Encore un coop thématique nature qui joue uniquement sur la qualité de sa couv’ ? C’est ce que je me suis dit en voyant cette boîte pointer le bout de son nez. Et j’avais tort. Voici mon avis et ma critique de Defenders of the Wild !
On juge l’arbre à ses fruits
Je ne vais pas passer par quatre chemins forestiers : Defenders of the Wild est tout bonnement ma-gni-fique. C’est le seul jeu de référence de l’illustratrice Meg Lemieur, mais alors quel talent ! Dans un mood Kyle Ferrin/Root, l’illustratrice parvient à donner vie à son monde, de manière originale. Les personnages et factions ont leurs particularités, et le reste du design suit : iconographie, polices, ergonomie, rien n’est laissé au hasard. Les figurines en bois, les robots (qui font penser à ceux de la Guerre des Mondes), et tout le matériel du jeu est plaisant.
Autre élément qui frappe : la boîte est un petit format carré, qui ne laisse pas du tout présager de la place que prend le jeu ! Le format tuiles-qui-forment-un-plateau minimise les longueurs et largeurs, du coup Defenders tient dans une petite boîte carrée, alors qu’il est gavé de matériel. La totalité de l’édition est superbement maîtrisée.
Les lois de la robotique
Defenders of the Wild est un jeu coopératif, qui propose à chaque joueur d’incarner une faction des Bois Communs. Régis par le cycle des saisons, ces bois sont désormais en danger, depuis que des petits malins ont décidé de contrôler ces saisons, en inventant des Machines. L’enfer est pavé de bonnes intentions, et vouloir supprimer l’hiver a un prix. D’expérimentations technologiques en construction d’usines, les Machines ont annexé le vivant, pollué les sols. Leur mainmise semble inéluctable. Vous êtes la Résistance, le dernier espoir de la nature.
Ce contexte un peu cliché (j’aurais aimé un petit twist) accouche de mécaniques très originales. Sur un assemblage de tuiles de couleur différentes, vous placerez votre chef de faction, chargé de se déplacer, de détruire des usines, de dépolluer les sols. A l’aide d’un deck de cartes, vous pourrez entreprendre différentes actions pour créer des camps, ou contenir, endiguer et éradiquer les machines.
La première trouvaille que j’ai aimé c’est le gameplay des machines : à chaque tour des robots géants appelés Moteurs posent des murs sur les bords de tuiles. Quand une tuile est totalement entourée de murs, une usine y est construite. Plus il y a d’usines, et plus les Machines progressent, car elles démultiplient leurs possibilités et vous étouffent, vous prennent de vitesse.
Heureusement, ces moteurs avancent dans un sens donné, et vous laissent prédire où agir, et de mesurer l’urgence. Les Machines ont elle aussi un deck de cartes, ce qui vous permet de lire leurs possibles, plus les tours avancent. Et de prévoir votre défense.
D’autres robots, appelés Méchas défendent les usines et les tuiles. Il faudra réussir à les gérer, sachant qu’ils ont différentes actions selon si ils sont placés sur une tuile nature, ou une usine. Votre but sera de résister aux machines, et d’installer des Camps, comme autant d’enclaves de résistance. Pour ça, il faudra :
- dépolluer
- ouvrir des brèches dans les usines
- détruire des Méchas
Deuxième trouvaille : ces actes héroïques vous donneront du Soutien : vous inspirez vos concitoyens ! Quand votre barre de Soutien est remplie, vous pouvez poser un camp. Et à l’instar des usines pour les Machines, les Camps sont importants pour les joueurs. Vous pourrez vous y soigner, mais surtout piocher de plus en plus de cartes. Peut-être car les soutiens affluent, et vous donnent de nouvelles possibilités ? C’est remarquablement thématisé. Attention, poser votre dernier camp vous exclut derechef de la partie, il faudra donc bien maîtriser ce timing !
Tout est connecté, rien n’est éternel
Defenders of The Wild propose un gameplay coopératif global, à une exception : chaque carte jouée par chacun des joueurs doit être choisie secrètement. Impossible de se coordonner à 100%, il faut réussir à anticiper et sentir les intentions des autres. Car beaucoup de cartes auront des synergies entre factions, et quand elles se combinent bien, c’est un gros avantage.
Oui car si vous effectuez des actions communes à tous les joueurs (se déplacer, construire un camp, regrouper, nettoyer la pollution, soigner, détruire un mécha, ouvrir une brèche, renaturaliser une usine), vous aurez aussi un petit pouvoir sur chaque carte jouée. Ces pouvoirs vont vous faire gagner du soutien en plus, passer à travers les murs, ouvrir des brèches etc…Il n’y aura jamais d’effet négatif pour les joueurs, mais simplement des opportunités manquées si ils n’en profitent pas.
En termes de difficulté, j’ai perdu mes deux premières parties de Defenders of The Wild. Et c’est un très bon point ! Le deck des Machines est vraiment méchant, régulier, inéluctable. Il existe même en version difficile, pour corser le tout. Et les Défenseurs sont toujours proches de la défaite, le temps de s’installer et de renverser la tendance…ou pas !
Il existe 4 factions dans le jeu, au feeling très différent. Chaque faction comporte elle-même deux Leaders, et vous n’en choisirez qu’un seul par partie. Dans tous ses aspects, Defenders of The Wild donne de la variabilité, pour que les parties ne se ressemblent pas. Il y parvient très bien !
Into The Wild
Defenders of The Wild fait partie de ces jeux d’invasion, ceux qui vous submergent de problèmes à résoudre, dans un temps ou un champ d’action limités. Vous retrouverez le feeling Aeon’s End, Samurai Spirit, ou encore The Loop. Vos choix de synergie, de timing et de priorités seront mis à rude épreuve. Les Machines vont vous harceler, polluer, vous blesser et construire des Méchas à chaque tour.
Je suis très client de ces gameplays, et de ces jeux d’opportunisme sous pression. De ces choix immédiats et de leurs implications futures. De voir le résultat de notre stratégie se dérouler et se réaliser, ou se crasher complètement. Defenders le fait lui aussi très bien. Même si je lui trouve un côté naïf, je ne peux pas m’empêcher de le trouver touchant. J’aurais adoré qu’il propose des scénarios ou un mode campagne, qui aurait amené un peu de gris au propos machine = pas bien. Et des twists.
Le jeu procure un sentiment de reconnaissance, de tendresse, car tous ses éléments sont travaillés. Le moindre cube a une forme, la moindre icône est bien pensée. Le design des protagonistes est furieusement réussi. On est dans un mood Mononoké je trouve. Defenders n’invente peut-être rien, mais tout ce qu’il fait semble sincère. Le jeu ne se la raconte pas, il n’est pas surproduit, il ne déroule pas de grands discours. Il arrive dans une petite boîte sans prétention.
Il vous fait jouer la Résistance, dans un ultime conflit contre les Machines. Vos parties seront épiques, haletantes, sous pression. Vos défaites cuisantes. Mais vous vous souviendrez de chaque victoire, car ça n’arrivera que très peu souvent. C’est que j’aime dans les jeux coopératifs.