Le jeu de société a différentes casquettes : il peut divertir, favoriser l’apprentissage, stimuler les fonctions cognitives, permettre d’interagir avec ses pairs, faire travailler la dextérité, la coordination, la coopération et j’en passe ! Et puis d’autres vous invitent à laisser parler votre imagination, mémoriser ou encore communiquer, c’était le cas avec Une histoire extraordinaire et Tell me more, par exemple. Dans un autre style, je vous parle aujourd’hui de la gamme Story Box.
Fais-moi rêver
Story Box c’est la refonte du jeu Dream on des mêmes auteurs Julien Prothière et Alexandre Droit. L’idée reste identique : inventer des histoires à base de cartes, s’en souvenir et les exposer en fin de partie. Le public visé est toujours familial et la durée des parties reste courte. On est dans du petit jeu d’ambiance, l’intérêt n’est pas d’y passer toute la nuit ! Quoique…
Si le premier opus permettait de s’évader à peu près où on voulait et sans limite, les nouvelles boites se distinguent par leurs thèmes « imposés » et des illustrations qui collent au sujet.
Pourquoi tant de restrictions ?
Si le lâcher-prise et l’évasion totale dans un monde imaginaire peut séduire une poignée d’entre nous : les littéraires, les théâtreux, les rôlistes ou les commerciaux ; l’exercice est plus difficile pour les joueurs occasionnels, les timides, les cartésiens.
Le fait de définir un thème par boîte et de ne proposer que des cartes qui correspondent à cet univers ne peut que rassurer et guider les joueurs. La peur de dire un truc qui tombe à plat et ne tient pas la route s’estompe. On sait déjà où on va aller, on peut piocher dans des souvenirs de films, d’histoires ou d’anecdotes perso. Ca fait un petit peu moins peur.
Pour faire court : c’est plus concret et on s’engage moins. Fabriquer un rêve c’est plus personnel, ça peut venir titiller des pensées intimes et générer un malaise, une tristesse, la peur d’être jugé. Ici, on raconte une fiction, tout est autorisé donc. On ne s’engage en rien, on parle de l’Autre, pas de soi !
Et pour les plus à l’aise, ceux qui veulent au contraire faire sauter le cadre et partir loin : rien n’empêche de mélanger les cartes des différentes boîtes et inventer son propre titre ou laisser venir comme ça vient !
Rêver d’aventure !
Le bal ouvrira ses portes le 8 mars prochain avec Story Box Aventures illustré par Stéphane Escapa et Story box Rêves et cauchemars illustré par Vidu. Leur travail est absolument magnifique et vous invite instinctivement au voyage ! Rien qu’en apercevant les couvertures, on a déjà envie d’essayer !
Et d’ailleurs, comment on joue ?
Pour l’un comme pour l’autre, il y aura toujours deux phases identiques : d’abord l’Histoire puis le Souvenir. Ce qui sera différent, ce sont les variantes : dans Aventures, on vous pousse à jouer un max de cartes, dans Rêves et cauchemars, on vous propose de raconter deux histoires. Mais ça, c’est secondaire. L’important, c’est la base, j’y viens !
La phase Histoire :
Les joueurs disposent de 2 minutes pour inventer un récit. Chacun peut à tout moment empiler une carte face visible par dessus celle(s) jouée(s) précédemment en poursuivant l’histoire :
Fredo La Frousse semblait s’être encore fourré dans un sacré pétrin et ne savait vraiment plus quoi faire pour s’en sortir…
Heureusement, Mélanouille La Débrouille à la musculature incroyable avait entendu les gémissements de son ami qui la suppliait de l’aider !
Mais il fallait faire vite car Flix et Flux étaient toujours à leurs trousses ! Le temps de poser une pêche derrière un arbre et ils seraient bientôt là !
Le gros avantage de cette phase est qu’il n’y a pas de tour de jeu ! Chacun fait comme il le sent : on peut jouer deux fois de suite comme on peut ne pas participer du tout. On a le droit de dire des bêtises comme être tout à fait sérieux.
L’important est de penser à piocher après avoir joué et s’arrêter avec le chrono ! Tant pis s’il n’y a pas vraiment de fin. C’est le côté un peu barré du truc aussi et en plus, ça peut permettre de relancer une partie après ! La suite quoi…
La phase Souvenir :
Comme son nom l’indique, c’est là qu’il va falloir faire jouer sa mémoire. Et parfois, les rôles s’inversent : ceux qui étaient doués pour raconter des conneries il y a deux minutes, vont peut-être devenir complètement mués et laisser un peu de place aux plus introvertis qui, eux, ont attendu patiemment leur moment de gloire : hmmm un jeu valorisant donc !
A cette étape, on retourne le tas de cartes jouées face cachée d’un bloc ! Puis, tour à tour, on va tenter de se rappeler quelle carte est la prochaine. Si on y parvient seul, on score 2 points, si on fait appel à un ami, c’est 1 point mais si on se loupe, c’est -1 !
Evidemment, comme toujours dans ce type de jeu, le comptage des points n’est pas essentiel… Presque on s’en fout ! L’important c’est l’implication dans le jeu, le plaisir, l’amusement, le partage. On se sent unis autour de la table par cette chose unique que nous avons créé tous ensemble !
Laissez-vous bercer par la magie
L’expérience est vraiment tentante. Entre amis à l’apéro, on imagine déjà les conneries qu’on pourrait se raconter. En famille, c’est l’occasion rêvée de casser le rituel de la lecture du soir pour en créer un nouveau avec son/ses enfants et, par la même occasion, leur ouvrir l’esprit (et le vôtre !).
En tant que professionnelle du milieu de la santé et de l’éducation, je ne peux évidemment que recommander ce genre d’outil comme support à la relation !
On peut faire des miracles avec quelques images : ceux pour qui la lecture n’est pas à portée de main, ceux à qui l’on a cassé les rêves, ceux que la vie a malmené et qui grandissent persuadés de n’être bons à rien, ceux qui se croient inférieurs, trop bêtes, trop nuls ou, au contraire, ceux qui fanfaronnent, se pensent au dessus de tout et meilleurs que les autres…
Cette proposition peut permettre aux plus discrets de s’ouvrir un peu et aux dégourdis de céder de la place. Le genre de jeu qu’on peut aussi détourner et adapter. On travaille la revalorisation, l’expression sous toutes ses formes, la gestion des émotions, le respect et tout ça, à tout âge !
Le genre de petit bonbon que tout bon éduc, prof, soignant devrait avoir dans la poche !
Si vous voulez en savoir plus sur les jeux narratifs, je vous invite à lire l’article de Fred sur 5 jeux narratifs pour imaginer des histoires uniques. tout comme le Carnet de Board de Sébastien Célerin sur la grammaire des jeux narratifs.