Je suis un très grand fan de Batman, lecteur de longue date, j’avais vu passer la première édition du kickstarter. Alors à la dèche, j’avais passé ma route, mais le ver était dans le fruit : ce jeu serait mien, d’une façon ou d’une autre. A l’annonce d’une saison 2, je n’ai pas hésité, et j’ai sauté sur l’occasion de me procurer le monstre. Et avec la saison 3, j’ai replongé… j’aimerais vous dire que je me suis sacrifié pour Campustech… Mais ce serait un mensonge.
Présentation : Batman Begins
Monolith Board Game est une entreprise française fondée en 2014. Elle est à l’origine de 3 autres jeux (eux-mêmes financés sur Kickstarter) : Conan, Mythic Battles : Pantheon et Conan Book of Set.
Batman : Gotham City Chronicles (que nous appellerons Batman : GCC) est leur second jeu, il est issu d’une collaboration avec DC comics/ Warner, et se présente sous la forme d’un énorme jeu de plateau, avec des figurines à peindre, prenant place dans l’univers de la chauve-souris de Gotham. On évacue immédiatement l’éléphant dans la pièce : le jeu se concentre sur Batman et uniquement Batman : pas de Superman ou de Green Lantern, on est dans la rue, on tape des malfrats, on n’affronte pas de menaces cosmiques. Si vous voulez du gros team-up, vous pouvez vous rabattre sur le film The Flash qui sort le 14 Juin 2023:
Principes de jeu : Batman Le Défi
Le jeu se compose de deux modes: la campagne et le versus, deux modes, avec deux approches sensiblement différentes, même si le cœur des règles reste identique :
Les parties se déroulent au tour par tour sur un ou plusieurs plateaux de jeux, avec des environnements allant du commissariat de Gotham, à une banque, en passant par des égouts, un parc d’attraction, une usine, le manoir Wayne et j’en passe. Les plateaux sont découpés en cases, présentent des hauteurs différentes, des obstacles, des valeurs de déplacement, des lignes de visées, qui peuvent parfois être complexes à lire. Pas d’inquiétude, cependant, il existe des aides de jeu.
Les joueurs disposent d’un ou plusieurs personnages, dotés de tout un panel de caractéristiques dont il faudra user avec intelligence pour espérer remporter la victoire : corps à corps, attaque à distance, réflexion, manipulation, défense, déplacement et relance de cubes. A ces caractéristiques sont associés un type de dé, une limite d’utilisation par tour, la possibilité ou non de relancer gratuitement les dés, et une panoplie de compétences spéciales qu’il faut apprendre à connaitre.
L’équipement joue aussi un rôle crucial dans la bataille, et en bons membres de la Bat-family, les joueurs devront s’équiper au mieux, afin de mettre toutes les chances de leur côté. Il existe trois façons de se doter d’un équipement : au moment du choix du justicier que l’on va incarner, puisque certains sont dotés d’armes et accessoires ; durant la phase de préparation, en remplissant la bat-ceinture d’un personnage ; en les ramassant au sol, puisqu’il est possible d’en trouver sur le plateau de jeu.
La phase réflexion à avoir avant même de poser ses figurines sur le plateau représente la première manche de la partie, tant elle sera décisive pour la suite. Cette phase sera orientée par la nature des objectifs à remplir, mais aussi par les gouts de chacun : préférez-vous briser des nuques avec le Batman Beyond ou le Dark Knight de Frank Miller ? êtes-vous plutôt Robin 2 ou Batgirl 1 ?
Sur ces plateaux, on place des figurines, des objets, des objectifs de jeux, selon les modalités du scénario que l’on a décidé de jouer. Deux équipes s’affrontent, et chaque joueur dispose d’une tablette, sur laquelle il trouvera diverses informations. La principale étant : la disponibilité des cubes d’énergie qu’il faut dépenser pour agir. Les cubes peuvent se trouver en zone de disponibilité, dans la zone de récupération ou dans la zone de blessure. Il n’est possible de dépenser que des cubes disponibles. Chaque action coute un certain nombre de cubes (déterminé par l’action, le terrain, les compétences du personnage, etc.). Les cubes dépensés, sont déplacés à la fin du tour, dans la zone de récupération, et c’est la valeur de récupération du personnage qui lui permettra de récupérer des cubes au tour suivant, et ainsi agir. Sauf s’il est blessé, auquel cas, il faudra placer des cubes dans la zone de blessure, ce qui les rendra indisponible un certain temps.
En début de tour, il est possible de choisir d’agir ou de se reposer, le taux de récupération du personnage changera en fonction. Une fois les cubes transférés de la zone de récupération à la zone de disponibilité, il sera possible de piocher dans la zone de blessures, pour placer les cubes dans la zone de récupération. Vous suivez ? Non, c’est pas grave, ce qu’il faut retenir c’est que, quel que soit le camp, la gestion des cubes d’énergie sera au centre de votre attention.
