Après quasiment une année de jeu, à raison de deux séances par mois environ, mon groupe de joueurs Donjons & Dragons et moi venons de finir la campagne de la Malédiction de Stradh. Avec sa réputation de meilleure campagne Dnd, ce supplément vaut-il le coup ? Devez-vous vous lancer dedans avec vos joueurs ? Vous le saurez en lisant mon avis et ma critique (sans spoilers) ci-dessous !
Bienvenue en Barovie
A noter : je critique cette campagne avec le point de vue du joueur, je n’ai donc pas toutes les clés de l’intrigue, et mon expérience se limite aux choix que mon groupe a fait. En fin d’article, je vous mettrai du contenu spoiler dans un ascenseur à cliquer.
La campagne commence par une prophétie : largués au milieu d’une contrée nommée Barovie, les joueurs en prennent connaissance via une oracle Vistani (un peuple nomade qui y vit). Cette prophétie décrit la Barovie comme un pays sombre, triste, clos par des brumes magiques dont on ne peut sortir. La cause : un vampire immémorial nommé Stradh qui règne sur les lieux et ses habitants suite à une sombre malédiction.
L’objectif annoncé est dès lors de libérer la Barovie de son tortionnaire aux canines saillantes, pour se libérer soi-même et pouvoir quitter le pays.
Sans donner de détails, Stradh a subi une énorme déception amoureuse, ce qui l’a amené à pactiser avec une entité et l’a rendu fou. Et c’est ce sentiment qui va dominer toute la campagne : devoir gérer les accès de violence d’un adolescent capricieux qui n’a pas su gérer un refus. Un véritable incel, qui m’a fait penser immédiatement à Dark Vador et Padmé. L’incapacité de ces hommes à gérer leur égo et leurs déceptions sentimentales est un ressort dramatique assez éprouvé dans la culture.
On comprend vite que Stradh est une ordure de première, qui maintient dans la terreur tout un pays. Et on se sent tout petit, car même si la prophétie nous donne pas mal de pistes, on commence la campagne niveau 1, et le moindre écureuil maudit dans la forêt peut nous one-shot.
La campagne a une texture évidemment Dark Fantasy, avec des vampires, des morts-vivants, un peuple brisé. Pas de soleil, pas de joie. Un environnement que les amateurs des Souls ou de Bloodborne vont kiffer.
Le château de Ravenloft, au coeur du récit, est la demeure de Stradh. Ravenloft vous ouvrira peut-être ses portes, mais avant d’aller toquer à la porte, il y a tout un monde à explorer !
Une campagne en monde ouvert
La campagne de Stradh n’est pas sur des rails. Au contraire, vous aurez le loisir d’explorer ses différents lieux dans l’ordre que vous souhaitez. En tout cas c’est ce que notre MJ nous a laissé faire. Entre prophétie et rencontres, vous serez libres d’explorer la Barovie comme bon vous semble. Bon bien sûr avec des menaces qui vous oppressent de toutes parts !
J’ai globalement bien apprécié les PNJ et la variété proposée, mention spéciale à un Baron dans un déni total, ainsi que la baronne…Vous pourrez rencontrer un autre personnage clé de l’intrigue, dont le twist est vraiment…intéressant. Vous aurez des villes à explorer, des ruines, des hautes tours. L’atmosphère obscure et le brouillard vous laissera en surface, pas de donjons souterrains et d’enfermement puisque la Barovie est déjà une prison ou un immense Donjon.
Un puzzle qui s’imbrique petit à petit
L’un des points forts de cette campagne c’est sa narration éclatée façon puzzle, dont vous recollerez les morceaux petit à petit. Les différents éléments de la prophétie vous indiquent plusieurs pistes, qui sont toutes liées, et qui révèleront leurs connexions au fur et à mesure de vos découvertes.
Même s’il est impossible de comprendre la totalité des ramifications, une idée se dessine petit à petit : débarouler Stradh. Sauf que le vampire semble vraiment intouchable, inaccessible pour les pauvres aventuriers niveau 3 que vous êtes. Stradh fait peur, et on sait qu’il nous espionne, qu’il nous voit, mais qu’il s’en fout. Car nous ne sommes rien. Et c’est notre chance aussi.
