Quelques repères pour situer le contexte historique
Frédéric de Hohenstaufen (1194 – 1250) fut empereur des Romains de 1215 à 1250 sous le nom de Frédéric II; roi Germanique, roi d’Italie, roi de Sicile, roi de Provence-Bourgogne et le dernier roi de Jérusalem sous le nom de Frédéric Ier.
Frédéric II accueillit à sa cour des savants du monde entier, il porta un grand intérêt aux mathématiques et aux beaux-arts, se livra à des expériences scientifiques et fit édifier des châteaux dont il aurait parfois tracé lui-même les plans. Il fut un homme d’une culture, d’une énergie et d’une habileté extraordinaire.

Frédéric II devint rapidement une légende et reçut, de la part de ses contemporains, les surnoms de Stupor Mundi (la « Merveille du monde ») et de Prodigieux transformateur des choses , au point qu’on attendit son retour après sa mort.
De nombreux historiens le considèrent comme étant le premier souverain moderne d’Europe. Son royaume a su se doter d’une bureaucratie efficace semblable aux gouvernements centralisés modernes.
Frédéric II fut également un grand bâtisseur. Il fit construire la cathédrale d’Altamura et conçut la porte triomphale de Capoue.
En Capitanate, il fit élever le château de Foggia en 1223. Sur la côte adriatique, il fit élever entre Barletta et Brindisi une chaîne de forteresses destinées à surveiller les routes maritimes vers l’Orient. On lui doit également la construction des châteaux de Lucera, de Gravina (Pouilles), d’Ursino, d’Augusta (Sicile) ainsi que le château Maniace à Syracuse. Il ordonna enfin l’édification du célèbre Castel del Monte (photo ci-dessus) : un octogone de calcaire installé sur une hauteur.
Le but du jeu
En tant que Vassal de Frédéric II, les joueurs accomplissent diverses tâches, telles que convoquer les Alliés méditerranéens, bâtir des tours, murailles & donjons dans leur château et promouvoir des Spécialistes, dans le but d’améliorer leur royaume. Certaines actions pourront déclencher des Décrets qui ont un impact sur le Palais et les richesses de Frédéric II et qui définissent les récompenses que les joueurs reçoivent de leur Alliés.
Des points de victoire sont acquis au cours des tours de jeu, à la fin de chacune des manches et en fin de partie. Le joueur avec le plus de points de victoire l’emporte.
Le matériel du jeu
Stupor Mundi est une grosse et lourde boîte, mais une boîte remplie à ras bord (et ça fait plaisir) !
Des cartes, des tuiles, des parties de château en bois, 2 plateaux centraux, 2 plateaux pour chaque joueur, des personnages, 1 bateau…
Le plaisir des yeux à l’ouverture de la boîte participe pleinement à l’envie de découvrir les règles. La présence sur table est impressionnante… Mais fort heureusement, tout est rapidement très clair !
Les règles du jeu
Les manches
Le jeu se joue en autant de manches que nécessaire pour atteindre l’une des 3 conditions de fin de partie.
Chaque manche est structurée selon 2 phases :
- Phase d’actions
- Phase de revenus et d’entretien
La phase d’actions
Lors de cette phase, chaque joueur joue à tour de rôle :
- il peut voyager
- il doit jouer une carte sous son plateau principal pour réaliser les actions qui en découlent
Voyager consiste à déplacer son bateau dans l’un des 5 ports de la Méditerranée pour avoir la possibilité d’interagir avec les éléments du plateau relatifs à cet emplacement (voir ci-dessous les cartes, les alliés et les tuiles de marché autour du plateau Voyage).
Le jeu est centré sur l’utilisation de sa main de cartes pour effectuer des actions.
Chaque carte peut être utilisée :
- soit face visible pour l’action qu’elle comporte
- soit face cachée pour pointer une action principale située sur son plateau joueur
Il faudra donc jongler avec ses cartes et toutes leurs possibilités pour programmer ses actions et être efficace…
Les 5 actions principales, que l’on retrouve sur le plateau joueur (photo ci-dessous), sont :
- Promouvoir un Spécialiste : avancer d’une case sur l’une des pistes de bonus (en payant le coût éventuel)
- Visiter le Marché : vendre et / ou acheter des ressources
- Bâtir une Construction : ajouter tour / muraille / donjon à son château (en payant le coût)
- Convoquer un Allié : choisir une tuile Allié pour la poser sur son plateau principal (en payant le coût)
- Acheter une carte Action : acquérir une carte pour améliorer son deck et profiter aussitôt de son effet (en payant le coût)
La phase de revenus et d’entretien
Cette phase se déroule en parallèle pour tous les joueurs :
- Compléter sa main de cartes
- Recevoir les revenus de son château (pour chaque façade achevée : 2 tours et 1 muraille)
- Recevoir les revenus de ses alliés (1 PV par allié + 2 PV si la condition est remplie)
- Effectuer l’entretien du plateau Voyage (ajouter des cartes, des alliés) et transmettre le jeton 1er joueur
Mon avis
Les mécaniques
Dans Stupor Mundi, les parties de gestion de ressources et de deckbuilding n’apportent rien de très nouveau, mails elles sont très efficaces.