Pour valider une action il faut tirer un certain nombre de dés de couleurs. Dépenser un cube dans une caractéristique, octroie le droit de lancer un dé d’une certaine couleur. Les couleurs dépendent des facultés du personnage dans l’action qu’il entreprend : le blanc présente le plus faible taux de réussite, vient ensuite le jaune, l’orange, le rouge, puis le noir qui est une sorte de pari puisqu’il dispose de peu de faces valables, mais elles sont toutes des réussites éclatantes.
Certains personnages peuvent automatiquement relancer des dés, pour une caractéristique donnée, mais il est aussi possible de dépenser des cubes pour en faire de même (dans la limite des caractéristiques de relance du personnage).
Batman oblige, le déplacement sur la carte est une action riche en possibilité, puisqu’il est possible d’escalader des obstacles, traverser des murs, prendre de la hauteur, de sauter, j’en passe et des meilleures. Tout cela coûte aussi des cubes et nécessite de s’y frotter pour s’en emparer.
La campagne : Amère Victoire
Dans la campagne, une équipe de 1 à 3 héros, pouvant être incarnés par 1 à 3 joueurs, affronte un joueur supplémentaire à la tête de l’équipe de malfrats, menée par un ou deux méchants emblématiques. Il est nécessaire de composer une équipe pertinente, complémentaire en compétences et en équipements, afin de défaire les manigances de l’ennemi. Chaque scénario pose les objectifs à remplir, le nombre de tours pour accomplir cette prouesse et un choix de héros limité, face à une équipe non personnalisable pour l’adversaire.
Le système de jeu est asymétrique : les héros agissent à chaque tour, disposent de tablettes de jeu individuelles, avec une fiche détaillée du personnage ainsi qu’une réserve personnelle de cubes d’énergie.
Leur adversaire, de son côté, s’occupe d’une unique tablette de jeu, pioche dans une réserve globale pour activer les tuiles de personnages. Cependant, l’adversaire dispose d’avantages certains :
- Contrairement aux héros, il a des objectifs simples à remplir, et doit empêcher les héros de remplir les siens. Il est donc défenseur, et à ce titre, il peut se permettre de jouer la montre, un scénario se déroulant en un nombre de tours limité.
- Activer une tuile de méchant iconique ne permet de jouer qu’une figurine, mais une tuile d’hommes de main peut en déclencher jusqu’à 4 simultanés.
- En plus des tuiles de personnages, il dispose d’une tuile de pouvoir (la tuile Warning), qui donne divers avantages en jeu lorsque celle-ci est activée (un effet dépendant du scénario, retour d’hommes de main sur le plateau etc.).
Je ne compte plus les parties perdues sur le fil ou les échecs cuisants tant il est simple de perdre avec les héros. Dès lors, ce mode est idéal pour qui souhaite faire découvrir le jeu à des amis. Un joueur peu familier des règles sera parfait dans le rôle du punchingball… je veux dire, du méchant. Autrement, il va falloir batailler ferme.
Le mode versus : The Master Race
Le mode versus est exclusivement pour deux joueurs. Chaque camp joue avec le gameplay des méchants (tablette unique, pool de cubes, tuiles de personnages et d’hommes de main). Chaque joueur dispose d’objectifs et l’équilibre des forces ne dépend plus du camp occupé, mais bien de la composition de son équipe. Le mode est vraiment intéressant, mais demande un minimum de connaissances sur le jeu, les personnages et leurs compétences. Il est aussi plus personnalisable puisqu’il permet de piocher dans un large choix de figurines.
Se procurer le jeu : The Killing Joke
Batman : GCC se vend exclusivement via des campagnes Kickstarter. La saison 1 s’est déroulée du 27 février 2018 au 31 mars 2018 et fut une franche réussite. Ce mode de financement s’explique par son contenu gargantuesque, puisque le jeu de base se compose de deux énormes boites : une pour les héros, comprenant 22 héros, 25 hommes de mains, 8 civils, leurs cartes de jeu, des cubes d’énergie, des dés, de nombreuses cartes d’équipement, 3 tablettes de jeux, 2 plateaux double faces, divers jetons et les livrets de règles et de scénario dédiés.
La boite des méchants quant à elle, contient : 33 figurines de méchants, 60 hommes de main, 13 objets de décors et 1 tablette de commandement.
Un contenu massif, mais qui ne permet pas de jouer au mode versus, celui-ci faisant l’objet d’une extension à part entière (seconde tablette de commandement, tuiles de héros et livret de scénarios dédiés).
