S’il ne devait y en avoir qu’un dans la catégorie des jeux de lettres, je choisirais Color Words justement parce qu’il nous fait oublier qu’il en est un ! Je vous détaille en quoi ce jeu va vous faire changer d’avis !
Petite parenthèse avant de nous lancer dans le listing des qualités de Color Words dont vous pouvez retrouver la présentation des règles ici. Je tiens à préciser que je ne suis, à la base, pas du tout inspirée par ce type de proposition que je trouve souvent trop sérieuse et destinée à une élite dont je me sens exclue (sans aucun reproche bien sûr, c’est comme ça, c’est la vie …). La première expérience qui m’a offert un peu de plaisir dans la même idée est Dictopia que je trouve vraiment efficace, abouti et excitant. La seconde, que je savoure beaucoup plus occasionnellement, est Paperback pour son originalité (deckbuilding !) mais qui ne déclenche pas chez moi la même addiction. Celui qui coche toutes les cases, vraiment, et me procure plaisir et amusement sans limite, c’est Color Words !
1. Trop stylé !
« Il n’y a pas que le physique qui compte » ok ok, je suis d’accord mais quand même : la première chose que l’on voit d’un jeu c’est sa couv’ et son matos. Bien souvent, il faut le dire, cela va influer sur nos premières impressions et l’intérêt qu’on risque de lui porter, ou non … Ici, l’effet coup de foudre a été immédiat pour ma part ! Les couleurs tout d’abord qui pètent et donnent un esprit frais et dynamique à l’ensemble là où, habituellement, j’aurais vite fait de détourner le regard.
La disposition des lettres sur la boîtes ensuite offre une compréhension efficace de ce qui nous attend : placer des mots dans une grille avec plusieurs sens de lecture possibles. La règle et les cartes aussi qui sont d’une limpidité surprenante : on saisit instinctivement la contrainte ou le thème du tour grâce à un travail graphique de qualité servi par Jérôme Soleil qui a déjà bossé sur un autre jeu de l’éditeur Bankiiiz que j’affectionne tout particulièrement : Cachamot.
Il nous fait d’ailleurs l’honneur de nous expliquer la démarche en quelques mots :
« Le but recherché sur ce type de projet est de convenir à un maximum de monde !
Avec Colorwords, il s’agit d’un jeu de lettres, accessible et qui renouvelle le genre.
Il faut déjà trouver un nom, ou un thème. C’est typique des party games pour lequel il n’y a pas d’imaginaire véhiculé par le jeu lui même.
Une méthode quand on cherche à travailler sur l’identité graphique d’un jeu que l’on veut très accessible, c’est de montrer sur la couverture ce qu’on trouvera dans la boite. Avec ce principe tu dis « regarde, pas de monstres, de dragons, de ninjas, juste des cartes, des lettres, des chiffres, un dé… ». On s’en rend compte quand on compare un Flip7 à un Ruines perdues de Narak par exemple.
Pour Colorwords (initialement SuperColorWords), en griffonnant mes premières idées, j’ai constaté que j’allais pouvoir jouer avec ce nom rythmé en mots de 5 lettres.
Et j’ai commencé naturellement à l’écrire en reprenant la mécanique du jeu, en escalier. Ainsi dès la lecture du titre, on induit ce qu’est le jeu. Principe graphique, qui, malgré les itérations est resté jusqu’à la fin.
Pour continuer il fallait trouver une identité visuelle.
J’ai trouvé que mes premiers essais me faisaient penser à un générique qui m’avait beaucoup marqué, celui de « Catch me if you can », avec ces flèches qui avancent, ces teintes seventies, ces carrés un peu déformés.
Pour les connaisseurs, ont est en pleine inspiration du graphisme de Saul Bass. Et ça me parle beaucoup.
Puis commencèrent une succession d’essais, pour trouver la bonne structure, les bonnes teintes, la bonne occupation d’espace, la bonne typographie (une typo bold induit aussi une sorte de bonhommie, sans élitisme ce qui est un + pour un jeu de lettres ou souvent les gens ne se sentent pas assez érudits).
Cette période qui peut être assez longue est un échange permanent entre le graphiste, l’éditeur, le distributeur.
Les auteurs sont aussi mis dans la boucle, mais pas autant pour ne pas les saturer !
Comme j’ai la chance que Bankiiiz me confie l’intégralité de l’identité graphique et la mise en page, j’ai pu appliquer au maximum une cohérence du matériel. »
2. Une touche de fun là où on ne l’attend pas
En dehors de cette édition hyper soignée qui facilite grandement la prise en main et la présentation, ce qui surprend dans Color Words c’est de faire d’un type de jeux studieux à la base, un véritable jeu d’ambiance (un peu comme Avant-Après l’a fait récemment avec les enquêtes et la déduction) ! Ici, on ne cherche pas à épater par son vocabulaire riche, même si on peut tout à fait s’amuser à fouiller dans sa mémoire et se faire plaisir en utilisant des gros grands mots.