La gestion de ressources est tendue (mais pas trop) et les cartes avancées aux effets évidents (pas de texte ou effet farfelu) permettent d’améliorer son deck en fonction de sa stratégie : c’est épuré et c’est très bien comme cela !
Le p’tit (grand ?) plaisir du jeu réside dans la construction de son château : ajouter une nouvelle pièce à son édifice pour débloquer un revenu ou bonus permanent est très satisfaisant.
Des idées judicieuses
Une 1ère idée intéressante réside dans l’interaction assez forte mais indirecte liée au Royaume de Frédéric II (château, alliés et ressources).
Ce Royaume peut être amélioré ou au contraire dégradé grâce aux décrets qui seront promulgués tout au long de la partie.
Frédéric II n’est un joueur fictif bien qu’il possède les mêmes ressources et constructions que tous les joueurs mais ce sont ces derniers qui agissent dans un sens ou l’autre pour faire évoluer son Royaume.
Cette mécanique prend tout son sens avec les alliés qui octroient des points de victoire en fonction de tel ou tel paramètre du Royaume de Frédéric II
(directement pour les alliés loyalistes ou par comparaison avec ses propres ressources pour les alliés indépendantistes).
Les joueurs peuvent ainsi faire évoluer ce scoring en leur faveur et / ou au préjudice des autres, ce qui procure un scoring fluctuant au fil des manches : un allié pouvant rapporter des points à certaines manches mais pas à d’autres !
Ce type de mécanisme n’est pas sans rappeler le système de marché dans Kunta Hora ou le scoring de fin de partie de Sankoré, mais il est ici exploité de manière encore différente.
Il y a aussi un 2ème aspect du jeu que j’ai trouvé intéressant : ce sont les 3 pistes de bonus. Ces pistes où avancent les Spécialistes (sans jamais reculer) permettent de bénéficier du bonus où se trouve le Spécialiste. Mais dès qu’il progresse, c’est un nouveau bonus qui est actif (adieu l’ancien).
Ces bonus sont souvent puissants et l’avancée des Spécialistes doit se faire dans le bon tempo pour en profiter pleinement lors de ses autres actions.
Un savant mélange
Le dosage programmation des actions, gestion de ressources, deckbuilding, bonus, et interaction est bien équilibré : tout est important et tout se complète. La tension tout au long de la partie est constante : les points sont chèrement acquis, les écarts ne se creusent pas tellement. Il faudra attendre le décompte de fin partie pour savoir qui l’emporte.
De belles illustrations et un matériel de fou
Les illustrations sont bien dans l’esprit de l’époque, elles sont présentes et agréables sans prendre le pas sur les éléments de jeux qui restent fort heureusement très lisibles. Les différents plateaux, bien que joliment décorés, sont clairs et fonctionnels.
L’iconographie m’a semblé intuitive, elle est rapidement prise en main et tout à fait pertinente.
Le livret de règles du jeu est un modèle du genre : règles claires et exemples explicites, accompagnée de l’explication de chaque carte et tuile du jeu.
Quant aux aides de jeux, elles sont parfaites : tout y est pour une première partie comme pour se replonger dans une nouvelle partie sans avoir à revenir aux règles.
La qualité du matériel est aussi au rendez-vous : les plateaux, les cartes et les tuiles sont de bonne facture.
Mais que dire des différents « pions » de chaque joueur : 1 bateau, 3 spécialistes ainsi que des tours, des murailles et des donjons pour bâtir son château !
Un vrai plaisir d’enfant que celui de construire son château en assemblant les différentes structures, même dans un jeu expert (ça aussi participe à la magie du jeu).
Tout cela participe à rendre le thème très présent et à donner du sens aux actions principales (ce qui pour moi est un atout important dans les jeux experts).
Pour conclure
Je n’hésiterai pas à qualifier STUPOR MUNDI de belle pépite. En effet, grâce à ses règles pas trop lourdes, à son gameplay épuré, à sa profondeur stratégique, à son thème bien présent et à son sens particulier de la programmation d’actions nécessitant un bon tempo, c’est un jeu passionnant qui appelle de nouvelles parties pour appréhender toutes ses possibilités. Bien qu’un brin classique, cette bonne imbrication des mécaniques, du thème et de quelques petites idées ingénieuses en font un jeu solide et enthousiasmant.
J’ai un réel plaisir à le faire découvrir à mes divers cercles de joueurs / joueuses et c’est toujours un franc succès ! Comme la mise en place dépend du nombre de joueurs, il est aussi bon à 2, 3 et 4 joueurs, bien qu’un peu long dans cette dernière configuration.
Si ce n’est pas déjà fait, n’hésitez pas à partir à l’assaut de cette merveille !