En voyant cette boîte de Manhattan Project : War Machine je me suis hypé tout seul. Non pas que la guerre ou le militarisme me fascine dans la vie, mais en tant que thème historique c’est plutôt ambitieux. Surtout avec ces graphismes qui ressemblent à mort à des éléments de propagande, qu’ils soient russes, cambodgiens ou provenant de l’Empire dans Star Wars. Hypé aussi par un jeu qui fait de la construction de moteur, du placement d’ouvrier et de la gestion de ressources en même temps, dans une durée compacte. Qu’est-ce que ce jeu a dans le tank alors ? Voici mon avis et ma critique sur War Machine.
L’esthétisme de la guerre
Votre pays se prépare à la guerre, et vous en êtes le leader. Devenez la plus puissante nation au monde et faisant croître votre économie, en déployant un main d’oeuvre qualifiée, et en construisant un moteur de production efficace. Construisez des structures pour stocker des biens militaires, amassez or, acier et ressources pour devenir puissant. Et utilisez vos atouts nucléaires militaires pour démultiplier vos possibilités, au prix d’un peu de contamination…
C’est en gros le pitch de War Machine : une course à l’équipement militaire, à l’effort de la nation pour faire face au conflit mondial qui menace. Toutes les composantes du jeu vont dans ce sens et le font bien. Mais…si je trouve ce thème fascinant, avec un regard historique, le jeu n’en délivre que la partie guerrière, sans vision politique.
Du Manhattan Project (le programme américain de construction de bombe atomique pendant la 2e guerre mondiale) il n’a que le nom. Et c’est dommage car j’aurais aimé sentir les conséquences sociales ou économiques de mes décisions. Faire prendre conscience au joueur que la guerre a un prix. Faire ressentir aux joueurs les dangers de l’escalade nucléaire…
War Machine est un peu comme aller voir Oppenheimer au ciné, mais sans les enjeux humains autour. Voilà c’était mon petit bémol pour un jeu qui aurait mérité une thématisation plus poussée, au délà de son aspect graphique ultra-réussi. Si son objectif était de faire comme un Starship Troopers version jeu de société, je trouve alors que le trait n’est pas assez forcé pour accentuer le côté propagande.
Bigger guns
Le matériel de War Machine est d’une qualité remarquable. Hormis un insert manquant (si on aime les inserts), c’est un sans-faute éditorial. Les graphismes aux lignes staliniennes mélangés à de la propagande made in Oncle Sam ont un rendu incroyable. Je note :
- les gros dés bien lisibles et agréables
- les plateaux double-couche modulables et asymétriques
- les ressources d’acier en forme de poutre
- la maîtrise graphique d’ensemble
- la qualité et l’épaisseur des cartons
Le feeling de War Machine est assez unique, avec un plateau central découpé en trois grosses sections, aux couleurs et à l’iconographie on ne peut plus claire.
Le théâtre des opérations
War Machine combine plusieurs mécaniques dans son gameplay : placement d’ouvriers (qui sont des dés), construction de moteur et gestion de ressources. Un plateau central montre 3 districts principaux, tous séparés en deux : chaque partie ayant les mêmes actions mais une en version pleine puissance et l’autre en version faible.
Chaque joueur commence avec trois dés, dont les faces représentent l’un des trois districts du plateau : commerce, agriculture, industrie. Une face représente un atome et symbolise le nucléaire, une sorte de joker. Deux faces représentent enfin de l’énergie, un symbole qui permet de faire une action avec un peu moins de puissance.
Le jeu se déroule en trois phases principales :
1. Lancer les dés
Les joueurs lancent les dés et peuvent relancer deux fois, à condition de garder un dé à chaque lancer. Il sera possible d’acquérir de nouveaux dés dans le jeu en débloquant des plateaux.
2. Pose des dés sur le plateau central
A son tour un joueur va poser un dé sur l’un des 9 emplacements du plateau (3 dans chaque district) et choisir parmi 5 actions possibles. Dès qu’il l’a fait tous les autres joueurs peuvent effectuer une action du même district, version faible. Ainsi, les joueurs collectent des ressources :
- nourriture
- or
- acier
ou des structures : des bâtiments qu’ils vont placer sur leur plateau personnel pour la phase suivante
3. Activation des structures
Pour la dernière phase chacun récupère ses dés, sans en changer la face, et va pouvoir les placer sur le plateau personnel des structures, pour activer ses bâtiments.
Voilà en gros le gameplay de War Machine ! Ses points forts résident dans le choix des actions et celles qu’on donne aux adversaires, un peu de blocage inhérent aux jeux de pose d’ouvriers, de la gestion de ressource pour acheter les éléments de son moteur. Le jeu tourne plutôt très bien et les tours s’enchaînent assez rapidement, ce qui rend War Machine assez digeste.
L’effort de Guerre
Je trouve que les critiques sur War Machine sont un peu dures sur le net. Car si il n’est pas le meilleur jeu de pose d’ouvriers du monde, il embarque toutefois plein de qualités. La richesse de ses actions, sa complexité sur plusieurs aspects que je ne vais pas trop détailler ici, ses combinaisons et la variété de son scoring le rendent très intéressant à découvrir.
Vous pourrez vous focaliser sur l’expansion (le déblocage de plateaux), qui font scorer un peu et qui ne nécessitent aucun bâtiment. Vous pouvez construire un simple moteur lié à l’agriculture et faire 3 points de victoire par tour…et gagner ! Superbe idée : pour marquer des points de victoire vous devez débloquer un plateau, sinon vous restez à 9 maximum avant le décompte final.
Vous pouvez vous focus ressources, et avoir le max de ressources à la fin pour scorer. Chaque joueur a une action spéciale et unique pour lui, et aussi un objectif secret qui vaut 5 points et qui oriente votre partie. Les scores seront assez bas, entre 5 et 40 points. Le jeu peu d’ailleurs vous gifler si vous n’avez rien mis en place, et ça fait du bien dans un contexte de jeux-chamallows où rien n’est jamais punitif.
Je lui reproche juste une ambition de propos ou une thématisation un poil absente, mais dans son gameplay il est plutôt bon, fourmille d’idées de gameplay, et reste assez court pour une complexité touffue.
Fabriquer la guerre
Pour chaque district il existe 20 structures, et vous verrez 6 à 7 structures par partie. Chaque joueur a un plateau avec un petit pouvoir spécial, reçoit une action spéciale en début de jeu, et un objectif secret. Il en existe douze de chaque pour ces deux dernières.
Avec son gameplay touffu, ses mille façons de scorer et ces éléments aléatoires, War Machine est du coup assez rejouable.
Guerre et Paix
Au final mon avis sur War Machine est positif : le jeu a une gueule comme aucune autre, un matériel super qualitatif, et un gameplay qui joue avec les codes de la pose d’ouvriers et de l’engine building. S’il ne tutoie pas les sommets à cause d’un manque de polish sur le game design (j’y reviens) War Machine reste une solide proposition, si sa tronche de propagande industrialo-politique ne vous rebute pas.
Ses défauts donc ? Je lui ai trouvé un manque de clarté sur les dés que l’on joue et que l’on doit reprendre pour activer ses structures, car aucun signe ne les distingue des dés adverses. J’ai trouvé aussi que l’action côté énergie (faible) était trop similaire à l’action forte. Et enfin, que mille façons de scorer rendent le jeu un peu aléatoire et supprime la compétition pour le joueur qui choisir une autre voie.
En dehors de ça, War Machine livre un bon rythme, une belle variété et un feeling assez unique qui en font un bon jeu.