Si vous aimez les jeux de gestion de ressources et pose d’ouvriers où l’on cherche à développer son entreprise pour la faire proliférer et devenir plus puissante que les autres, vous allez vous régaler. Et si le thème vous passe au dessus, vous allez kiffer quand même ! Je vous donne mon avis sur Yokohama.
Plantons le décor
Loin de moi l’idée de vous donner un cours d’histoire, situons simplement un peu le contexte. Yokohama se déroule dans la ville portuaire japonaise du même nom à l’époque de l’ère Meiji qui correspond à la période où le pays s’est modernisé et ouvert sur le reste du Monde notamment en termes d’échanges commerciaux. Ouf, voilà, c’est fait !
Dans ce gros jeu de gestion et de développement, les joueurs incarnent des commerçants rivaux qui amassent des marchandises, tentent de maîtriser de nouvelles technologies et développent leurs boutiques et maisons de commerce pour s’enrichir et gagner en renommée.
Yokohama exige de vous pas mal d’anticipation pour prévoir vos placements et déplacements de façon stratégique afin de circuler aisément au sein de la ville, augmenter votre niveau d’influence et ainsi bonifier vos actions, répondre à des commandes, satisfaire les demandes des douaniers, obtenir les faveurs de l’église et être le premier à remplir des conditions spécifiques révélées en début de partie (objectifs communs). Rien que ça !
Le matériel
La couverture de Yokohama a quelque chose de très attirant. Plus que l’illustration en elle-même, ce sont les couleurs douces et à la fois joyeuses ainsi que ce titre calligraphié (hyper stylé) qui nous donnent envie d’en savoir plus. Et, pour notre plus grand bonheur, on n’est pas déçu en ouvrant le couvercle.
Les rangements sont bien optimisés, tout est plein à craquer et les tuiles qui composent le plateau central sont superbes. L’effet aquarelle légèrement voilée est du plus bel effet et rend l’ensemble harmonieux et ultra lisible : seuls les pictogrammes ressortent et comme il y en a partout, il aurait était dommage de surcharger la vue d’ensemble.
La mise en place est assez longue du fait des multiples plateaux Lieu à disposer pour former la ville d’autant que, sous chacun d’entre eux, seront également placées des tuiles Bâtiments. Le côté positif c’est qu’aucune partie ne se ressemblera puisque tout est mis de façon aléatoire.
Chacun récupère ensuite les éléments de sa couleur et quelques ressources pour démarrer. Les plateaux personnels sont en réalité des entrepôts où attendent d’être récupérés Boutiques, Maisons de commerce et Assistants. La partie supérieure sert uniquement à compter les points. Tout ce qui est rangé dans ces entrepôts n’est donc pas disponible. En début de partie, chacun commence avec une poignée d’Assistants, 2 boutiques et son Président that’s all !
Assez discuté !
Yokohama fait partie de ces jeux exigeants sur le papier mais parfaitement limpides quand on se lance. Par bien des aspects, il me fait penser à Marrakesh qui se classe dans cette catégorie. De la même façon, ici, on oublie vite le thème pour ne se concentrer que sur l’essentiel : récupérer des trucs de telle ou telle couleur pour répondre à cet objectif en même temps qu’à cette commande ; faire fructifier nos actions, arriver avant les autres, remporter une majorité etc.
Certains lieux vous octroient des ressources, d’autres vous permettent de récupérer des éléments sur votre entrepôt ou encore vous invitent à troquer !
Si les jeux experts me font souvent peur, je trouve un réel plaisir dans ce type de proposition où le visuel et le décor me font voyager tout en me permettant de comprendre aisément l’intérêt de faire ceci plutôt que cela sans partir dans des systèmes trop alambiqués pour mon petit cerveau.
Ici, les tours de jeu sont « faciles » dans le sens où tout se déroule de la même façon, la difficulté étant d’anticiper dans quel ordre faire ses choix. D’abord on égraine systématiquement des assistants pour créer un chemin d’une tuile à une autre. Puis on déplace notre Président sur un Lieu où se trouve au moins un de nos assistants (il ne peut passer que sur des zones où ceux-ci sont présents). On réalise alors l’action dudit Lieu en fonction de notre niveau d’influence (j’y viens), d’éventuels bonus sont déclenchés et enfin, on récupère tous les assistants qui ont servi pour faire l’action (pas ceux des chemins !).
Le fameux niveau d’influence est calculé de façon très simple : on compte 1 pour le Président +1 par élément de notre couleur sur le Lieu (Assistant, Boutique, Maison de commerce). En fonction, notre action sera de plus en plus puissante. Par ailleurs, dès que j’atteins le niveau 4, je peux construire une Boutique ou une Maison de commerce. Et si j’atteins 5, je gagne une récompense immédiate !
Les Boutiques et Maisons de commerce ne servent pas uniquement à modifier l’influence. Elles donnent aussi des points ou actions bonus au moment de leur construction et peuvent compter pour des objectifs de placement, recevoir une compensation financière de la part des autres joueurs ou encore déclencher la fin de partie.
