La réimpression de ce scénario particulier pour l’Appel de Cthulhu est à nouveau disponible, chez Edge studio. Mais qu’est-ce qui se cache sous cette couverture évocatrice?
Du cinéma au jeu de rôle et inversement
J’attendais ce scénario avec impatience. Non pas que j’aie suivi la carrière de Álex de la Iglesia avec assiduité mais je garde un souvenir marquant d’El día de la bestia, film à l’atmosphère ultra 90s, naviguant entre références rôlistes et esprit grunge, absolument iconoclaste (au sens littéral comme littéraire).
C’est ce type d’ingrédients qu’on retrouve dans ce gros scénario : un brin de folie, des personnages qui creusent eux-mêmes leur tombe, des personnalités puissantes et extravagantes dont l’horizon se limite à leur seul intérêt.
Notons que le futur cinéaste avait d’ailleurs créé l’un des premiers clubs de jeu de rôle d’Espagne quelques années plus tôt, Los Pelotas, à Bilbao, avec un amour particulier pour L’Appel de Cthulhu.
L’appel de Cthulhu, c’est sérieux
L’Appel de Cthulhu est un jeu qui reste souvent fidèle à son inspiration, en restant sérieux voire sentencieux face à la menace cosmique des Grands Anciens. Farce macabre brise le canon du scénario lovecraftien en l’attirant vers des terres plus burlesques. Il y a quelque chose de l’humour des frères Coen dans cette histoire où l’hubris des intervenants les mènera inévitablement à une fin grotesque. Et si en plus, cet orgueil se mêle d’ignorance, on obtient un cocktail explosif parfait.
Dans sa forme, Farce macabre est un presque huis clos, un week-end d’excès et de folie dans un hôtel cairote où se côtoient célébrités et anonymes, motivés par leur avidité. Un fil des événements très précis est proposé et la première mission des joueuses est de le dynamiter (le fil, pas l’hôtel, quoique ça puisse aider). Puis de ne pas se reposer sur leurs lauriers en sirotant des gin tonic au bar de l’hôtel si elles veulent éviter le final apocalyptique et grand guignolesque.
Du rythme et de la mise en scène
Il y a aussi un ton d’écriture où l’on sent l’expérience du récit cinématographique de l’auteur, qui expose ses impressions et ses conseils, surtout sur la manière de quitter les rails d’une mise en scène dirigée. Chose rare dans un scénario de jeu de rôle, il donne le pouvoir et enjoint même aux joueuses et au meneur de rater l’histoire.
Il se peut qu’absolument rien ne se passe comme prévu et c’est tant mieux ! Farce macabre est donc conçu comme un script millimétré ainsi qu’une grosse boîte à outils, grâce à ses descriptions minutieuses des protagonistes et des lieux de l’action.
Cette profusion d’informations et de possibilités déroutera certainement un Gardien des arcanes débutant. Il faudra le lire et le relire et tirer parti du plan et des lignes du temps fournis avant de déchaîner le Chaos.