijou d’optimisation, d’équilibrage pour que chaque Némésis vous fasse réfléchir, vous sorte de vos patterns d’optimisation. Aeon’s End vous fait perdre, vous fait relire les cartes, vous fait comprendre que cette carte va bien avec cette autre carte. Que c’est voulu et souhaité par les créateurs, et que vous devez trouver ce combo à la sueur de vos défaites.
5. Aeon’s End, une adversité sans limite : les Némésis
Tout le gameplay d’Aeon’s End repose sur un affrontement contre une Némésis. Les joueurs oeuvrent ensemble pour repousser les Némésis dans leur dimension, car Gravehold est un petit village bucolique peuplé de mages qui vivent leur meilleure vie en robe. Chaque boîte, chaque extension du jeu propose de nouvelles Némésis. Une des grandes forces d’Aeon’s End, c’est de toujours proposer des mécaniques renouvelées. Les Némésis proposent ainsi non seulement du challenge (il est plus commun de perdre à Aeon’s End que de gagner) mais aussi de la variété dans son gameplay.
Il existe des dizaines de Némésis à ce jour mais voici quelques exemples de gameplay variés qu’elles proposent :
- vous voler des cartes dans le marché central, et si trois piles sont épuisées c’est la défaite
- pondre des larves et des mouches qui vous font perdre si la couveuse est pleine
- vous pourrir vos decks avec des cartes qui vous infligent des dégâts
- vous pourrir vos decks avec des cartes qui sapent votre économie
- proposer un jeu contre la montre où vous devez la tuer avant qu’elle ait fini son deck
- un blocage de vos brèches
- une Némésis invincible tant que vous n’avez pas éliminé tous ses acolytes
- une Némésis qui bloque vos pouvoirs et vous terrorise
- une Némésis qui se soigne à tous les tours et qui devient immortelle après 99 points de vie
Je suis volontairement flou pour ne pas vous spoiler, mais vous en aurez pour votre argent !
6. Aeon’s End, c’est 40 mages à jouer
De même que pour la variété des cartes ou des Némésis, Aeon’s End va vous tartiner la tronche de mages : il en existe une quarantaine, à la louche, et chacun vous apporte un gameplay particulier. Car oui, même si le jeu a des règles bien établies, chaque mage apporte un ou des éléments de gameplay. Pour ça il dispose de plusieurs atouts :
Les brèches et types de brèches
Certains mages ont des brèches déjà ouvertes, d’autres des brèches particulières (plus de dégâts, soins…), et des niveaux de stabilisation différents. Certains mages ont 4 brèches à ouvrir, d’autres une ou deux brèches seulement !
Les cartes spécifiques
Chaque mage a une ou plusieurs cartes de départ, qui lui est propre et qui a souvent un effet en rapport avec son pouvoir. Ces cartes sont à prendre en compte dans le gameplay du mage, et oriente votre stratégie.
Les pouvoirs
Chaque mage est doté d’un pouvoir qui lui est propre, et qui se déclenche pendant son tour de jeu, ou parfois pendant le tour d’un autre mage, et même pendant le tour de la Némésis. Ces pouvoirs ont des tonnes d’effets que je peux répartir en familles :
- des dégâts, des pouvoirs offensifs
- du support, du soin, stabilisation, pioche, charges
- du contrôle, ordre du tour, stabilisation
Les pouvoirs sont aussi nombreux que les mages et seulement quelques-uns d’entre eux semblent peu jouables. En général, votre équipe de mages sera diversifiée : des mages offensifs, du heal, du contrôle…Mais les mages doivent aussi comboter avec les cartes de la réserve. A chaque boîte, c’est un plaisir de découvrir les nouveaux mages et leur potentiel, les nouvelles combinaisons de pouvoirs…Aeon’s End régale sur ce point.
