Vous êtes maitres de jeu sur cet excellent jeu de rôle, vous avez lu mes 5 conseils pour bien débuter vous souhaitez vous lancer dans une campagne qui va durer dans le temps, et vous avez peur de vous prendre les pieds dans le tapis, et de faire n’importe quoi.
Je vous propose aujourd’hui, quelques conseils et une méthode de gestion de l’intrigue.
Écrire sa campagne
Préambule : le rythme
Une campagne de jeu de rôle est un ensemble de scénarios, s’étalant eux-mêmes sur une ou plusieurs séances de jeu. Ces séances peuvent durer une poignée d’heures, ou une journée complète, vous pouvez avoir des séances régulières ou espacées dans le temps.
Mon premier conseil va tourner autour de ce point : tenez compte de votre rythme de jeu. On ne mène pas une aventure de la même manière quand on joue une fois par semaine sur des séances de 5 heures, et quand on joue une fois par mois, sur une séance de 8/10h. Le rythme est encore bien différent lorsque vous jouer des séances très irrégulières.
Sur des séances rapprochées, vous pouvez prévoir un scénario long, que vous allez interrompre à la volée, et que vous pourrez reprendre la semaine suivante, sans trop de perte d’informations.
Sur des séances espacées, idéalement, il faut prévoir une coupure ou un scénario tenant sur une séance. Et pour ça deux options : prévoir moins et voir ou ça mène, ou prévoir beaucoup trop et séparer le scénario en actes, qui pourront faire office de portes de sortie.
Prévoyez une limite de jeu. C’est relativement simple à faire : Envisagez un total d’expérience, au-delà duquel vous ne souhaitez pas aller. Renseignez-vous sur la moyenne d’expérience attribuée à un personnage par séance (cette information est généralement donnée dans le livre de base). Faites une division, et vous obtenez un nombre grossier de séances.
Le total d’expérience est un bon indicateur car il permet de fixer un premier cadre : le niveau maximum de compétence des personnages. Il existe plusieurs possibilités :
- le jeu perd en pertinence à très haut niveau. Fixez une limite qui approche de ce niveau, et arrêtez-vous là.
- vous ne souhaitez pas que vos personnages soient des demi-dieux, ça n’est pas le thème, alors fixez une limite.
- Au contraire, vous voulez que vos joueurs incarnent des personnages tout-puissants, vous allez donc démarrer à très haut niveau, gonfler les enjeux et les faire progresser dans des sphères élevées. Là aussi, il faudra fixer une limite.
La séance zéro
La séance zéro est un indispensable dans la mise en place du jeu. Il s’agit d’un temps sur lequel vous et vos joueurs allez baliser le projet.
Vous avez votre jeu, OK. Il faut déterminer la grande thématique de votre histoire, votre orientation globale. Certains jeux ont un scope très restreint, et l’approche sera très simple à déterminer, mais d’autres proposent des expériences de jeu très riches, et pour éviter de partir dans tous les sens, fixer un cadre, c’est pas mal. Ça vous évitera d’avoir un négociant en vin au milieu de votre groupe de bourrins. Ça vous évitera de prévoir une campagne axée sur des intrigues géopolitiques, alors que votre groupe veut monter une équipe de mercenaires.
Au cours de cette séance, vous serez amené à fixer les archétypes de personnages. L’idée n’est pas de créer de toute pièce les héros de votre table, mais de clarifier les grandes lignes. Quelle orientation pour quel personnage ? Équilibrer la table. Qui pourrait être un outsider et qui pourrait avoir des liens avec qui ? Sans entrer dans les détails, car il faut réserver des surprises pour le jeu. Encore une fois, cela permet d’éviter des situations inconfortables du genre : perso doublons, groupe de guerriers sans soigneur, ou encore et toujours ce négociant en vin au milieu de votre groupe de bourrins.
Quand vous avez fait ça, expliquez comment vous allez mener votre jeu, les séances, l’expérience etc. A l’issue de la séance zéro, vous disposerez de quasiment tous les éléments pour fixer le point de départ de votre environnement narratif.
