La news est tombée hier : le Festival de Vichy repense sa stratégie de communication et souhaite restreindre son accès aux influenceurs et à la presse. Le Festival se tire-t-il une balle dans le pied ? Comment cela va-t-il évoluer ? Pourquoi en arriver là ?
La presse à Vichy ?
C’est sur la page presse du Festival de Vichy que le communiqué est tombé : l’accès pour la presse et les influenceurs va être restreint. Pour venir au Festival en tant qu’influenceur ou média, il vous sera demandé soit une carte de presse, soit un numéro SIRET (pour les entreprises) ou un numéro RNA (pour les associations).
Ce qui peut se traduire par : quasiment personne ne pourra rentrer, puisque les personnes ou organismes qui ont ce statut sont quasiment inexistantes dans le milieu. Une posture difficilement compréhensible, quand déjà on fait un Festival dans un lieu comme Vichy (= pas très accessible car le centre de la France est un no man’s land des transports). Et que l’on souhaite développer ou maintenir ce Festival en communiquant dessus.
Par ailleurs, les éditeurs auraient été questionnés pour savoir quels influenceurs ils souhaitaient voir au Festival, peut-être car les membres du Festival n’ont pas la compétence pour le faire ? Encore une autre posture discutable si c’est réel.
Les causes
Je vais donner des pistes de réflexion, même si je ne connais pas les causes réelles de cette décision. Les organisateurs vont sûrement apporter des réponses bientôt ?
Trop d’affluence, trop d’influence
Les éditeurs se sont plaints lors du dernier Festival de l’overdose d’influenceurs. Et aussi de certaines attitudes : apparemment quelques olibrius réclament des boîtes comme si c’était un dû, et pètent un peu plus haut que leur dû. Et il est vrai que si les influenceurs deviennent plus nombreux que les pros (boutiques, assos), le salon devient une cacophonie et un espace trop orienté vers les réseaux sociaux. Sa vocation première était d’ailleurs d’être un salon pro pour que ludicaires et éditeurs se rencontrent avant la saison la plus importante de l’année.
L’espace du salon de Vichy est aussi plus réduit que celui du Festival de Cannes, obviously, et l’année dernière peut-être que cela devenait tendu pour accueillir tout le monde dans de bonnes conditions ?
Pros ou influenceurs ?
La 2e cause est donc celle-ci : le Festival de Vichy se voulait un salon en deux parties, pro et public, mais il se transforme en influenceurs/pros et public. Et si les influenceurs deviennent plus nombreux que les pros, et bien ça phagocyte beaucoup de rdv, de disponibilité. Difficile pour un éditeur et ses équipes d’alterner entre pros avec un discours commercial, et influenceurs avec un discours marketing.
Se passer de « la presse », c’est peut-être redonner du temps aux pros et aux éditeurs. Et en vrai peut-être que ça se tente. Il faudra gérer ensuite des kilotonnes de frustrations diverses et d’injustices.
Un problème économique ?
Le Festival de Vichy souhaite-t-il faire payer l’accès à la Presse ? Pour se rapprocher d’un équilibre économique ? Je ne sais pas, mais c’est en tout cas une mauvaise idée. La presse et les influenceurs participent à la promotion de l’évènement (en principe, sur campustech on fait en général 4 récaps en citant le Festival, on ne parle pas que des jeux présents), et se passer d’eux c’est vraiment se tirer une balle dans le pied.
Car un influenceur ou un média qui fait la promotion de l’évènement, c’est moins cher que gratuit : le faire entrer gratuitement coûte rien, et il travaille gratuitement pour le Festival, en mobilisant des compétences que le Festival n’a pas. C’est une aubaine, qu’il faut exploiter à tout prix, à mon sens !
D’ailleurs Cannes l’a bien compris, Essen aussi : pas de souci là-bas pour entrer en tant que média. Enfin il faut être un peu legit, ce qui se comprend.