7. Aeon’s End c’est le temple de la synergie
Vous commencez à la comprendre, Aeon’s End essaye de vous amener à la compréhension des synergies nécessaires à la victoire contre les Némésis. Ces synergies se situent dans :
- la compréhension des effets des cartes de la réserve, et leur potentiel pour chaque mage. Pendant la constitution des piles de la réserve, il sera nécessaire de savoir qui achète quoi !
- la compatibilité des mages. 4 mages offensifs est un choix risqué, car le temps de constituer des decks viables vous allez probablement mourir.
- les effets combinés de ces synergies contre la Némésis
Vu le challenge que le jeu impose en mode difficile, et particulièrement dans les jeux Legacy, la mise en place de ces synergies représente à la fois la compréhension du jeu et la gratification qui en découle quand on réussit.
8. Aeon’s End c’est 2 Legacy !
(tout ce qui suit ne contient AUCUN spoiler, c’est juste ce que vous voyez en ouvrant les boîtes)
Le format Legacy en jeu de société, si vous ne le connaissez pas, représente un jeu à épisodes, dont chaque partie peut avoir des conséquences sur la suivante. Souvent, le matériel d’un jeu legacy est découvert au fur et à mesure, en ouvrant des enveloppes. De nouveaux contenus s’ajoutent. Pour Aeon’s End Legacy, il s’agit d’une histoire (dont la trame narrative n’est pas très intéressante) qui vous positionne en tant que mages débutants comme ultimes remparts pour Gravehold. Vous êtes l’enfant du village au grand destin, qui va se révéler dans l’adversité. Vous incarnez un mage de niveau 1, et vous affrontez une Némésis. En cas de succès, vous allez améliorer votre carte de départ. En cas de nouveau succès, vous allez améliorer votre pouvoir, ou obtenir une brèche. Etc. Et chaque Némésis du Legacy est un bonheur. Un bonheur de difficulté, de challenge, de renouveau du gameplay.
Aeon’s End Legacy
Aeon’s End Legacy est tout simplement la meilleure expérience ludique de ma vie. La tension qui s’est installé, le challenge proposé par le jeu, le sentiment de progression, et probablement le groupe d’amis qui allait bien : tous ces ingrédients me font penser que ce jeu est grandiose. Je pourrais le recommencer demain. Pour illustrer ça, je vais vous parler sans aucun spoiler d’une Némésis contre qui on a perdu deux fois de suite. Ca veut dire deux soirées de 3h pour rien, entre la préparation des cartes, la stratégie, et la game en elle-même. Après ces deux défaites, avec mes amis Sylvain et Ivan, nous nous sommes envoyés des messages et des vocaux dans la nuit, à 4h du matin, pour dire « oh mais c’est cette carte qu’il faut virer, et celle-ci qui ne sert à rien » ou encore « non il faut laisser tomber ton pouvoir et avoir un deuxième mage DPS ». Nous étions hantés par la défaite, et le fait de se faire rouster par la Némésis à ce point. Deux games sans lui enlever un point de vie, et elle en avait 80…Et puis tout à coup, lumière, synergie des cartes, changement stratégique, et le jeu s’ouvre, la solution est limpide. Il fallait aller là où les auteurs voulaient nous emmener. Et pas vouloir imposer de force au jeu notre vision. Incroyable.
Et il y a un élément du jeu que je ne veux pas spoiler, c’est impossible d’en parler, mais c’est la meilleure trouvaille jamais vue dans un jeu de société. C’est démentiel. Achetez-le jeu, jouez-le, et enjoy…Aeon’s End Legacy c’est une richesse énorme, une bonne dizaine de Némésis, quasiment deux ou trois essais à chaque fois, soit au moins 50 à 100h de jeu.
Aeon’s End Legacy vous propose bien entendu d’ouvrir du contenu au fur et à mesure de l’avancement de la campagne, avec des enveloppes contenant des nouveaux éléments. Vous allez faire progresser votre mage, à la manière d’un shonen : vous partez niveau 1 et le jeu va vous faire évoluer pour monter en puissance. Des stickers à coller, un peu de partout, même dans la règle du jeu !
