Ils sont là sur nos étagères, ou plutôt planqués dans un tiroir : les jeux moches. Mais on les aime bien au village quand même ! Parce que certains sont bons. J’en ai regroupé 6, qui ne doivent pas être jugés sur le physique.
Expressions
Le tout récent Expressions est un cauchemar graphique. Ni le titre du jeu, ni sa direction non-artistique ont un quelconque rapport avec son gameplay. On parle parfois de thème plaqué, là le thème s’est pris une Chabal dans les gencives. Mais même si c’est plaqué, parfois un thème c’est bien réalisé. Dans Expressions, non. On a des emojis foireuses sur une boîte sans idée, sans typo convaincante. L’enfant caché de Skyjo et de Microsoft Paint.
Et pourtant, Expressions se joue super bien. Avec un gameplay coopératif de déduction bien tendu, une difficulté réglable, c’est une sorte de Bomb Busters du pauvre, qui coûte 10 balles et qui tient en quelques cartes seulement. Très solide dans sa proposition, c’est un jeu à ranger dans la famille de Régicide, tiroir des bangers.
Sync or Swim
Dans la famille emojis dégueux je choisis Sync or Swim. Qui réussit le tour de force de complètement foirer un thème pourtant hyper audacieux : la natation synchronisée. Pas de graphismes sur la boîte, pas d’ambition sur les illustrations, absentes d’ailleurs. Je pensais que iello allait reprendre tout ça pour en faire un immense banger intemporel en acquérant les droits chez Bézier Games et pas du tout, ils ont juste collé le logo iello dessus.
Peut-être qu’ils n’ont pas eu les droits, ou peut-être en ont-ils décidé autrement. Toujours est-il que le jeu n’a pas eu la carrière qu’il méritait, alors qu’il est excellentissime. A mes yeux, moins pour le côté ambiance/bordel très bien mis en avant par Simon du Passe-Temps, mais plus pour son côté stratégique hardcore. Un vrai gros coop bien expert à sa façon dans les niveaux avancés, qui va titiller les mécanismes de communication de groupe. Son appli est tout aussi excellente, avec vos records et notes en mémoire. Quel dommage !
Mille Fiori
Un top jeux moches sans Schmidt ce serait un affront pour l’éditeur allemand qui semble mettre un point d’honneur à ne pas embaucher de bons graphistes, quels que soient les projets. L’un des moins pires se nomme Mille Fiori, mais il nous inflige tout de même ses dégradés pastels, ses personnages qui ne savent pas quoi faire de leurs mains. Schmidt ne crédite pas Stephan Lorenz sur la boîte, mais juste Reiner Knizia au gamedesign.
Dans le jeu, vous incarnez un maître verrier et marchand cherchant à tirer le meilleur profit de la production et du commerce d’œuvres en verre. Le plateau représente différentes étapes de cette activité : ateliers de fabrication, résidences, soutiens influents, échoppes de commerce et port maritime. Votre objectif est d’être présent au bon endroit et au bon moment pour maximiser vos points.
Chaque manche, vous choisissez et jouez des cartes pour placer vos losanges colorés sur les zones correspondantes, déclenchant divers modes de scoring propres à chaque secteur : créer des chaînes dans les ateliers, occuper des maisons de plus en plus rentables, gravir les pyramides des habitants, multiplier les marchandises dans les boutiques ou faire progresser vos navires dans le port.
C’est moche, mais c’est bien, pile dans le thème de cet article, c’est fou non ? Non.
Les Châteaux de Bourgogne
On arrive sur la partie chefs d’oeuvre, les jeux ne sont pas juste bons, ils ont défini un genre ou une ère. Ca n’empêche pas les Châteaux de Bourgogne d’être plus beige que la tapisserie de votre grand-mère. Un gratin d’endives sans gruyère et sans béchamel. La composition de la couv est immonde, avec ce tableau mal cadré qui se replie sur le côté et même dans le pli intérieur de la boîte. L’illus est plutôt ok. Le matériel est lui fonctionnel, mais on est dans l’eurogame allemand le plus tradi qui soit. Les éditions suivantes n’ont rien arrangé jusqu’à l’ultime kickstarter dans une version boursouflée à 180€, qui rend le truc trop gros pour ce que c’est.
Bon en termes de gameplay c’est inattaquable, un grand Feld, riche et satisfaisant, pas trop long. The Castles of Burgundy (dans son titre original) vous transporte en France médiévale, où vous incarnez un aristocrate cherchant à développer son petit domaine en un puissant territoire. À l’aide de dés et de tuiles aux effets variés, vous construisez des villes, érigez des châteaux, exploitez des mines, développez le commerce et accumulez des connaissances pour optimiser chaque action. Les points s’accumulent en complétant des régions, en livrant des marchandises et en tirant parti des bonus.
Un immense classique dont la couv fait peur aux enfants.
Dominion
Dominion dans sa couv de 2008 est un enfer visuel, entre sa typo inutilement entrelacée et son ombrage scandaleux. Les illustrations des cartes du jeu sont très inégales aussi, rendant le thème du jeu complètement accessoire. Et c’est la seule chose qui lui manque !
Parce que Dominion tout le monde le sait c’est l’un des ancêtres du deck-building, avec son marché de cartes, et sa dynamique entre économie et points de victoire à maîtriser. Un classique absolu, qui a connu moult extensions.
Race for the Galaxy
Dur dur de placer des piques à d’énormes briques dans le jardin des bangers, mais voilà, RFTG, c’est quand même assez moche. Pas tant les illustrations, même si quelques tentatives de 3D ratées minorent la qualité d’ensemble, mais plutôt cette iconographie et ce tour de carte métallique désuet. Et cette cover a vieilli, elle a un look de jeu PS1 polygones et textures flemmardes. Je sais que c’est dur à avaler, mais c’est le cas je pense.
En revanche, ça ne gêne absolument pas pour jouer cet incroyable jeu de construction de tableau, où vous jouerez planètes et développements pour gagner des points. Piochez, développez, colonisez, produisez et récoltez vos ressources, en faisant la guerre ou pas.
Moralité : avant, on pouvait faire des cartons commerciaux avec des bons jeux, même moches. Aujourd’hui il faut être bon ET beau, car le niveau d’exigence est très relevé. Du coup c’est dommage pour certains jeux, dont la fenêtre d’exposition est déjà très courte, et qui n’atteindront jamais leur plein potentiel à cause d’une mauvaise orientation artistique.
Les passionnés les joueront quand même, le grand public beaucoup moins !
J’ai raison, d’ailleurs le jeu le plus vendu est Skyjo, peut-être bientôt remplacé par Flip 7.
Shit :/