Point de départ
On avance dans le temps, vos joueurs ont créés leurs personnages, ils disposent d’un background, d’une backstory et donc de perspectives de développement. Vous avez votre cadre et votre scope de jeu, vous pouvez désormais vous appuyer sur tout ça pour rédiger un point de départ, créer des pnj de base, et un premier segment de jeu sur lequel vous et vos joueurs allez développer votre intrigue (j’insiste sur ce point : vous développerez votre intrigue avec vos joueurs).
Votre intrigue doit être un subtil mélange entre les éléments que vous voulez développer et les éléments qu’aimeraient développer vos joueurs. Concernant ce dernier point, soyez surprenant, les joueurs ont tendances à se donner le beau rôle, à viser un peu haut, ou plus gênant, à viser des trucs abstraits ou trop peu développés. Il est essentiel que vous vous empariez de leur aspirations de background/backstory pour les transformer à votre sauce, n’hésitez pas à tordre les idées, à prendre le contrepied des attentes, pour surprendre les joueurs, mais surtout pour que votre plan narratif global soit cohérent. Ne grillez pas vos cartouches immédiatement, allez-y progressivement.
Exemple pour illustrer cela :
2 de mes joueurs avaient élaboré une origine assez similaire (un mentor maléfique qui les forme et leur impose d’affronter un être cher), mais ils avaient 3 points de divergences essentiels : l’un s’était substitué à ce mentor, avait refusé l’affrontement et cherchait désormais sa voie. L’autre encore sous emprise, avait survécu à l’affrontement, était rongé par la culpabilité mais profitait de la puissance de son organisation. J’ai donc décidé que le mentor serait le même, que le fuyard serait isolé et pourchassé par son ancien mentor (et donc son actuel disciple). Le disciple, quant à lui se verrait imposé des missions contraignantes, car elles auraient pour but de tester son allégeance, tantôt à son maitre qui, dans le premier temps, le traiterait avec bienveillance, tantôt à son nouveau groupe (les joueurs) avec qui il aurait bien plus en commun. Plus le lien avec le groupe serait fort, plus le lien avec son maitre deviendrait une contrainte, car il se ferait de plus en plus insistant, sur des demandes de moins en moins en adéquation avec l’état d’esprit du personnage. Quand à la nature de la quête du fuyard, elle allait entrer en résonance avec la quête d’autres joueurs, et devenir un des points principaux de l’intrigue.
Ça n’était pas ce qu’avaient prévu les joueurs. Mais soyons honnête : si les joueurs sont là pour que vous leur racontiez ce qu’ils ont prévu à votre place, échangez les rôles. Modifiez ce que vous avez à modifier, mais servez-vous en, il n’y a rien de plus frustrant pour un joueur, que d’avoir l’impression d’être un figurant. Ils arrivent avec une histoire, utilisez-la du mieux que vous le pouvez.
Pour le reste, chacun voit midi à sa porte : certains maîtres de jeux sont plus à l’aise avec l’improvisation, d’autres aiment prévoir à l’avance. Ménagez-vous un terrain de jeu. Pour ma part, je ne prévois que le nécessaire : Les lieux, les PNJ fonction, les éléments narratifs pivots, les situations alternatives. Sur lesquelles je vais revenir plus tard.
Rédiger un scénario
Vous avez vos personnages, votre point de départ, il faut donc débuter l’aventure et pour cela, vous avez besoin d’un scénario.
Plan global
Quand j’écris un scénario, je l’envisage pour une séance pouvant tenir sur une journée complète. Ensuite j’en rajoute un peu plus, au cas-où. Je n’élabore jamais mon plan narratif au delà de ce scénario. Je m’explique :
Les actions des joueurs doivent avoir des répercutions sur votre plan narratif global, sinon autant ne pas les faire jouer. Je ne prévois pas ce plan, au-delà du scénario en cours. En faisant ainsi j’autorise à mes joueurs la possibilité de faire tout et n’importe quoi. Si vous avez ficelé un plan sur X temps, vous risquez de refuser que quiconque se permette de le chambouler, alors je prévois un plan global assez vague, et je ne concrétise que ce qui est en train d’arriver.