Legacy of Gravehold
Et puis tout à coup le Legacy 2 pointe le bout de son nez : Aeon’s End Legacy of Gravehold. La boîte est deux fois plus profonde. 13 Némésis. 21 mages. 900 cartes, 17 enveloppes, 1 map, 2 livrets narratifs…Une dinguerie ratée sur kickstarter, malgré une offre all-in à 400$ pour l’intégralité de tout ce qui a existé dans la gamme Aeon’s End. Heureusement je l’ai achetée en anglais après coup ! Encore du renouveau côté gameplay, des nouveaux effets et des brouettes de tokens. Quand on parle de jeu généreux, Legacy of Gravehold en est l’incarnation. Il faut couper 3 arbres pour éditer chaque boîte de cet énorme jeu. C’est l’orgie totale ! 2 campagnes différentes sont possibles.
9. Aeon’s End c’est un gameplay de génie
Les concepteurs d’Aeon’s End ont réussi à faire un jeu extrêmement exigeant si on le souhaite, accessible sinon, et basé sur des mécaniques et un découpage assez simple au final. Alors oui, ça reste un jeu d’horloger, découpé en phases, on répète toujours des actions dans un certain ordre. Mais l’alchimie des différents éléments du jeu fonctionne à merveille. Tous les éléments de deckbuilding sont satisfaisants : construction de deck, limitation de deck, contrôle des combos, montée en puissance. Tout y est, et tout est implémenté à merveille. Mieux que Dominion, Star Realms, Race for The Galaxy, Clank…la composante deckbuilding d’Aeons End est ultra high-level, et soutient la comparaison avec du Shards of Infinity ou du Res Arcana. Car les Némésis amènent une IMMENSE variété à ces mécanismes de deckbuilding, en pourrissant vos decks, en vous forçant à jouer petit deck ou gros deck, en vous forçant à défausser ou piocher, ça joue meule, ça joue sur le marché de cartes, ça linke des piles de cartes…
Sauf qu’Aeon’s End fait aussi d’autres choses. C’est aussi de la gestion d’affrontement, c’est un énorme jeu coopératif. C’est un legacy, ou deux, ou trois même avec certaines grosses boîtes. C’est un peu de narration…
La mécanique de stabilisation ou d’ouverture de brèches est aussi centrale, c’est à dire que vous devez d’un côté vous frotter à un deckbuilding de génie, mais vous devez aussi gérer votre personnage afin de lui donner les meilleurs conditions de sortie, à ce deck. Et tout est partagé mécaniquement aussi entre les joueurs : on peut par certaines cartes stabiliser les brèches des autres, les faire piocher, se refiler des sorts, déclencher des pouvoirs pendant le tour de jeu de ses alliés, les soigner.
Oui car chaque Mage d’Aeon’s End a un pouvoir qui lui est propre, et que vous déclenchez à votre tour, ou au tour d’un autre joueur, ou au tour de la Némésis. Vous devez auparavant charger ce pouvoir avec des tokens de charge, qui coûtent 2 ethers. Et quand vous dépensez de l’éther dans votre pouvoir, vous ne le dépensez pas dans l’achat de cartes. Ces pouvoirs sont des game changers dans une partie d’Aeon’s End, vous devrez veiller à sélectionner des mages qui créent des synergies de pouvoir, selon la Némésis en face aussi.
Et maintenant vous savez que les Némésis ont leur propre deck, parfois leur propre plateau avec des brèches, des serviteurs, des pouvoirs et des attaques, vous avez une bonne idée de la profondeur du gameplay d’Aeon’s End !
