Dans ce jeu édité par Super Meeple, l’auteur Carl Van Ostrand nous transporte dans son univers fantastique, déjà exploré auparavant dans la Baie des Marchands, sous les coups de crayons du même illustrateur, Mihajlo Dimitrievski, aka the Mico. Mais la balade est-elle réussie? C’est ce que vous allez découvrir à travers mon avis et ma critique de Bardwood Grove.
Matériel et thème en folie
À l’image de la Baie des Marchands, Bardwood Grove réussit parfaitement à retranscrire son thème, tant à travers ses illustrations luxuriantes que par son matériel foisonnant. Entre les cartes, les pions, les jetons, les gemmes et même des cadrans aimantés, le matériel est clairement agréable à voir comme à manipuler.
De plus, le jeu propose une mécanique évolutive, avec pas moins de cinq boîtes à ouvrir au fur et à mesure des parties, qui viennent ajouter du nouveau contenu et développer encore plus le gameplay. De quoi appréhender plus facilement les premières parties de découverte tout en garantissant une montée progressive en complexité (et également ravir les friands de contenus déblocables, pour la petite magie d’ouvrir une boîte… ou toutes les boîtes d’un coup, selon les goûts).
Petite mise en garde cependant sur la mise en place, qui peut s’avérer un peu fastidieuse avec toutes ces cartes à sélectionner puis à diviser, mais c’est le prix à payer pour disposer d’une telle modularité.
Une petite balade bucolique
Côté immersion, on est vraiment transporté dans une petite balade bucolique à travers la cité, avec tous ces lieux aux effets variés, qui pourraient presque faire échos aux différentes quêtes d’un RPG. Même les actions ont été pacifiées pour respecter l’aspect paisible du thème, puisqu’on ne va non pas combattre une créature mais plutôt l’apaiser, tout comme on ne va pas attaquer ses adversaires mais simplement les défier.
Petite mention spéciale pour la mécanique centrale de chanson que l’on va prendre plusieurs tours à composer pour finalement la jouer, et qui reflète particulièrement bien la réalité. Ce qui nous amène donc au gameplay du jeu.
Le gameplay : déplacement d’ouvriers et deck building
Dans Bardwood Grove, le but du jeu est de finir la partie avec le plus de gemmes. Chaque tour se décompose en trois phases : la composition, le chant et la pause.
Durant la phase de composition, vous devrez, parmi vos deux cartes compétence en main, en placer une dans votre zone de chanson (zone activée durant la phase chant) et défausser l’autre pour activer immédiatement son effet de défausse. Cet effet de défausse fera généralement monter votre volume (une des ressources du jeu) et tourner votre cadran tempo d’un ou plusieurs quarts de tour.
Selon la position finale de votre cadran tempo, vous pourrez ensuite plus ou moins déplacer votre barde afin de vous rapprocher de lieux intéressants ou/et faire avancer votre bateau sur la rivière des légendes afin de diminuer le coût de la prochaine légende que vous raconterez (mais ce point sera expliqué plus en détails dans la phase de chant).
Des bonus viendront également s’ajouter à chaque quart de cadran (une fois que les runes qui les cachent seront retirées), de quoi vous inciter à bien calculer vos quarts de tour.
Une fois cette phase effectuée, si votre cadran tempo a dépassé votre marqueur chanson (ce qui équivaut à un tour complet), vous pouvez activer votre phase de chant (elle ne sera donc pas nécessairement activée à chaque tour).
Celle-ci consiste à activer toutes ou partie des cartes présentes dans votre zone de chanson, qui vous permettront principalement de récupérer des cristaux (qui octroient divers effets), du volume, mais surtout des mélodies et paroles que vous ne pourrez dépenser que durant cette phase. Car pendant votre phase chant, vous pourrez activer une seule fois chacun des lieux adjacents à votre personnage (d’où l’intérêt de le déplacer intelligemment).