Les solutions ?
Je pense qu’énoncer des critères qui filtrent les « tous petits comptes » c’est mieux que de demander un SIRET qui filtre 98% des médias. Je pense que faire payer les médias ce n’est jamais une bonne idée, pour les raisons que j’ai données ci-dessus. Monter un comité qui étudie les demandes d’accréditations presse ce serait bien aussi, comme ça chacun peut justifier un nombre d’abonnés, de stats, de qualité de production ou autres pour montrer sa pertinence.
C’est un choix curieux de la part de ce Festival en tout cas, et un énorme pari. Mais peut-être qu’il n’a pas besoin de ça et que sa communication lui suffit. Après tout c’est de la stratégie. Peut-être devraient-ils aussi communiquer sur le nombre de demandes qu’ils reçoivent ? Et la part d’Instagramers dans ces demandes. Ca aiderait à comprendre l’étendue du problème.
Moi, si j’enlève la casquette campustech un instant, en tant que ludicaire, moins il y a de monde et mieux je me porte : j’ai des éditeurs qui ne sont pas overbookés, un salon dans un lieu sympa, de la place pour jouer et prendre le temps d’étudier un line-up.
Dans tous les cas, Campustech ne paiera pas pour couvrir un évènement médiatique. Ce n’est pas une menace, tout va bien, on parle de jeux sur le site, et des fois on va à des events et des fois non. Je peux en revanche totalement entendre que le Festival de Vichy ne nous considère pas comme pertinents, même si j’ai un numéro SIRET.
Le problème Instagram
Je crois aussi qu’Instagram devient un problème dans les questions de « statuts de presse », car je n’ose imaginer le nombre de demandes d’accréditation par des comptes à 50 ou 1000 abonnés. Probablement plusieurs milliers. Et le nombre d’abonnés n’est pas le problème en soi. Enfin si, un peu, mais c’est trompeur. Le problème, c’est de devoir donner autant de crédit à un réseau social qui ne veut plus dire grand chose.
Quelles statistiques prendre ? Pour quel contenu derrière ? Est-ce que copier une danse tik-tok et faire 2 millions de vues avec, ça veut dire quelque chose ? Quand d’autres font 34 likes avec un avis détaillé et un panorama de photos ? Et je ne dis pas ça pour stigmatiser l’infludanseur : ça fonctionne à mort sur l’algo d’insta, gg. Mais est-ce que ça peut se transposer en promotion du Festival de Vichy ?
Qui peut juger de l’influence d’Instagram et de l’engagement que l’appli suscite ? Quelles sont les retombées médiatiques réelles d’un contenu insta dans la durée ? Comment le Festival de Vichy peut-il argumenter pour demander une typologie de contenus, ou quoi que ce soit d’ailleurs ?
Voilà, je ne sais pas comment va réagir le Festival de Vichy suite à cette communication et les controverses qu’elle suscite. Les médias ludiques attendent avec impatience la suite des évènements. Là je pense que le Festival flirte avec des notions de bad buzz, de boycott, et c’est un mauvais move.
On sent en tout cas un réel attachement à ce Festival, qui dans sa formule, ses dates et sa localisation, est très apprécié. Loin du tumulte de Cannes, encore plus loin de l’apocalypse d’Essen, il a un petit côté authentique, feel good. Saura-t-il déjouer le bad buzz qui lui tourne autour ? Saura-t-il entendre les critiques et changer d’approche avec la sélection des médias ?
Peut-être que le salon de Vichy est le seul à considérer à juste titre les ludothèques comme des pros et à tenter de leur laisser un plus de place ? Et en tant que pro du jeu depuis 20 ans, je peux dire qu’on est nombreuses et nombreux à en avoir un peu ras le pion d’etre traités comme des moins que rien (FIJ, si tu nous regardes…)
Donc voir qu’un festival tente des trucs, bah ça fait du bien.