Intrigué par Altered depuis sa présentation publique au Festival de Vichy, j’ai tout de suite senti son potentiel, à travers ses visuels incroyables, son gameplay innovant et son modèle économique particulier. J’ai pu m’entretenir au téléphone avec Yoshiaki Mimura, qui occupe la fonction de Narrative Designer chez Equinox, pour en savoir plus sur le lore d’Altered. Voici donc une sorte de guide sur l’histoire d’Altered, son lore, comment il a été construit et sur quoi il repose.
Le Lore ?
Définition : Le lore, issu du terme anglais folklore, constitue l’arrière-plan historique et culturel d’un univers de fiction. On peut aussi dire diégèse, soit l’espace-temps dans lequel se déroule l’histoire d’une oeuvre. Le lore est cet arrière-plan riche et détaillé qui donne une profondeur et de la texture à la trame d’une oeuvre.
L’histoire d’Altered
« Lors d’un cataclysme planétaire, aujourd’hui connu sous le nom de Confluence, une tempête magique a soufflé sur le monde, transformant tout sur son passage de manière erratique et mortelle. Cet ouragan est né de la collision entre la réalité et le monde de l’imaginaire, alors que tout ce qui y était contenu a commencé à se déverser dans le monde.
Pour autant, des communautés humaines isolées sont parvenues à survivre à cette apocalypse, et au monde altéré qui en a émergé. Répondant à un appel mystique, ces peuples ont convergé vers la péninsule qui prit ensuite le nom d’Asgartha, dans le but d’y bâtir ensemble une nouvelle civilisation commune.
À présent, environ cinq cents ans après le cataclysme, l’humanité décide enfin de sortir des frontières de son nouveau foyer. Elle lance pour cela l’Effort de Redécouverte, la plus grande entreprise de son histoire.
En dehors des limites d’Asgartha, l’humanité sait qu’un phénomène magique – le Tumulte – continue d’altérer le monde.
Ces terres changeantes étaient jusque-là trop hostiles pour quiconque souhaitait s’y aventurer, mais dorénavant, l’humanité peut compter sur les Exalts, des duos d’explorateurs dont les pouvoirs leur permettent de survivre dans ces lieux instables. Les Exalts maîtrisent l’Altération, le pouvoir de matérialiser leur imagination au sein de la réalité.
Et pour ce faire, ils captent et utilisent le Mana, l’énergie même du Tumulte. C’est par le biais de cette avant-garde que l’humanité compte explorer l’inconnu. Pour autant, la mission des Exalts n’est pas sans but : ils cherchent la source mythique du Tumulte, dans le but de stabiliser définitivement ce monde devenu chaos. »
Dans Altered, les joueurs incarnent donc le héros (et son compagnon) d’une des 6 factions et explorent le Tumulte, en essayant de faire se rejoindre au centre de la piste de jeu ses deux personnages, marquant ainsi une exploration réussie. Une sorte de course contre l’adversaire, pour redécouvrir le monde après la Confluence, et ce qui se passe avec le Tumulte.
Quelles sont les bases du lore d’Altered ?
De la bouche de Yoshiaki Mimura, les bases thématiques d’Altered sont un mix d’influences littéraires et culturelles, qui s’étendent de Neil Gaiman au Studio Ghibli, en passant par la Horde du Contrevent (revenir à la source du Tumulte…ou à l’extrême Amont ?) ou One Piece.
Ayant déjà travaillé avec Régis Bonnessée sur d’autres projets, c’est tout naturellement que Yoshi a hérité de la responsabilité de créer l’univers d’Altered. Sur la base d’un cahier des charges original très fourni, Yoshi a développé une trame, des personnages, un contexte et une tonne de développements pour les intrigues que déroulera Altered. Voici quelques piliers, quelques bases du cahier des charges d’Altered sur lesquels il s’est appuyé :
- Altered souhaite développer un univers plein d’espoir
- L’exploration et la découverte sont au centre de l’aventure
- Altered n’oppose pas de factions humaines
- Altered développe un récit d’entraide
- Altered se veut inclusif et multi-culturel
Comment raconter un univers TCG sans pouvoir utiliser trop de mots ?
Altered doit raconter son univers sur ses cartes principalement. Et il doit le faire avec peu de mots. Pour ça, l’équipe narrative, en collaboration avec l’équipe artistique, a dû utiliser les images pour raconter son univers. Un peu comme un film de cinéma, Altered utilise l’image, avant tout, pour faire passer des émotions, pour avancer les pistes d’un récit. C’est pour ça aussi que les différentes raretés de cartes ont un visuel différent.
Mais Yoshi a aussi pondu plus de 180 000 mots (l’équivalent de Dune ou de la Communauté de l’Anneau) sur Altered, et le TCG compte utiliser des supports numériques pour exploiter ces textes : articles et contenus sur le site internet, mais aussi via l’appli centrale du jeu. La partie digitale couvrira tout ce que les cartes ne font que suggérer. Avant peut-être des romans, BD ou supports physiques dans un futur proche, selon le succès du jeu.