10. Aeon’s End, des dizaines de cartes et de combinaisons
Avec ses 17 boîtes et extensions, Aeon’s End déroule une cosmogonie de cartes assez hallucinante. Le jeu est bien fait car plutôt que de vous faire chercher dans un pool de cartes abyssal votre marché idéal, chaque boîte apporte ses mécaniques particulières, et les cartes qui vont avec. Mis à part le Legacy, dans lequel les cartes de départ vous sont imposées, le jeu est cross-boîtes, tout est compatible avec tout. Bémol : le dos des cartes anglaises est différent de celui des cartes françaises, vous ne pouvez pas mélanger boîte VF et boîte VO. Vous aurez rarement envie de prendre un sort ou une relique de la boîte de base pour jouer avec l’extension 12, mais ça reste tout à fait possible.
Il y a une sorte de meta qui se dégage de chaque boîte, avec des cartes vraiment puissantes et d’autres moins, et pas toujours celles que vous croyez d’ailleurs. C’est l’une des forces du jeu, cacher des pouvoirs OP dans des cartes pas trop chères, mais qui en situation de jeu révèlent tout leur potentiel.
Il reste tout de même un contenu gargantuesque en termes de combos, de gemmes, de reliques et de sorts, pour jouer comme vous l’entendez.
La constitution de votre marché sera la clé de la victoire dans votre partie en difficile contre la Némésis. Pendant ce temps de réflexion vous devrez penser à qui prend quoi, pourquoi et à quel timing. Comment ce deck devra un peu sortir, comment il marchera avec votre pouvoir ou le pouvoir d’un autre mage. Sera-t-il efficace contre la Némésis ? Pensez aussi à former une bande de mages équilibrés : selon la Némésis en face de vous, vous aurez besoin de support, de soin, de boost de stabilisation ou de pioche…Déterminer des rôles et des interactions potentielles c’est déterminant pour défendre Gravehold ! D’ailleurs, quelqu’un peut-il réparer Gravehold ? Est-ce que c’est nécessaire ?
La gestion de l’éther vous préoccupera pas mal aussi, c’est à dire : quelle carte j’achète si j’en ai trois ? Quatre ? Cinq ? Huit ?
Dans notre partie de Legacy, à force de se faire rouster, nous en étions à calculer : « Tour 1 toi tu prends ça, comme ça moi je te stabilise, tour 2 tu la poses, tour 3 tu achètes cette relique, et là on sera bien ». Ca peut aller jusque là, et c’est stratégiquement très satisfaisant d’avoir de la visibilité sur son deck, au moins sur quelques tours, vu qu’on ne le mélange pas.
J’avais dit 10 raisons ? En voici une de plus :
11. Aeon’s End, c’est difficile !
La question de la difficulté est un peu tricky car elle dépend de la typologie des joueurs. Il existe un historique de jeux coopératifs à la difficulté assez sévère :
- Ghost stories
- Samurai spirit
- The Loop
- Horreur à Arkham
- Robinson Crusoé
- Tainted Grail
- Frost punk
La difficulté des jeux de société coopératifs est très souvent marquée, car elle rend les victoires épiques. C’est dans l’adversité que se forgent les plus belles victoires, à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, l’adage s’applique. Un jeu coop difficile exprime les intentions des concepteurs du jeu, et vous invite à en comprendre les subtilités de gameplay. Là ou un mode facile vous déroule un tapis rouge, qui ne sanctionne pas vos erreurs, qui vous pardonne tout, qui vous donne tout, tout cuit dans le deck.
Mais là où les grands jeux se révèlent, c’est dans la subtilité avec laquelle la difficulté s’exprime. Si le jeu vous lamine parce que vous avez tout fait de travers, ok. Si le jeu vous punit alors que vous avez tout bien fait : problème d’équilibrage, on va parler de jeu punitif. Je trouve qu’Aeon’s End est un joyau d’équilibrage, sa difficulté étant toujours dosée, ou en tout cas suffisamment bien déroulée pour que vous appreniez de vos erreurs.