La saison 1 compte 5 extensions : le manoir de Wayne, l’asile d’Arkham, le mode versus, un mode batmobile et une mini-campagne où il est possible de jouer un groupe de méchants. Le manoir et l’asile, sont accompagnés de figurines (dont un gigantesque Tyrannosaure !) de plateaux de jeux dédiés (le manoir Wayne et la batcave d’un côté, l’asile d’Arkham et un parc d’attraction de l’autre), de scénarios dédiés ainsi que de petites variantes de règles (il y a des plateaux de jeux qui peuvent s’assembler ou se dissocier). Enfin la batmobile est un mode de jeu bonus, avec ses propres scénarios et ses règles perso.
La saison 2 eu lieu du 4 juin 2019 au 18 juin 2019 et fut encore une fois, un succès. Elle permettait de mettre la main sur l’intégralité de la saison 1, mais aussi sur trois extensions :
- La suicide Squad et La ligues des assassins, disposent de leur lot de figurines, des tuiles versus, des plateaux de jeu et leurs campagnes dédiées.
- Batman Inc. propose un lot de batmens du monde entier, qui ne sont jouables qu’en versus.
A cela s’ajoute :
- Un nouveau plateau de jeu (le Commissariat de Gotham et les égouts), avec son livret de règles.
- Un mode campagne à 5 joueurs avec son livret de scénario dédiés.
- Des dizaines et des dizaines de figurines exclusives, dont la plupart sont réservées au mode versus.
Une saison conséquente, qui permet d’élargir ses possibilités, tout en mettant l’accent sur le mode versus.
Mon avis sur le jeu : Batman Eternal
Batman : GCC est un jeu stratégique, fun, et proposant de nombreuses configurations de jeu. Mais cette richesse a un coût : le jeu est difficile d’accès. Il demande de la réflexion, une bonne connaissance des compétences des personnages, il est nécessaire d’apprendre à lire les plateaux pour jouer efficacement.
La gestion des déplacements reflète parfaitement « l’esprit Batman » d’une confrontation mais demande un peu (beaucoup) d’expérience.
Le livret de règles n’est pas un modèle du genre mais on a déjà connu pire (coucou Mage Knight !) et entre les règles, les scénario, les diverses aides de jeu que l’on peut trouver sur le net et le matériel, la table est bien vite saturée.
Ces quelques défauts devraient bientôt appartenir au passé, puisque la saison 3 du Kickstarter propose une extension spécialement dédiée à l’accessibilité et à la révision des règles. (Plus d’informations ici )
Le mode campagne, bien qu’assez difficile pour les héros est un bon moyen d’apprendre à jouer, propose de nombreuses heures de jeu, il peut s’avérer convivial, puisqu’il est jouable à 4 (voir 5) et que les parties ne durent jamais plus d’une heure ou deux (sauf peut-être au début). Le mode versus démultiplie la durée de vie et permet des affrontements plus équilibrés.
Les figurines sont plutôt jolies, et peuvent se révéler complexe à peindre, si vous maniez le pinceau comme un sac (c’est mon cas). La peinture ajoute un je-ne-sais-quoi de satisfaisant, mais ce n’est pas une étape obligatoire.
Niveau fan-service, le jeu est extrêmement généreux puisqu’il offre la possibilité de jouer avec un grand nombre de personnages des comics, avec parfois plusieurs versions : Batman, Batman année zero, Batman de frank Miller, Batman année 100 de Paul pope, Bat-gordon et son robot, catwoman, catwoman du comics « Un long Halloween » de Jeff Loeb et du regretté Tim Sale. Il est même possible de jouer avec la Bat-vache de Grant Morrison ! Le panel de représentation est large, et même les lecteurs les plus fidèles pourront sécher devant les références obscures que Monolith est allé chercher (je n’ai personnellement jamais lu d’ouvrage avec Tusk, Reaper ou Amygdala…). Malheureusement le jeu se concentre sur les personnages des comics, il n’y a donc pas la version de la série télé des années 60…
Le matériel est, d’une manière générale, de bonne qualité, les boites sont remplies de cartes, tuiles, jetons, cubes d’énergie, plateaux de jeux. La manipulation des différents accessoires est agréable ; les tablettes sont solides.
Soyez prévenus, le jeu est élitiste: il coûte un rein, il est massif, et n’est disponible qu’occasionnellement. Mais pour peu que vous tentiez l’aventure, vous en aurez pour votre argent. Monolith nous offre ici un jeu solide, doublé d’un véritable hommage à l’univers de l’homme chauve-souris. Cela se ressent au niveau des mécaniques de jeu, du matériel et de son identité totalement orientée comics. Une dernière information: pour les plus débrouillards, il est parfois possible de trouver des occasions sur des sites spécialisés.