C’est en réponse à un tweet parlant des ajustements éditoriaux de Donjons & Dragons sur l’inclusivité qu’Elon Musk a mis le feu aux poudres : How much is Hasbro ? (Quel est le prix de Hasbro ?). Une déclaration lourde de sens et un signe précurseur du nouveau mandat de Trump, d’une amérique encore plus conservatrice et idiocratique.
Wokes & Dragons
Jason Tondro, chef de projet Donjons & Dragons chez Hasbro, expliquait dans le livre sur la genèse D&D que la nouvelle édition répondait aux questions progressistes et respectait mieux les minorités. Par exemple avec la notion de race, terme abandonné au profit d’espèce. Un simple changement de terminologie qui agace les réactionnaires rassemblés sous la bannière trumpiste du Make America Great Again.
Donjons & Dragons, dans sa nouvelle édition, essaye d’élargir sa cosmogonie pour inclure plus de personnes. On voit ainsi une couverture peuplée de personnages à la couleur de peau variée, aux formes corporelles variées. Récemment, nous avions aussi vu le premier personnage neuroatypique entrer dans le canon Dnd avec Astéria. Des études montrent d’ailleurs que les personnes autistes sont sur-représentées dans la communauté des joueurs.
La popularité immense du jeu Baldur’s Gate 3, basé sur Donjons & Dragons, montre qu’un lore avec des personnages homosexuels, ou qui joue avec les expressions de genre, ça marche, au point d’être le GOTY. Parce que ça n’enlève rien aux joueurs blancs hétérosexuels, comme moi, et que ça permet à des millions de personnes de s’identifier plus facilement à des héros ou héroïnes qui leur ressemblent, si iels en ont envie.
Et au-delà d’une simple représentativité d’avatar, des histoires humaines, des romances variées, peuvent avoir lieu. La licence Donjons & Dragons tente de vivre avec son temps, un temps où des personnes très diverses ont envie de jouer. Et je trouve le débat parfaitement surréaliste car ces adaptations sont vraiment mineures : elles ne changent rien au gameplay, elles n’enlèvent rien à qui que ce soit. Elles invitent timidement un peu plus de gens à des tables rôlistes.
Make Dnd Great Again
Mais tout ces aspects dérangent profondément les conservateurs américains, que l’élection de Trump vient de valider. Avec en premier lieu le chef d’escadrille des nouveaux milliardaires politiciens : Elon Musk. Cela ne lui a pas suffi de s’auto-proclamer meilleur joueur du monde de Diablo 4. Ou d’être nommé potentiel ministre de l’efficacité gouvernementale.
How much is Habro ? devient malheureusement une réplique déjà culte, celle d’un milliardaire prêt à racheter tout ce qui ne lui plaît pas. Vous allez me dire que ce n’est pas neuf, avec des Bolloré ou des Bezos qui rachètent des médias, certes. Mais le terrain où s’aventure Musk est nouveau : celui de la culture populaire.
Si il y a bien un domaine qui restait un tant soit peu à l’abri des frasques des puissants, c’était dans l’expression de la culture populaire. Qu’un grand média ou qu’une entreprise du CAC40 soit rachetée, ok, ça nous passe un peu par-dessus la tête. Mais là, Elon Musk est un gros problème, car c’est un énorme geek et un gigantesque milliardaire.
Et pour aucune raison il a embrassé totalement le discours absurde de Trump, et n’a pas simplement voté pour le candidat Républicain pour des raisons de business.
Les rôlistes inquiets
Ce petit tweet (qui n’est pas encore une offre de rachat bien sûr) a fait pas mal de vagues chez les rôlistes. Car Donjons & Dragons a fêté ses 50 ans, que c’est un monument historique avec lequel beaucoup de gens ont grandi. Et si on peut critiquer depuis des décennies quelques détails de telle ou telle édition, le produit a toujours été entre les mains de passionnés.
L’évolution capitalistique de la société rend le terme de passion un peu plus flou, dans un monde où il faut survivre économiquement aussi. Mais là avec Musk les joueurs ont une crainte légitime de voir des changements très radicaux opérer. Alors même que Musk déclare vouloir rendre le produit plus fidèle à l’esprit du co-créateur Gary Gygax.
Car les changements prévus pour l’inclusivité sont assez ténus. Il n’y a pas de grand plan wokiste prévu pour changer les dragons en drag-queens. En revanche, l’alt right américaine a déjà démontré qu’elle était capable de vouloir effacer le passé, sur des sujets politiques plus importants. Et Musk lui-même a déjà montré lors du rachat de X qu’il était capable de virer tout le monde pour placer des salariés en phase avec ses idées.
Donjons & Dragons se retrouve au centre d’un débat profond, qui secoue notre société. Les jeux de Wizards of the Coast tentent de travailler sur les stéréotypes et d’inclure un maximum de personnes dans un effort normal de représentativité. L’Amérique réactionnaire et les partisans de Trump/Musk stigmatisent les minorités, justifiant par extension les agressions quotidiennes que ces minorités subissent.
Espérons que Musk ne rachète pas Hasbro, et que D&D reste dans les mains de personnes responsables.