L’engouement international pour Shōgun, proposé par FX et donc Disney+ en France, dépasse les frontières de la simple curiosité télévisuelle. Avec une première ayant attiré plus de 9 millions de spectateurs dans les six premiers jours, elle représente le meilleur lancement mondial d’une série non-Marvel ou non-Star Wars pour Disney. Ce succès n’est pas fortuit et s’inscrit dans une tendance croissante à l’intérêt pour les productions télévisuelles non-anglophones.
La bataille pour l’attention dans un paysage médiatique saturé
Capter l’attention du public, faire le buzz, reste une denrée extrêmement rare et précieuse. Des séries comme The Bear, diffusée également sur FX, luttent pour se frayer un chemin vers le succès. Et pourtant, Shōgun est parvenu à s’imposer. Ce succès remarquable en 2024 illustre la capacité de la série à s’extraire du lot, et probablement grâce à un élément clé pour le public anglophone : la majorité des dialogues en japonais. Cette particularité impose aux spectateurs de poser leur téléphone et de se concentrer pleinement sur le récit, une exigence qui nous semble commune en France où la VOST est super courante, mais de plus en plus rare dans une ère de consommation médiatique multitâche.
Shōgun, le dépaysement
Le succès international de Shōgun s’inscrit dans une tendance plus vaste de l’intérêt croissant pour les séries non-anglophones. Des productions venues du Danemark, de Corée, d’Allemagne, du Japon, et d’Espagne ont progressivement conquis le cœur des spectateurs américains, culminant avec le phénomène mondial qu’a été Squid Game. Shōgun, avec son immersion dans le japonais, représente un jalon supplémentaire dans cette évolution, en démontrant que la barrière de la langue n’est plus un obstacle à l’appréciation d’une œuvre de qualité.
Une narration de haute volée
Shōgun se place dans une lignée de séries télévisées de prestige, qui me fait penser aux plus belles heures de HBO avec des chefs-d’oeuvre comme Les Sopranos, Six Feet Under ou The Wire. Des séries qui demandent une attention et une implication conséquentes de la part du spectateur. Cette exigence s’est avérée être un atout considérable. Et cela se répercute thématiquement dans la série, les scènes de traduction entre le protagoniste anglophone et ses interlocuteurs japonais demandent le même niveau d’attention. La relation entre Blackthorne et Mariko(-sama), et les nuances de leurs échanges, fournit une richesse sémantique qui s’enrichit à chaque épisode.
Shogun n’est pas une série qui surfe sur les codes de violence du passé du Japon pour en faire un exercice esthétique vain. C’est une tentative de lecture d’une époque, de la confrontation spirituelle de matérielle de deux mondes qui s’entrechoquent, chacun avec ses propres luttes intestines.
L’impact de l’attention sur la narration et l’engagement
Shōgun est un jeu de pouvoir où la langue n’est pas seulement un outil de communication mais un véritable acte de persuasion et de domination. Ces barrières de communication créent des tensions où chaque mot compte. Dans cette série, le vrai pouvoir réside non pas dans le maniement du katana mais dans celui de la parole, et les rôlistes qui jouent à L5A le savent très bien ! L’art de l’éloquence, la notion d’honneur et de bushido décidait des mouvements politiques de la société japonaise.
L’approche de Shogun est à contre-courant des tendances actuelles favorisant le visionnage passif, et avec sa narration dense et exigeante, propose une exploration profonde des thèmes de la loyauté, du pouvoir et de la tradition japonaise qui se frotte au Monde. Avec élégance et sans concession, Shōgun implique ses spectateurs dans une intrigue complexe, portées par le heurt de civilisations qui se découvrent. Des thèmes abordés par ailleurs dans Samurai Champloo ou dans des oeuvres cinématographiques.
Les amateurs du Japon s’ont gâtés en ce moment, puisque de nombreuses oeuvres surgissent, toutes avec de grosses qualités :
- Netflix : Le Temps des samouraïs et Giri/Haji
- Apple TV : Les Gouttes de Dieu
- Canal + : Tokyo Vice : la face cachée de Tokyo