Au cour de mon scenario, il va se passer ça. Les joueurs sont à tel endroit. Ils vont avoir l’opportunité de faire ça. S’ils le font, ils vont allez à tel endroit. S’ils ne le font pas, ils vont aller à tel endroit, etc.
En règle générale, mon scénario part toujours du point de vue des joueurs. Ils rencontrent une situation qui les concerne, ils vont logiquement s’y intéresser (ou éventuellement y être contraint). A partir de là, on déroule le plan narratif du scénario, dans lequel j’ai donc prévu le nécessaire :
- Les lieux : le décors dans lequel se passe la partie. Comme je suis nul pour inventer ça, je les prépare en amont.
- PNJ Fonction : Ils sont là pour faire avancer l’intrigue. Ils sont donc définis de A à Z, avec un caractères, des statistiques simples et une légère histoire.
- Éléments narratifs pivots : Il s’agit de nœuds d’intrigue vers lesquels, tel le marionnettiste, j’entraine mes joueurs.
- Situations alternatives : il s’agit de nœuds d’intrigue que mes joueurs ont résolus d’une manière autre, ce qui change le chemin de base.
Le reste n’est qu’improvisation et parfois ça donne des trucs incroyables, mes meilleurs PNJ sont des improvisations totales. Certains joueurs aiment suivre la trame, d’autres n’en font qu’à leur tête, et tout ça, il faut en tenir compte car ça crée du jeu.
Servez-vous des joueurs
Il existe plusieurs types de joueurs et aucun n’est meilleur qu’un autre, ils ont juste des fonctions qu’il faut apprendre à utiliser :
- les meneurs de table. Ces joueurs-là créent du jeu. Ils vont fixer des objectifs, monter des plans, être inventifs au sein de l’intrigue. Ils prennent beaucoup de place, mais sans eux, la table perd en dynamisme.
- les suiveurs. A l’inverse des meneurs, ils se contentent de réagir à ce qui se passe. Ils ne prennent pas toujours d’initiatives mais répondent toujours présents, créent du jeu en réaction.
- les obstinés. Ils ont une idée en tête, elle n’a rien à voir avec ce qui se passe en ce moment, mais ils veulent la réaliser. Il faut les canaliser, voir les détourner de cette idée, et c’est souvent les autres joueurs qui vont les faire temporiser en les rappelant au plus urgent. Par contre, il faut exploiter cette idée quand c’est le moment, car elle peut amener des choses positive pour la table.
- les disruptifs. Lorsqu’ils ne sont pas occupés à suivre ou à mener la table, ils sont capables de détruire le plan de jeu, pour en créer un nouveau. Lorsque ça arrive, c’est toujours un grand moment, ça ouvre des portes que personne n’avait vu et ça rebat les cartes.
Pour faire simple, il faut laisser faire les meneurs, tout en étant capable de les mettre dans des situations où ils ont besoin des suiveurs. Il faut savoir faire briller les suiveurs et les obstinés, en les sortants de leurs zones de confort, et prier pour que les disruptifs ne décident pas de tout faire péter.
Au moment de rédiger votre scénario, pensez à vos joueurs, à leurs forces et faiblesses, à leurs caractères, et les situations devraient se présenter d’elles-même.
Rajustez
Le jeu de rôle c’est la liberté sous contrôle. Vous avez prévu un plan de jeu, vos joueurs interragissent avec, mais ne connaissent pas l’ensemble de vos prévisions. Au cour d’une même séance, ajustez ce que vous avez prévu :
- C’est trop facile ? Ajoutez du piment
- Ça va trop vite ? faites intervenir un élément perturbateur
- Les joueurs ont loupé un élément crucial ? déplacez-le, ou décidez que c’est mort et fermez un pan d’intrigue.
Il s’agit de micro-ajustements qui ne révolutionnent pas votre plan. Par contre, si votre scénario tient sur plusieurs séances, profitez-en pour prendre en compte ce qui s’est dit, joué, ce qui a été loupé et réussi au cours de la séance pour modifier le déroulement de la séance suivante. Ces changements rendent le jeu dynamique et surprenant. Ça rend les antagonistes et les alliés cohérents, mais aussi parfois imprévisibles.