Les rencontres
Chaque lieu visité ou presque donnera lieu à des rencontres, dont la variété fait plaisir : en pleine forêt, dans les couloir sombres d’une ruine, dans des vignes décrépies…Les terrains et les ennemis sont très variés, et les joueurs pourront s’en donner à coeur joie. Peut-être trouverez-vous des alliés au détour d’un village ?
Evidemment dans une campagne avec des morts-vivants, compter dans ses rangs un paladin ou un clerc c’est en général une bonne chose ! J’ai apprécié les monstres, personnages ou situations proposés, avec à chaque fois plusieurs manières de résoudre le conflit ou gérer le problème.
L’ambiance de la campagne
Toute la partie narrative autour de la malédiction de Stradh est vraiment intéressante. Comprendre le pourquoi du comment vous tiendra en haleine pendant des semaines entières. Petit bémol sur le manque de recul que les PNJ ont sur Stradh, ou alors volonté des auteurs de faire réfléchir les joueurs par eux-mêmes sur la masculinité toxique ?
Par ailleurs, les thématiques secondaires abordées sont plutôt réussies. Les personnes qui tentent désespérément de résister à Stradh apportent de la fraîcheur, ainsi que de nombreux PNJ très bien écrits.
Les couches de complexité se révèlent au fur et à mesure de vos explorations, et certaines vous décrocheront la mâchoire ! Si la personnalité de Stradh semble rouler sur l’autoroute de la méchanceté, j’ai trouvé plus intéressante la « résistance » développée par plusieurs forces en Barovie. Et la place des joueurs au milieu de celle-ci.
Pipo le Barde
Notre expérience collective en tant que groupe a été incroyable. Entre notre MJ Thaumiel et notre fine équipe, cette campagne nous laissera des souvenirs impérissables. Pour moi, la découverte de la classe de Barde, complètement craquée notamment avec le collège du savoir, qui donne deux sorts de n’importe quelle classe dès le niveau 6. Et avec des capacités hors rencontres vraiment intéressantes, avec des +11 ou +9 dans certaines compétences sociales.
Un régal de roleplay aussi, puisque j’avais choisi un barde qui jouait de la musique triste, et qui tirait du plaisir des larmes de son auditoire. Armé d’une flûte et d’un kazoo, je servais de support sur le champ de bataille, avec des sorts intéressants comme le Fou Rire de Tasha ou l’Invisibilité. Et le sort Boule de Feu, qui n’a servi qu’une fois, mais qui sortant du bout de ma flûte, avait son petit effet !
Faut-il jouer cette campagne ?
Oui, tous les jours ! La malédiction de Stradh sort les joueurs des sentiers battus de la High Fantasy pour dépeindre cette contrée sombre de Barovie. Comprendre l’histoire de Stradh et les implications humaines de sa malédiction vous demandera beaucoup d’exploration. Les thématiques abordées autour de l’obsession sont assez adultes. Il y a même une lecture très actuelle sur les implications sociales de la masculinité toxique !
La variété des rencontres, les PNJ très différents et tous impliqués dans la chute ou le maintien de Stradh vous donneront du fil à retordre. Les lieux sont eux aussi variés, empreints de légendes, et théâtres de bastons épiques.
Les points forts et points faibles de la campagne
Points forts
- L’écriture globale
- Ravenloft
- Les twists
- La variété des situations
- Les PNJ
Points faibles
- Stradh, un peu caricatural
- Ca manque de maps et de matériel visuel !
- Toute la campagne s’articule autour d’une prophétie qui sort de nulle part
Spoilers Stradh !
Ne lisez ces lignes que si vous ne craignez pas les spoilers sur la campagne !
- J’ai adoré l’ordre des Gardiens de la Plume, faction que l’on peut rejoindre
- Le personnage de l’Abbé, gros twist de la campagne, qui donne un autre angle d’attaque sur Stradh
- L’aspect pervers de cet Abbé, qui utilise les Bellevue, des villageois consanguins, tel un Frankenstein divin
- L’entourage de Stradh, un plaisir de les occire un par un
- L’invitation à Ravenloft
- Le Moindre, un personnage en quête de redemption
- Vargas Vallakovich, un baron dans le déni car « tout ira bien »
- Prenez le temps de bien explorer toute la Barovie avant d’aller à Ravenloft