Les lieux
Ces lieux exigeront généralement de dépenser des mélodies, des paroles, de l’argent ou du volume. Vous pourrez ainsi :
- acheter de nouvelles cartes en payant le coût indiqué par le jeton marché, dans le but de construire votre deck
- apaiser des créatures, en dépensant les mélodies requises, afin de récupérer divers bonus / ou juste les aider en dépensant une seule mélodie pour réduire le coût d’apaisement
- Gagner de l’argent à la banque
- Faire des représentations en dépensant des paroles afin de gagner des gemmes et une carte fan (qui octroie des bonus immédiats)
- Raconter une légende en dépensant des paroles (réduction de coût possible selon la position de votre bateau) afin de remporter des gemmes, mais surtout d’activer un des objectifs de fin de partie pour TOUS les joueurs
- Convertir vos différentes ressources
- Mais aussi défier d’autres joueurs en dépensant des mélodies afin de récupérer un de leur jeton bouclier (qui vous octroiera des bonus).
Une fois cette phase achevée, la phase de pause se déclenche, et se résume à piocher deux nouvelles cartes.
Cependant, si une ou plusieurs cartes piochées ne sont pas des cartes compétences, vous pourrez les placer directement dans la zone associée afin de bénéficier de leurs effets (ou lors de votre prochaine phase chant si la carte se retrouve dans votre zone de chanson), et recompléter votre main jusqu’à avoir bien deux cartes compétence en main.
Evènements
Des événements viennent quelque peu pimenter chaque partie en modifiant des règles ou en accordant des bonus pour certaines actions, par exemple. Le premier événement reste actif tant que des gemmes se trouvent encore dans sa zone, suite à quoi le second s’active jusqu’à ce que sa propre zone soit vidée.
Une fois toutes les gemmes récupérées, la fin de partie est déclenchée. Le joueur qui récupère la dernière gemme (et déclenche donc la fin de la partie) gagne immédiatement deux gemmes supplémentaires. En contrepartie, tous les autres joueurs obtiennent un dernier tour, dit “chant du cygne”, durant lequel ils devront activer leur phase de chant, même si leur cadran tempo n’a pas fait de tour complet.
Et mon avis, dans tout ça?
Et bien, il serait malhonnête de dire que ce jeu ne fonctionne pas. Tout est bien pensé, tant dans son univers porté par ses illustrations bucoliques, que dans ses mécaniques de chanson à composer ou d’objectifs à activer qui poussent à la stratégie.
Et pourtant, il m’a manqué quelque chose.
Au premier abord, c’est le système de deck building qui m’a le plus déçu pour son manque de profondeur stratégique. On ne choisit pas vraiment ce qu’on achète (ou alors on choisit dans tout le paquet en payant plus, ce qui n’a pas beaucoup plus de sens à mes yeux). Et les cartes achetées ne m’ont pas donné le sentiment d’avoir développé une stratégie spécifique (mes attentes sur cette mécanique étaient sans doute trop élevées, cela dit).
Sauf que, de façon générale, j’ai trouvé mes parties trop légères, et certains choix trop peu impactants. On est bien sur un jeu expert, ne vous y trompez pas, mais il m’a manqué cette sensation de montée en puissance que je recherche souvent dans un jeu de cette trempe.
Certes, on récupère progressivement plus de ressources, mais cela reste trop superficiel pour me captiver. Ce sentiment a pu aussi être amplifié par le temps de jeu un peu long et le manque d’interaction entre les joueurs.
Car on ne suit absolument pas ce que font les autres joueurs puisque la seule mécanique interactive de défi entre les joueurs ne présente aucun enjeu. L’adversaire ne peut pas se défendre et perd juste un bouclier. On joue éventuellement sur la course aux gemmes sur certains lieux, mais cela reste ponctuel.
Pour résumer, ce jeu n’est sans doute pas fait pour moi (je n’avais pas non plus été transcendé par la Baie des Marchands, du même auteur), mais je ne peux ignorer toutes ses qualités et vous encourage à le tester pour vous forger votre propre avis.