Votre joueur à raté un jet qui a eu des conséquences sur son rapport avec un PNJ ? Modifier les actions de ce dernier pour bouleverser le déroulement.
Et à la fin de la séance, notez tout ça quelque part.
Tenez un journal de campagne
Le journal de campagne c’est votre bible. Elle contient l’ensemble des intrigues en cours, les pnj importants ainsi que leurs enjeux, les joueurs et leurs cheminement. Ce document est dynamique, dans le sens où il doit être constamment modifié. En gérant bien ce document, vous aurez toujours en tête ce qui se passe, et vous donnerez à vos joueurs la certitude que ce qu’ils font à un sens, qu’ils ne se contentent pas de coller à votre grand plan de démiurge.
C’est le multiverse, bébé
J’ai une façon très personnelle de rédiger mon journal de campagne : chaque fil narratif possède un déroulé logique, naturel, celui qu’il suivra si personne ne l’entrave. Je le rédige sans me poser de questions. Parfois, il y a un autre fil narratif qui rentre en collision avec celui-ci, dans ce cas, je les rédiges en parallèle. Ils peuvent se contredire mais, tant que l’une des possibilités n’est pas résolue, je les laisse se dérouler naturellement.
Exemple :
Antagoniste A veut voler objet A pour détruire objectif A. Il va se faire passer pour telle personne, devenir pote avec les joueurs, subtiliser l’objet A et détruire objectif A.
Antagoniste B veut voler objet A pour détruire objectif B. Il va se confronter aux joueurs, récupérer l’objet A sur leurs cadavres et détruire l’objectif B.
Tant que l’une ou l’autre de ces affirmations ne s’est pas réalisées, elles sont en conflit mais existent malgré tout. Maintenant, imaginons que les joueurs découvrent le but des antagonistes A et B et qu’ils se débrouillent pour les opposer ou pire, que les joueurs retirent un des éléments de l’équation :
Les joueurs détruisent objet A, Antagoniste A et B le découvrent, se rencontre telle ou telle raison, s’allient et décident de se débarrasser des joueurs pour se venger.
Les deux fils narratifs disparaissent et laissent place à un nouveau fil.
Je dispose ainsi d’un document qui regroupe un certain nombre de fils narratifs contradictoires, pouvant se croiser, s’interrompre mutuellement, qui vont être contrariés (ou pas) par les actions des joueurs. Il en va de même pour les PNJ, puisqu’ils ont des objectifs personnels et un lien avec les joueurs, et que tout ça peut changer d’une partie à l’autre.
Et c’est ainsi que le maitre de jeu et les joueurs rédigent l’histoire ensemble.
Faites des profils prétirés
Dernier conseil, annexe à la rédaction du scénario, mais utile une fois en jeu. Le jeu de rôle est un jeu de livres. Le maitre de jeu est tout le temps le nez dans un bouquin pour retrouver un point de règle, un pnj, un pouvoir…
Moi j’ai un problème avec les pnj. Je cours après les pnj et je ne sais pas bien improviser des statistiques. Alors j’ai un classeur avec des profils récurrents. C’est super pratique parce que ça soulage d’un poids, et ça permet de se concentrer sur le déroulement. Ça laisse de la marge pour l’improvisation, pour suivre les joueurs en dehors des sentiers balisés par le scénario.
Mon classeur contient des profils génériques de marchands, d’espions, de soldats, de politiciens, etc. Les profils les plus utilisés. Avec ce support, je peux créer des variations légères sur un point ou deux selon la situation, mais je ne dois pas tout inventer de zéro.
Ma méthode avant tout
Gardez bien en tête qu’il s’agit de la méthode que j’ai décidé d’employer, que je trouve la plus pratique et avec laquelle j’ai les meilleurs résultats. Mais ce n’est que ma façon de faire. En discutant avec un autre maitre de jeu, vous allez découvrir qu’il en existe d’autres, que certains maitres de jeu n’aiment pas écrire leur scénario et ont tout dans leur tête. Il s’agit de méthodes valables, à vous de trouver celle qui vous convient.