Il n’existe pas d’autre jeu sur terre hormis Aeon’s End, à ma connaissance, dont la conclusion se décide aussi régulièrement au tour près. C’est quasiment mystique, je ne compte plus les parties qui se sont conclues de cette manière. Encore hier soir, partie sur Une Nouvelle Ere, on est persuadés d’avoir gagné, puis la Némésis joue deux fois, tue un mage, et on pense avoir perdu, sauf qu’une carte me permet de lancer le sort d’un allié, on la tue, on a gagné. Si elle rejouait on perdait. Des parties comme ça il y en a plus que des parties où l’on gagne largement ou celles où on perd largement.
Ce qui en ressort, c’est un sentiment de partager des épreuves ensemble, c’est de vaincre des concepts de deckbuilding imaginés par les auteurs du jeu, c’est de toujours découvrir encore un peu plus la profondeur d’un jeu génial.
3 niveaux de difficulté
La difficulté est en général modulable par un curseur du jeu. Dans Aeon’s End il y a trois modes de jeux :
- le niveau normal
- le niveau difficile
- le niveau ultra hard
Le niveau difficile est indiqué dans un texte écrit sur le plateau de la Némésis. Souvent, il va changer la mise en place en y apposant des malus, et il va aussi accentuer l’effet Déchaîné. L’effet Déchainé est déclenché par les cartes du deck de la Némésis, et se traduit par l’application de son pouvoir. Si vous êtes gamer, que vous avez l’habitude du jeu de société, du deckbuilding, je vous recommande de jouer en difficile. C’est le sweet spot d’Aeon’s End, là où le jeu s’exprime, où il vous fait réfléchir.
Le mode normal est idéal pour votre première partie, pour tester le jeu avec des amis, ou pour vous familiariser avec une Némésis. Ou pour montrer l’intérêt du jeu et la coolitude de ses mécanismes à des gens qui le découvrent. Mais très vite, passez en difficile, si vous aimez le challenge. Le mode normal sera très permissif, n’importe quel deck, n’importe quel marché de cartes fonctionnera.
Le mode hardcore est lui complètement hors du monde, il vous condamne à une sortie parfaite, et reposera plus sur la chance d’une excellente sortie dans une partie déjà suroptimisée sur tous les curseurs. En plus du mode difficile, la Némésis gagne 10 points de vie, et les joueurs commencent avec 8 points de vie. Juste au-dessus je vous parlais des parties qui se jouent sur le dernier tour ? Toutes ces parties sont perdues à 100% en mode hardcore ! Donc à réserver aux vrais experts du jeu, à ceux dont le désir de complétion tourne au donjon obscur version fouette-moi les brèches.
Pour qui est Aeon’s End ?
- Si vous êtes fan de jeux coop, Aeon’s End deviendra votre jeu préféré, point.
- Si vous aimez le deckbuilding, Aeon’s End vous fera découvrir des mécas insoupçonnées
- Si vous aimez la difficulté ou le côté épique, jouez au Legacy !
- Si vous aimez les jeux de cartes
Quels sont les défauts d’Aeon’s End ?
Au chapitre des défauts, je vois quelques points à soulever. Déjà, la direction artistique n’est pas extraordinaire, la qualité des visuels est variable, et le jeu manque d’unité, d’identité. C’est de l’heroic-fantasy moyenne. Etait-il possible de mobiliser une charte graphique de ouf avec des illustrateurs récurrents pour un jeu avec des milliers de cartes ? Pas sûr. Mais on ne joue pas à Aeon’s pour la beauté de ses illus. Cela dit, ce n’est pas moche non plus : l’icono est claire, les cartes sont limpides, les tokens et tout le reste de l’édition sont bons. Le jeu a d’ailleurs un aspect un peu b-movie que j’aime bien. Il n’a pas le syndrome de l’élève modèle, il a une tronche à lui, fusse-t-elle de travers.