Yoshi a d’ailleurs déjà imaginé l’histoire d’Altered sur 9 saisons, soit 27 chapitres, qui sont déjà prévus, avec bien sûr des portes ouvertes, des embranchements possibles selon la réception des différents thèmes narratifs par le public. L’histoire écrite sert donc à la fois aux équipes créatives pour comprendre les enjeux narratifs et donner vie aux personnages, lieux ou créatures du jeu, et pour les fans d’approfondir leur connaissance de l’univers d’Altered.
First Person TCG
Le challenge maintenant est de trouver le bon format, car les textes encyclopédiques ne sont pas adaptés à la lecture sur le net. Yoshi a donc choisi de privilégier les émotions de ses personnages, et de raconter l’univers depuis leur point de vue. Le fait de raconter les choses à travers le regard des Héros a été un grand bond en avant. Les joueurs découvrent ainsi le monde en même temps qu’eux, dans une optique d’exploration et de découverte.
Les textes sont beaucoup plus lyriques, plus intimes. Et c’est ce que la team a voulu transmettre : qui sont les Héros, et comment ils perçoivent le monde, à travers leur sensibilité. On peut d’ailleurs retrouver les grandes aspirations de Régis Bonnessée dans ce jeu (si je peux me permettre de les résumer ainsi) : raconter une histoire partagée et via des images évocatrices (comme dans Dixit).
Ensuite, le challenge sera de trouver la voix des personnages et leurs factions, leur caractère. Au fur et à mesure, ils vont s’affirmer, leur personnalité va rejaillir. C’est un travail continu et évolutif. Une meta jaillira probablement dans les mois et années à venir, avec des héros, des pionniers, des factions amenées à prendre la lumière, ou pas ?
Une histoire pour tous
L’un des aspects que j’apprécie beaucoup dans Altered c’est son aspect inclusif. Et vous ne trouverez personne pour le dire de manière frontale chez Equinox, car le dire c’est moins efficace que le faire. Yoshi et ses collaborateurs ont donc veillé à inclure de la diversité dans le lore d’Altered, pas pour l’afficher comme une pancarte politique, mais pour proposer un jeu universel.
Rappelez-vous aussi qu’Altered est un jeu international, au public varié. Et cette inclusivité fait écho à l’histoire racontée à travers la Confluence et le Tumulte : l’humanité fait face et se ligue contre l’adversité.
Les discours c’est bien, mais comment matériellement intégrer de la diversité dans le jeu ? Yoshi m’a indiqué qu’Equinox avait fait appel à des consultants pour les aider, en premier lieu. Ensuite, ils ont souhaité montrer une grande variété de culture, pour lutter contre leur invisibilisation.
Par exemple, pour les personnages connus (des mythes, des histoires, de l’Histoire…) l’équipe narrative a essayé de suivre une sorte de ratio :
- 20% de personnages connus (Thor, Anubis, Alice…)
- 20% de personnages dont les noms disent quelque chose
- 20% de personnages pas connus (Sakarabru, Issitoq…) pour mettre en avant des cultures qui d’habitude ne sont pas représentées
- 40% de personnages qui viennent du monde d’Altered
Ce n’est pas un carcan fixe mais une intention générale. Selon Yoshi ce processus d’écriture est très intéressant et enrichissant. Altered appartient autant à une petite fille danoise qu’à un cinquantenaire mexicain, et chacun doit pouvoir s’identifier à sa façon au jeu.
Altered, to be continued
L’un des autres enjeux du lore c’est de se renouveler, et de coller à la saisonnalité d’un TCG (environ 3 extensions par an pour Altered). Le site d’Altered publie donc régulièrement des contenus sur le lore de son jeu, et dévoilera son monde petit à petit. Ce calendrier va accompagner l’existence des extensions, et montrer en parallèle des parties de jeu un univers qui évolue et se construit.
Il y aura du teasing, des cliffhangers, notamment pour amorcer la transition sur une extension.
Par ailleurs, Equinox va permettre aux joueurs, à travers le jeu organisé, d’influer sur la trame narrative. Par exemple, lorsqu’une Faction se distinguera en tournoi, elle pourra gagner un personnage. En conséquence, une carte avec ce personnage va intégrer le pool de la Faction, avec un effet créé spécialement pour elle.
La seconde Faction héritera quant à elle de la carte en format transfuge, le nom donné aux cartes rares qui changent de Faction. De plus, l’app permettra d’organiser des votes : suivant le choix fait, la trame pourra évoluer dans une direction, ou dans une autre. En réalité, les possibilités sont incroyablement nombreuses !
Quelques éléments de lore exclusifs !
Yoshi m’a envoyé ces deux images exclusives sur l’univers d’Altered !
« Isla Acantha est le premier nom qui a été donné au monde connu avant qu’il soit nommé Asgartha au final. Asgartha était la capitale, au début, mais désormais, elle se nomme Arkaster. Cette carte n’est plus représentative du monde, c’était juste une piste de recherche. »
Croquis de l’Ouroboros, bastion de la faction Lyra
La carte existante dans le jeu :
Altered fait ses premiers pas bientôt dans le monde des TCG. Fort d’un kickstarter massivement soutenu, d’une équipe portée sur la créativité avec de nombreux talents aux postes graphiques et narratifs, Altered a tracé une autoroute pour raconter son histoire.
Avec Yoshiaki Mimura aux commandes, Altered est entre de bonnes mains.