Des actions secondaires viennent s’ajouter à cela. Pour éviter de vous perdre dans trop de détails, je ne vais pas les développer mais sachez qu’elles se mémorisent aisément et se pratiquent instinctivement en réalité. Tout est tellement logique ! Et, si toutefois vous vous sentiez perdus, un petit coup d’oeil à l’aide de jeu suffit à se remettre dedans. Elles sont d’une efficacité redoutable !
Ne vous faites pas piéger !
Attention, si le jeu se prend facilement en main, il n’en demeure pas moins complexe à maîtriser.
Tout un tas de dilemmes sont présents en permanence à commencer par l’utilisation de nos assistants en nombre limité au départ. Ceux-ci nous servent à créer des chemins pour accéder aux différents lieux d’un bout à l’autre de la map mais nécessitent aussi d’être posés en nombre sur un endroit précis pour pouvoir bénéficier d’un gros niveau d’influence. Par ailleurs, tout ne revient pas en main systématiquement et vous risquez de vite vous retrouver à cours de bonhommes si vous êtes trop gourmands !
Vous allez constamment vous demander « Est-ce qu’il vaut mieux économiser un peu pour réussir un objectif ou tout dépenser rapidement pour gagner des points ? », « Se mettre ici pour bloquer les autres (puisque tout personnage, s’il passe ou s’arrête sur un Lieu occupé par un Président adverse, doit lui régler 1 yen par tête !) ou aller là-bas pour se déplacer ensuite plus facilement ? », « Récupérer une technologie ou une commande pour profiter de leurs bénéfices ou pour leurs drapeaux respectifs ? »…
Ah oui, les drapeaux… Je ne vous ai pas dit. Qui dit échanges commerciaux à l’international dit Négociants étrangers. Et croyez-moi, ceux-là, vous allez les kiffer grave ! Chacun d’eux vaut 1 point en fin de partie… Ouais bof ! Mais ils peuvent aussi être utilisés pour activer l’action d’un Lieu où vous avez au moins un de vos Assistants ! Et vous permettre, par la même occasion, de récupérer vos précieux bonhommes ! En gros un tour gratos quoi ! C’est quand même pas négligeable ! D’autant que ces filous là ne payent rien s’ils sont utilisés pour une tuile occupée par un adversaire ! C’est tout bénéf’ ! (en revanche ils n’ajoutent pas d’influence… faut pas rêver non plus !).
Et comment on les récupère ces Négociants ? Eh bien en formant une paire de drapeaux d’un même pays.
Et où on les gagne ces drapeaux ? Sur les cartes Technologie et Commande !
Les paires c’est cool donc… Mais comme on est dans un jeu « expert », on allait quand même pas vous laisser comme ça sans vous titiller un peu le citron ! A la fin de la partie, plus vous aurez de drapeaux différents et plus vous gagnerez de points !
Autant vous prévenir, votre cerveau va chauffer avec toutes ces possibilités. Vous voudrez faire un peu de tout, et il le faudra certainement mais, à un moment, il deviendra vital de faire les bons choix pour se placer définitivement à des endroits qui rapportent beaucoup mais subtilisent vos pions à tout jamais !
C’est sacrément stressant mais tellement délicieux que vous en redemanderez !
Mon Yoko à moi !
Yokohama est une révélation pour moi ! Les gros jeux, j’y vais à tâtons parce que les parties sont longues en général alors si tu captes rien, tu vas en baver un moment. Ici, même si le thème passe vite au second plan, il m’aide personnellement à me raconter une histoire et me créer des liens logiques. Rien qu’à la lecture des règles, on saisit bien le déroulé des manches et l’enjeu de tel ou tel placement. Et si ça ne suffit pas, je vous recommande chaudement la vidéo d’Un monde de jeu :
Encore une fois, la mécanique est simple : je pose, me déplace, active le Lieu et profite d’éventuels bonus. Mais la profondeur stratégique est là ! La lisibilité est incroyable, les picto sur chaque emplacement hyper cohérents, les rappels sur le plateau personnel suffisants, l’aide de jeu à la fois synthétique et complète, on n’y revient que très peu. Tout est très élégant et bien pensé pour que le joueur se concentre sur ce qu’il a à faire et capte rapidement l’essentiel du jeu.
Accessible dans son approche comme peut l’être un Barcelona mais tout aussi difficile à maîtriser de part tous les dilemmes qui s’imposent et l’anticipation qu’il exige. Pour autant, moi qui ne suis pas douée en terme de programmation pure et dure, j’ai trouvé qu’on avait ici une certaine marge de manoeuvre. Il y a toujours quelque chose à faire, on n’est pas complètement bloqué par l’Autre, il faut parfois simplement remettre à plus tard ce que l’on avait prévu. Yokohama nous donne le droit à l’erreur mais attention de ne pas trop en enchaîner toutefois car ça pourrait bien vous coûter cher… et les Yens ne se trouvent pas à chaque coin de rue !