Ensuite l’édition française par Matagot est un cran en-dessous de l’édition US. Il suffit d’ouvrir une boîte pour s’en rendre compte : les brèches cartonnés sont en papier, les cartes épaisses et toilées sont de moindre qualité, les plateaux de mages aussi. Je ne connais pas les contraintes économiques et de production de la localisation d’Aeon’s End, mais au moins, Matagot assure et nous propose le jeu, merci ! Il lui manque une édition collector avec des plateaux multicouches avec encoches pour les brèches, des roulettes pour les PV et les charges, ce qui nous éviterait de les acheter sur Etsy.
L’histoire d’Aeon’s End, son lore, n’est pas terrible non plus. On a vite fait de passer sur la lecture des cartes dans le Legacy, et le Legacy of Gravehold est encore pire.
Et pour finir, le jeu a un découpage dans ses phases de jeu, qui ne convient pas à tout le monde. Certains stratèges aiment jouer des tours différents, composer avec plusieurs éléments. Aeon’s End est si équilibré qu’il peut pas se permettre ça, c’est de l’horlogerie de pointe helvétique, pas du théâtre d’impro latin.
Aeon’s End, par quoi commencer ?
Mon conseil ? Jouez au jeu de façon chronologique ! Commencez par la première boîte sortie, puis la deuxième, puis les extensions dans l’ordre. En anglais le jeu a été divisé en waves, en vagues de contenus semblables à des saisons. Vous verrez ainsi par vous-même l’expansion du jeu, sa progression dans ses mécaniques, son côté hydre du deckbuilding. Il y a aussi une sorte de lore, d’histoire dans Aeon’s End, que vous pouvez suivre en respectant la chronologie du jeu ! Pour vous aider, voici donc le nom de chaque boîte et extension, à acheter dans l’ordre. Boîtes de base, Stand Alone et Legacy peuvent se jouer sans rien d’autres, tandis que les extensions nécessitent une grosse boîte, n’importe laquelle, pour pouvoir être jouées. En français au moment où j’écris ces lignes nous en sommes à la moitié de la saison 4.
Saison 1 :
- Aeon’s End – boîte de base VF
- Le sans nom – extension VF
- Les profondeurs – extension VF
Saison 2 :
- Guerre Eternelle – stand alone VF
- Le vide – extension VF
- Les Ténèbres d’ailleurs – extension VF
Saison 3 :
- Aeon’s End Legacy VF
- Secrets enfouis – extension VF
Saison 4 :
- Une Ere nouvelle – stand alone VF
- A l’état sauvage – extension VF
- The Ancients – extension VO
- Shattered Dreams – extension VO
Saison 5 :
- Outcasts – stand alone VO
- Southern Village – extension VO
- Return to Gravehold – extension VO
Saison 6 :
- Legacy of Gravehold VO
- The Ruins – extension VO
Saison 7 :
- Past and Future
- Origins
- Evolution
Tout le contenu VO d’Aeon’s End :
Wave 1 : Aeon’s End, The Nameless, The Depths
Wave 2 : War Eternal, The Void, The Outer Dark
Wave 3 : Legacy, Buried Secrets
Wave 4 : New Age, Into the Wild, The Ancients, Shattered Dreams
Wave 5 : Outcasts, Southern Village, Return to Gravehold
Wave 6 : Legacy of Gravehold, The Ruins
Wave 7 : Past and Future, Origins, Evolution
Si vous souhaitez acheter Aeon’s End, vous pouvez passer par notre partenaire pour nous soutenir :
Voilà, vous avez de quoi faire maintenant ! Pour finir, je vous mets la vidéo de Tony, du Passe-Temps, qui visiblement aime autant le jeu que moi. Il aborde des points un peu différents, sur les mages et les némésis.
En commentaires, je veux bien connaître votre avis sur cet article, vos boîtes ou mages ou Némésis préférées, ou des choses que j’aurais pu oublier !