Habituellement, je n’aime pas les jeux d’ambiance. D’une manière générale, je préfère la musique triste, les films dramatiques, et je déteste les rires forcés. Un pur rabat-joie, insupportable. Tout ça pour vous dire que je suis vraiment un public difficile pour ce genre de jeux. Et pourtant, j’ai adoré Bristol 1350. Un miracle que je vous raconte ci-dessous !
Ceci n’est pas un livre
Façade Games est une gamme de jeux qui prennent l’apparence d’un livre. C’est Lucky Duck qui localise ça pour nous en France, et cette édition est vraiment de belle facture. Le rendu bibliothèque est parfait, quand les jeux sont rangés à la verticale, et à l’intérieur c’est souvent plein de bonnes idées.
Dans Bristol 1350, on trouve un tapis néoprène, certes petit, mais qui fait son petit effet. Il représente une rue de la ville de Bristol, pendant l’époque de la peste noire, un évènement de grande ampleur qui va tout simplement tuer 50% de la population de l’Europe à l’époque.
Les joueurs sont des citoyens de Bristol, qui vont tenter de quitter Bristol, à bords de petits chariots, pour éviter cette horrible maladie. Les chariots, les petits meeples, et le reste du matériel (cartes, dés et règles) sont à l’unisson : bien pensés, bien illustrés, et qualitatifs. Le seul bémol à cette édition réside dans les couleurs, trop proches et peu contrastées sur les chariots cèdre et chêne.
Ne m’attrape pas si tu peux
Le gameplay de Bristol 1350 repose sur une course, pour gagner il faut réussir à :
- sortir de la ville dans un chariot qui ne contient aucun joueur pestiféré
- faire en sorte qu’aucun joueur sain ne sorte de la ville si on est soi-même pestiféré
Au début du jeu, chaque joueur embarque dans un chariot au hasard, ces derniers comprenant 3 places chacun. Chaque joueur reçoit aussi une carte personnage, qui a un petit pouvoir propre. Chaque joueur reçoit aussi 2 cartes de contamination, dont le total sert à indiquer si vous contractez la peste. Si ce total atteint 6, vous avez la peste définitivement. Les cartes ont une valeur de 1 à 4, donc ça va vite !
A chaque tour, des dés seront lancés : chaque face de la couleur de votre chariot actuel le fera avancer d’autant de cases sur la carte. Sur les dés, deux faces possible :
- la pomme (il ne se passe rien)
- un rat : si les dés montrent deux rats de votre couleur, vous devrez piocher une carte contamination
Mais, après le lancer initial des dés, chaque joueur va pouvoir réaliser une action :
- relancer deux dés
- piocher une carte remède
- effectuer son pouvoir personnel
- passer devant dans son chariot
- sauter sur un chariot devant lui
- dégager le joueur de derrière de son propre chariot
Une fois le tour fini, on avance les chariots, et on résout les contaminations. Pour ces dernières, on mélange les cartes de tous les joueurs du chariot concerné, on ajoute une carte contamination de la pioche (qui contient désormais des +4), on mélange, et on redistribue ces cartes…
Bacille à chanter
Après plusieurs parties de Bristol 1350, je le trouve excellent sur plusieurs points. D’une part, le côté course, un peu comme un Heat mais dans lequel on peut changer de voiture en pleine course, le côté rôle caché avec les suspicions et la mauvaise foi à outrance qui animent la table, et le côté fourberies avec des cartes et pouvoirs qui renforcent le côté chaotique du jeu.
Petite mention à la règle de « je te dégage de mon chariot » : si vous le faîtes depuis le chariot le plus en arrière, la personne dégagée ainsi perd immédiatement la partie. A première vue, c’est nul. Mais la personne dégagée dévoile à ce moment si elle avait la peste…Si ce n’était pas le cas, la personne à l’origine de se défaite perd aussi instantanément la partie, prise de remords d’avoir dégagée une personne saine ! Ca marche vraiment trop bien.
Sinon, dans tout le déroulé du jeu, les différents éléments de gameplay s’imbriquent remarquablement. Les remèdes et pouvoirs sont très forts, mais ils vous coûtent de ne pas modifier les dés à votre tour. Bristol vous force à jouer en équipe, mais cette équipe va changer, forcément, au fur et à mesure du jeu. Et les alliances du passé ne vaudront rien, très vite.
Bristol 1350 reste un jeu d’ambiance, on a peu de contrôle dessus, certes. Mais ce qu’il réussit à faire en moins d’une heure, même à neuf joueurs (!) est remarquable. C’est à mon sens le meilleur jeu de toute la gamme, devant Tortuga et Hollywood.
Il n’est pas exclu de petits défauts, comme des déséquilibres sur la puissance des pouvoirs personnels et des remèdes. Mais le chaos, dans un jeu qui tire son lol des éléments chaotiques, c’est un peu normale aussi. Son autre aspect important aussi, qui n’est pas un défaut en soi, c’est que pour en profiter il faut être au moins 5. En dessous de 5, jouez à autre chose.
Saturday Night Fever
Au final, je trouve Bristol hyper réussi et ambitieux. Par son thème, original et bien traduit dans le gameplay. Par son caractère multijoueur rare, pour un jeu avec des vraies mécaniques. Bristol 1350 ne repose pas sur un gimmick et un seul, comme beaucoup de jeux d’ambiance actuels dont on a fait le tour simplement en lisant le dos de la boîte.
Bristol pousse assez loin la notion de rôle caché, notamment car les joueurs pestiférés peuvent au final coopérer pour gagner aussi. Les éléments de gameplay, pouvoirs et remèdes, donnent plein de possibilités. L’ordre du tour revêt une énorme importance, pour se déplacer de chariot en chariot, ou pour discuter de stratégies chariot par chariot. Sachant que tout peut changer en une seule action !
Vous aimerez Bristol 1350 si vous cherchez un jeu d’ambiance initié/expert, jouable jusqu’à 9, avec une réelle profondeur. Attention, le jeu reste par essence chaotique. En revanche, si vous cherchez un jeu facile et marrant pour jouer avec des débutants, trouvez autre chose.
Perso, Bristol 1350 est tout en haut de ma pile de jeux d’ambiance, un cran en dessous des jeux For The Story, mais bien installé vers les sommets !