Dans ce jeu signé Space Cowboys, Théo Rivière et Mathieu Aubert s’associent afin de nous offrir un jeu de placement d’ouvriers “coopétitif” (pour citer leur terme) plein de charme. Curieux d’en savoir plus ? C’est ce que vous allez découvrir à travers mon avis et ma critique d’Inori.
Une édition de haute voltige
Inori est un petit bijou d’édition. Porté par les splendides illustrations de Suzanne Demontrond et ses délicates nuances pastelles, le jeu nous plonge dans son univers onirique et spirituel. On ne se doute d’ailleurs pas un seul instant qu’il se révèlera bien plus fourbe qu’il n’y paraît.
Et bien que son thème (plutôt secondaire ici, je vous l’accorde) donne clairement un sentiment de déjà vu, ce visuel reste pertinent car il incitera sans conteste n’importe quel profil de joueur à découvrir la pose d’ouvriers, et Inori se prête parfaitement à cette initiation!
Côté matériel, on frôle aussi le sans faute. De jolis jetons colorés, des petits meeples dans les tons marron (ce qui permet de les distinguer facilement du reste du jeu), des rangements en carton pour trier les cartes, et bien évidemment ces splendides cartes qu’on aimerait presque manipuler encore plus!
Le tout, emballé dans des sachets en papier, pour un souci d’éco-responsabilité. On peut difficilement faire mieux. Inori est donc un super candidat sur le papier. Mais qu’a-t-il sous le capot? (Enfin, dans la boîte quoi)
Le gameplay : du placement d’ouvriers fourbe à l’horizon
Inori repose principalement sur une mécanique de pose d’ouvriers, dont l’originalité réside dans sa forte interaction entre les joueurs. Ici, le but du jeu est de scorer le maximum de points, que l’on peut récolter au cours de la partie via différentes actions, mais aussi par des majorités sur certains jetons Faveur en fin de partie.
Il faudra donc garder en tête ces deux points durant toute la partie. Pour faire simple, un tour d’Inori se résume à placer un de ses ouvriers sur une case disponible du plateau, et à effectuer les actions qui y sont inscrites.
Globalement, le plateau se divise en deux zones : celle des cartes Voyage et celle du Grand Arbre. Chaque zone dispose de divers emplacements qui peuvent accueillir un et un seul ouvrier (je vous vois venir).
Chaque case a ses propres effets, comme récupérer des jetons Faveur d’une couleur donnée ou bien marquer des points selon les jetons Faveur en votre possession (un point par couleur de jeton différente, un point par jeton de la plus haute pile, etc..).
Certains emplacements exigeront de dépenser un jeton Faveur d’un type précis ou d’une pile précise pour pouvoir s’y placer.
Enfin, quelques rares cases permettent également de récupérer une tuile Rune, dont l’effet indiqué sera utilisable au cours de la partie. Elles permettent notamment d’augmenter le nombre de jetons Faveur d’une couleur donnée ou bien de placer ou déplacer un ouvrier, ce qui peut complètement changer la donne de la manche.
Pour finir, le Grand Arbre a également une case spéciale qui permet de placer deux ouvriers neutres supplémentaires à ce tour, permettant de bloquer certains emplacements ou juste de compléter des cartes Voyage.
Mais quel serait l’intérêt de compléter une carte, me direz-vous ? C’est pourtant là que réside une des originalités du jeu !
Car à la fin de chaque manche, les cartes Voyage vont être remplacées par de nouvelles cartes Voyage dont la couleur va dépendre des joueurs. Mais ce n’est pas tout, car certaines cartes vont aussi faire gagner des points!
En effet, une carte dont toutes les cases sont remplies va faire scorer chaque joueur qui s’y trouve selon la couleur de la carte en question (par exemple, une carte bleue complétée offrira aux joueurs concernés autant de points qu’ils auront de jetons Faveur bleus).
Chaque carte est ensuite remplacée par une nouvelle, de la couleur de la carte précédente si celle-ci était complétée, ou de la couleur opposée sinon. Il est donc possible que certains joueurs ne veuillent pas compléter une carte pour en changer sa couleur.
Le Grand Arbre, quant à lui, va introduire le deuxième twist du jeu : son scoring de fin de partie. En effet, chaque emplacement de l’arbre va définir un scoring de majorité en fin de partie pour un type de jeton Faveur donné.
Mais ces scorings vont être déterminés par les joueurs eux-mêmes pendant la partie. Chaque fois qu’un joueur va se placer sur une case de l’arbre, si celle-ci n’a jamais été visitée, il devra associer une couleur de jeton à cette case, et donc à son scoring.
À vous d’associer les plus hauts scorings aux jetons dont vous pensez détenir la majorité en fin de partie ! Ces emplacements sont donc décisifs et vont considérablement orienter la suite de la partie.
La partie s’achève à la fin des quatre manches, lorsque tous les joueurs ont placé leurs ouvriers. On effectue un dernier décompte de fin de manche auquel s’ajoute le décompte final des majorités pour chaque type de jeton impliqué. Et celui qui a le plus de points l’emporte (ou “ceux”, car les égalités ne sont pas départagées).
Mais pourquoi c’est si bien, Inori ?
Au premier abord, la force d’Inori serait son accessibilité. Il représente une parfaite porte d’entrée aux joueurs non initiés qui souhaiteraient découvrir la mécanique de pose d’ouvriers dans un jeu fun et rythmé.
Mais les joueurs confirmés ne seront pas en reste pour autant car, sous ses apparences douces, Inori se révèle bien plus fourbe qu’il n’y paraît et plaira sans conteste aux plus tactiques d’entre vous.
Mais à y voir de plus près, Inori brille tout particulièrement par l’originalité de ses mécaniques et son aspect “coopétitif”.
Entre cartes à compléter et majorités en fin de partie à anticiper, vous aurez irrémédiablement besoin de vos adversaires (et surtout de leurs ouvriers). Mais ils ne vous aideront clairement pas s’ils n’y trouvent pas suffisamment de bénéfices. C’est donc là toute l’idée du jeu de jongler entre coopération et compétition.
Mais ce ne sera pas suffisant pour gagner. Car le scoring de fin de partie est conséquent et peut complètement rebattre les cartes! D’où l’intérêt de se placer sur les cases de l’arbre pour choisir les couleurs qui scoreront le plus, ou au minimum tirer parti des couleurs déjà définies en stockant un maximum de jetons.
Vous l’aurez compris, il faudra optimiser au maximum ses coups et jouer sur tous les tableaux pour scorer le plus possible!
Enfin, comment ne pas parler de la très forte interaction du jeu !
Au delà des cases que l’on se bloque innocemment en plaçant nos ouvriers (plus ou moins innocemment, certes), on va aussi chercher à ralentir nos adversaires en choisissant des majorités qui ne leur conviennent pas, voire même en déplaçant leurs ouvriers pile au dernier tour pour qu’ils ne scorent pas une carte (oui, c’est particulièrement sadique. Mais la tentation sera trop forte, croyez-moi).
En conclusion, joueurs confirmés ou juste curieux de découvrir la pose d’ouvriers, ce jeu est pour vous! (Et pour les autres, tentez quand même, vous pourriez être agréablement surpris)