En tant que fan du jeu de rôle L5A – j’y joue depuis 20 ans – l’annonce de la Rivière de l’Or m’avait fait des guilis dans le ventre. Un jeu expert qui se situe dans Rokugan, avec des ressources, des asymétries de clan, et une direction artistique fidèle à la qualité L5A, étaient autant d’interrupteurs pour allumer ma curiosité. Mais le jeu est-il à la hauteur de cet héritage médiéval japonais si bien déroulé depuis deux décennies ? Voici mon avis sur la Rivière de l’Or.
La Légende des 5 Anneaux
La Rivière de l’Or s’écoule dans le monde de Rokugan, un japon médiéval où des clans rivalisent autour d’un Empereur, qui a du mal à tenir l’unité du pays. Teinté de légendes, saupoudré de magie, cet univers s’appelle L5A, ou la Légende des 5 Anneaux. A la base c’était un TCG, qui est devenu un jeu de rôle et qui maintenant connaît un dérivé avec la Rivière de l’Or.
Et c’est plutôt une bonne nouvelle, à condition que ce jeu mette un pied dans le lore de L5A, et nous propose une vision, une grammaire qui lui est propre. La Rivière de l’Or présente un jeu de société plutôt eurogame : des ressources, des majorités, du placement. Et non pas un ameritrash dopé aux combats et aux jets de dés. Et quelle bonne idée !
Les mécaniques : devenir marchand à Rokugan
Le jeu vous invite à choisir un clan historique de Rokugan : Crabe, Dragon, Scorpion, Grue…et un mécène qui apporte une forte asymétrie dès le départ. Vous placez vos bateaux sur une rivière qui traverse le pays du Nord au Sud. Chaque région peut accueillir plusieurs bâtiments, que vous construirez tout le long, et qui vous rapporteront ressources et/ou points de victoire à chaque fois qu’un bateau s’y arrête. Avec évidemment un bonus si c’est vous-mêmes qui vous arrêtez chez vous.
Placer des bâtiments (ports, marchés, temples…) dans une Région fait augmenter votre influence sur celle-ci. Sur une piste jalonnée de bonus, vous y ferez la course, dans chaque Région, pour gagner des points de victoire.
Le gameplay de la Rivière de l’Or se décompose en trois actions, et vous devez en choisir une à votre tour parmi :
Naviguer
Le jeu conserve l’aspect jet de dés, en le rendant compatible eurogame : vous pouvez modifier son résultat en dépensant de la faveur divine, un curseur qui bougera beaucoup dans votre partie. Ensuite, vous avez en permanence deux bateaux sur la rivière, vous donnant plus de choix quant à votre déplacement. Naviguer dans le jeu vous permet d’activer les bâtiments connectés à votre lieu d’arrivée, et d’engranger leur divers bonus. Si vous vous arrêtez chez vous, les bonus sont encore meilleurs.
Mais pourquoi naviguer ? Pour obtenir des ressources, qui servent à livrer des clients, et pour activer les tuiles bâtiments, qui vous donnent ressources, kokus, points de victoire…
Construire
Au lieu de naviguer, vous pouvez choisir de construire un bâtiment dans la région spécifiée par le dé. Ces tuiles bâtiments, disponibles dans un marché, confèrent différents bonus, et vous font progresser en influence sur la Région concernée.
Livrer
Pour finir avec les actions possibles à votre tour, vous pouvez livrer des clients. Pour cela, il faudra dépenser les ressources demandées, afin d’obtenir les effet et bonus du client livré. Et ils sont vraiment énormes, avec des bonus récurrents, des bonus de fin de partie, et des progressions sur des cartes de maîtrise, généreuses en points de victoire.
Pour l’honneur : ce que je pense de la Rivière de l’Or
Avec ces simples 3 actions, mais de multiples zones et curseurs présents sur le plateau, le jeu nous saisit par une sorte d’épure, de noblesse. En un tour l’iconographie est comprise, les possibilités aussi. Et si le jeu est aussi réussi visuellement, c’est que la meuf en charge des graphismes (Francesca Baerald) est une tueuse : elle a bossé sur des petits projets comme Gloomhaven, Frosthaven, Oathsworn…
Le jeu est donc évident à comprendre, ce qui est une qualité. Le double emploi du dé est aussi une bonne idée, on ne se sent jamais coincé par un jet de dé malheureux.
J’attendais un jeu deux crans plus expert, mais maintenant que je l’ai joué, je le situerais plus au début du spectre du jeu initié. Il est accessible et ne demande ni une heure d’explication, ni deux heures de partie. Il perd peut-être en profondeur, mais il gagne à être joué par plus de personnes. J’ai aimé la thématisation du contrôle du hasard avec la faveur divine, qui se dépense et qui peut être retrouvée dans les temples.
Le jeu plaira d’autant plus aux amateurs de L5A, qui retrouvent des éléments cohérents et respectueux du lore, notamment sur les pouvoirs des mécènes. Les Régions de la Rivière correspondent aux clans, les couleurs du matériel sont fidèles. Le jeu respire Rokugan, et quand l’Empereur vous rendra visite au milieu de la partie vous penserez à vos campagnes de jeu de rôle…
Les petits défauts
La Rivière de l’Or n’est pas exempt de défauts : en premier lieu l’insert cheap et anti-ergonomique au possible, alors que tout le reste est à tomber par terre de beauté. Cet insert est moche, et on ne peut rien ranger correctement dedans. Pourquoi ? Le déclenchement de fin de partie, un peu bizarre aussi, ne respecte pas la grammaire de l’eurogame. Le côté économique aussi m’a semblé un poil en retrait, puisqu’aucun joueur à table n’avait de problème d’argent.
Au final j’ai vraiment apprécié cette Rivière de l’Or, qui s’il ne tutoie pas les sommets par des mécaniques expertes, reste tout à fait solide en tant que jeu initié. La compétition est rude entre les joueurs, le matériel est magnifique, le jeu est généreux en options, sans être feel good je fais n’importe quoi je gagne quand même.