L’idée est plutôt de répondre à un max de contraintes imposées ce qui donne du challenge et rend les tours nerveux. Ca énerve, nous affole et fait ressortir le compétiteur qui se cache en nous. Mais en même temps, c’est suffisamment permissif pour offrir un sentiment de satisfaction gratifiant qui motive à toujours essayer de faire mieux.
3. Un tarif abordable
Vous allez me dire « ça ne joue pas sur la qualité d’un jeu », non, c’est vrai. Mais c’est un détail à prendre en compte pour la notion d’accessibilité du produit. En effet, Color Words, de par son esprit intergénérationnel, familial mais aussi son aspect « pédagogique » ; avait tout intérêt à pouvoir correspondre au budget limité du plus grand nombre de consommateurs. L’effort est à saluer car Bankiiiz nous sert encore une fois un matériel solide, séduisant et ergonomique à moindre coût. C’est un cadeau que le plus grand nombre pourra s’offrir (ou se faire offrir !) pour partager des moments mémorables et instructifs !
Le duo de présentateurs Aline et Martin, sur la chaîne youtube Un Monde de jeux, en vantaient encore les mérites dans l’une de leurs dernières vidéos mettant en avant les dix jeux parfaits pour remplacer l’effrayant et écoeurant (ça c’est moi qui le rajoute) cahier de vacances !
4. Il y en a pour tous les goûts !
La principale originalité de Color Words est de jouer sur les mots mais aussi sur l’espace. En effet, au fil des tours, les joueurs disposent de moins en moins de place pour composer leurs mots. Il faut donc, à la manière d’un jeu de tuiles, anticiper les prochains tours et essayer de ne pas se bloquer tout en optimisant la disposition de ses lettres afin qu’elles scorent le plus possible. Hummm adrénaline au maximum !
L’avantage est donc parfois donné à des esprits plus logiques, mathématiques qu’à des littéraires. On est sur le même pied d’égalité. Idem avec les lettres sélectionnées (adieux les W, X, H et compagnie !) qui rapporteront souvent plus dans un mot court mais dont les caractères se répètent qu’avec des termes ultra élaborés.
Par ailleurs, la difficulté peut tout à fait être modulée en fonction du groupe : on ajoute, ou non, le chrono qui déstabilise et donne du rythme aux parties ; comme on peut mettre ou pas les cartes Thème qui réduisent le champ des possibles (même si elles ne sont jamais obligatoires !).
On regrette peut-être l’absence de cartes vierges pour ajouter de nouvelles contraintes sorties de notre imagination ou nos connaissances ainsi que les lettres de m%&@ que les gros nuls (comme moi) maudissent au Scrabble. Ca aurait permit de renouveler un peu l’expérience pour ceux qui veulent le poncer à mort. Mais bon, croyez-moi il y a déjà de quoi faire, ce qui nous amène d’ailleurs au dernier point …
5. Une envie d’y revenir encore et encore
A la surprise générale, la création de Joan Dufour et Alexis Allard sur Color Words séduit un public plus large que les quelques amateurs de jeux de lettres encore en vie (ça va j’rigole !). Son look coloré et moderne lui donne un charme fou, son gameplay fun et dynamique, là où on ne s’y attendait pas, attise la curiosité ! Ses parties courtes intriguent et rassurent (seulement 6 mots à trouver) et enfin, ses multiples façons de scorer amusent et offrent un challenge prenant et addictif.
Je suis étonnée à chaque partie d’apprécier autant la proposition et de m’éclater à composer mon tableau de la meilleure des façons. Ce jeu stimule mémoire, vocabulaire, orthographe, logique, rapidité, agencement et gestion du stress. Il est complet et valorisant à plusieurs niveaux. Tout le monde y trouve son compte et l’ensemble a été pensé pour nous faciliter la tâche (jusqu’au livret de règles qui est parfaitement compartimenté pour retrouver rapidement une info !). Autre détail savoureux : chaque plateau personnel est asymétrique (donc pas la peine de lorgner sur le voisin Jean-Jacques !) et les deux faces renouvèlent complètement la manière de jouer ! D’un côté on veille à avoir le moins de cases vides possible, de l’autre on cherche à compléter des rangées avant le autres ce qui ajoute un aspect course et donc plus d’interaction ! C’est excellent !
Color Words j’y joue aussi bien en solo pour performer contre mon double maléfique (eh oui, voilà, vous savez tout …) qu’à deux ou plus ! Il passe absolument aussi bien avec des joueurs occasionnels que des fous de compétition, des anciens comme des plus jeunes, des potes comme des collègues ! C’est une perle à posséder absolument dans toutes les ludothèques, les maisons, les bars à jeux, les écoles, les maisons de retraites et autres clubs et centres sociaux !